Ajaccio capitale mondiale de la Foi Chrétienne
Une journée inoubliable
Ajaccio capitale mondiale de la Foi Chrétienne !
La visite dans l’île ce dimanche 15 décembre du Souverain Pontife a suscité une ferveur, une liesse et un enthousiasme sans précédent ! Croyants pratiquants ou non, curieux et sceptiques, ils étaient plus de 100000 à célébrer, dans la joie, cette journée inoubliable qui restera à jamais gravée dans le coeur des Corses…
Difficile, à dire vrai, de mettre des mots sur ce que l’on a vécu ce dimanche 15 décembre dans la Cité Impériale. De fait, il y a ce que l’on s’était imaginé et ce que à quoi nous avons assisté. De 6h du matin à 21.00, où Ajaccio avait été coupée du reste du monde, une communion intergénérationnelle a été célébrée partout où le Souverain Pontife est passé. Pour l’occasion, ils étaient venus des quatre coins de l’île et de la diaspora. En voiture, par avion (Air Corsica avait affrété plusieurs vols avec des tarifs préférentiels) ou par bateau, la Corsica Ferry ayant tout spécialement mis trois de ses navires à disposition. « Je suis venue de Bastia par bateau avec mon père, explique Oliva (8 ans), je suis membre de la confrérie Santa Maria Maddalena di Bunifaziu. C’était vraiment magique de venir ici et de voir le Pape... »
La doyenne de la Cité Impériale (108 ans) saluée par le Souverain Pontife
Un sentiment partagé par tous, commerçants, sapeur-pompiers, simples fidèles, élus déjà en route, ils étaient quelques centaines, dès 7.00 à arpenter les rues-abordables- de la Cité Impériale afin de s’arrêter aux différentes haltes prévues sur le parcours du Souverain Pontife. Dès son arrivée sur le tarmac de l’aéroport Napoléon Bonaparte, ce dernier a été accueilli par des salves d’applaudissements et au son de la cetera et pivana du groupe Caramusa. La musique sera, du reste omniprésente tout au long de cette journée ensoleillée, polyphonies, monodie a cappella, orgue, chorales d’écoliers, a scola di cantu. Et, comme si la météo tumultueuse de ces derniers jours, suspendait, elle aussi, son vol, un ciel sans nuage du lever au coucher du soleil...Premier temps fort, la halte devant le baptistère paléochrétien du site Alban. Un choix religieux, certes, mais surtout pieu et social en plein coeur d’un quartier populaire. Et l’on mesure ce que représente la piété populaire pour le Pape François, qui rappelons-le, avait décliné l’invitation du Chef de l’État, une semaine plus tôt pour l’inauguration de l’Église Notre Dame. Des enfants bénis, des parents émus aux larmes, la doyenne de la Cité Impériale (108 ans) saluée personnellement par le Souverain Pontife.
Un temps fort qui aura donné le tempo d’une journée placée sous signe de la ferveur populaire. Quelques minutes plus tard, le Pape François accompagné du Cardinal Bustillo entrait à l’auditorium du Palais des Congrès afin de clore le colloque sur la piété populaire en Méditerranée débuté la veille à l’hôtel Campo del Oro. Une manifestation à laquelle ont participé près de 250 personnes venues du Sud de la France, de Sicile, Sardaigne, Italie, Corse.
Des évêques, diacres, prêtres et confrères évoquant des liens à tisser ensemble. C’est de ces liens qu’il a été question en guise de clôture au Palais des Congrès, le Souverain Pontife précisant que « La piété populaire symbolise la foi et la présence de Dieu dans nos coeurs... » et argumentant même autour de Pascal : « Ne cherchez pas les preuves de l’existence de Dieu de manière intellectuelle mais trouvez et parcourez ces pas qui nous conduisent vers lui. Dans la rue, vous étiez tous réunis, pratiquants avec ferveur, peu pratiquants ou curieux. Retrouvons, ensemble, cette unité qui lie les peuples...Quant à la Corse, elle reste présente à Rome, ne serait-ce qu’à travers le Cardinal Mamberti, qui est originaire de l’île. »
Dans la salle, confrères, consœurs et maires, venus tous rendre hommage au Pape François. « C’est un grand moment, souligne Jean-Pierre Giordani, maire de u Salge, il ne fallait manquer pour rien au monde, ce rendez-vous avec l’histoire. Je me devais d’être là en tant que maire pour ma communauté, pour qu’elle soit fière. Nous sommes laïcs et tous élus de la République. Mais aussi des élus du peuple chrétien de Corse. »
La « laïcité » à l’usu corsu : une spécificité
Une façon de mettre en avant la spécificité insulaire, sans doute unique sur le Vieux Continent. Celle d’une île où la laïcité et le spirituel marchent main dans la main, où les élus sont présents à toutes les célébrations religieuses les plus importantes, où l’on écourte les sessions de l’Assemblée pour assister et participer au vendredi saint, où les crèches sont installées dans toutes les communes lors des fêtes de Noël.
De cette particularité, le Pape François en aura bien sûr pris conscience, surtout en ayant fait une halte devant la statue de la Madunuccia, place Foch, en présence du maire d’Ajaccio, de nombreux élus et au son de la musique municipale. « Un moment exceptionnel et je me demande même s’il est réel, souligne Charly Voglimacci, adjoint, un moment d’intense émotion. Je ne pensais pas que l’on puisse un jour vivre un tel événement. Le Pape a pris le temps, serré des mains, béni et embrassé des enfants. Sans oublier cet arrêt devant la Madunuccia, patronne de la Ville. On ne pouvait rêver mieux. »
Après une messe face au clergé et l’Angélus célébré en la cathédrale totalement rénovée, et une sortie ponctuée par « allegria » chantée par a scola di cantu et « terra nostra », le Pape s’est rendu à l’évêché pour un déjeuner et un temps de repos. Auparavant, et devant des parents en larmes, il aura béni des enfants, leur offrant des bonbons et un chapelet à chacun. Un homme de foi mais avant tout un homme du peuple, dans ce qu’il a de plus noble. Et puis, autre temps fort, les milliers de fidèles n’ayant pu accéder à la messe du Casone, étaient massés place Miot où ils ont reçu l’eucharistie donnée par les confrères. Toujours avec la joie en guise de fil rouge. « C’est la première fois que je rencontre le Saint-Père de si près, explique Raphaël Moretti, confrère dans le Niolu, c’est un événement exceptionnel et il représente la reconnaissance des micro-régions, pour nous qui oeuvront toute l’année pour ces lieux en proie à la désertification. Quant à donner la communion le jour de la venue du Pape en Corse, c’est quelque chose d’inimaginable. »
Une intense émotion
Une liesse qui, on le voit, a touché au plus profond d’eux mêmes, toutes les personnes présentes, quel que soit leur âge, leur situation ou encore leur foi. Et puis, quoi de mieux, finalement, que le Casone, aux pieds de la statue de l’Empereur, pour célébrer la messe devant près de 9000 fidèles, debout durant une heure et demi et dont la plupart étaient présents dès l’ouverture des grilles à 11.00 et même bien avant. « On est parti à 3 heures du matin de Bastia, précise ce fidèle, en famille puisque nous étions six au total. Nous avons pris le petit-déjeuner sur le cours Napoléon avant de monter jusqu’au Casone pour un moment magique qui a uni, nous l’avons ressenti, toutes les personnes présentes et même bien au-delà, celles et ceux qui ont pu assister à la célébration sur les écrans géants disposés partout en ville et dans certaines églises. »
« La Corse ouverte à l’universalité de l’église »
Une messe chantée par plusieurs groupes et/ou confréries en présence de prêtres, diacres, servants d’autel et le rose, symbole de joie, porté par les célébrants en ce troisième dimanche de l’avent. Le tout ponctué par un Diu Vi Salvi Regina emprunt d’une très grande émotion. « Cette journée, souligne l’abbé Constant, vicaire général, c’est la fierté de la Corse. Le Pape l’a souligné dans son homélie « Je me sens à la maison ». La Corse était une grande maison ouverte pour accueillir le successeur de Pierre, Papa Francescu Certains sont venus de très loin dans l’île pour entendre ses paroles. C’est une action de Grâce. La Corse ouverte à l’universalité de l’église par la simplicité du Pape François. »
Un renouveau spirituel en Corse ?
Un sentiment partagé par notre évêque, son Eminence le Cardinal Bustillo au terme de cette journée. « Une journée historique, un moment d’onction, de joie et d’espérance pour tous, une attente. J’ai vu le visage des gens plein d’une liesse collective. Les fidèles d’Ajaccio, de la Corse et d’ailleurs, ont été heureux de vivre ce moment unique. »
Le Souverain Pontife a achevé son voyage après, comme le veut le protocole, un entretien avec le Chef de l’État. Quelques jours se sont écoulés depuis cette visite historique. La ferveur se lit toujours sur les visages. Pour preuve, le Cardinal Bustillo et l’abbé Constant sont régulièrement accostés dans la rue, témoignant de cette liesse toujours présente dans le coeur des Corses. Qu’adviendra-t-il de la suite ? « Nous n’étions pas dans une comédie liturgique, assure le Cardinal Bustillo, nous sommes face à une église qui va au devant de ses fidèles et ne se résume pas aux seuls célébrations. Le Pape a lancé un message d’amour et de paix. On est dans l’essence même de l’Evangile. Cette trace qui a touché tous les êtres, est indélébile. »
Gageons, à travers les nombreux témoignages de curieux, d’agnostiques ou de non-croyants, tous touchés par le discours humaniste du Souverain Pontife (empathie à accorder à notre prochain, bienveillance à l’égard des enfants et des personnes âgées), « une voix exceptionnelle qui s’élève dans un monde qui sombre dans l’incompréhension, la guerre, le mépris social et le racisme » a t-on entendu ce dimanche de la part d’ anonymes, que ce 15 décembre 2024 marquera une ère spirituelle nouvelle, du moins pour la Corse. Une île qui, on le voit, étonne le monde quand elle sait rassembler les valeurs qui lui sont chères.
Les 70 confréries en ordre de marche
Toutes les confréries de l’île étaient présentes à l’occasion de la visite papale. Un grand moment de foi et surtout des particularités qui ont touché le Saint-Père.
Sur les quelque 3000 confrères que compte l’île, réunis autour de 70 à 80 structures, ils étaient plus de la moitié-tous actifs- à être présents pour la venue du Souverain Pontife. Certains dès le matin près du tarmac de l’aéroport, d’autres au baptistère San Ghjuvà, à l’auditorium du Palais des Congrès, à la cathédrale d’Ajaccio, la Madunuccia. Tous se sont retrouvés ensuite au Casone pour la messe. « Une journée d’une foi et d’une ferveur sans précédent, souligne François-Aimé Arrighi, diacre et confrère dans le canton des Dui Sorru, il y a un renouveau des confréries dans l’île,et cette visite va nous donner à tous, un élan supplémentaire. »
Il est, à ce titre, important de constater que « l’effet Bustillo » apporte incontestablement un plus au niveau religieux dans l’île. Douze confréries ont été créées ou relancées dans l’île depuis l’arrivée du Cardinal (quatre en Corse-du-Sud et huit en Haute-Corse), d’autres sont en préparation pour 2025. La plupart dans le monde rural. Par ailleurs, on note également une hausse des catéchumènes (151 en 2024, soit 200 de plus qu’en 2021) et confirmations. Les diacres, dont beaucoup sont issus des confréries, sont aussi en hausse (une quarantaine sur l’ensemble de l’île). Enfin, six séminaristes et un en année propédeutique sont en passe devenir prêtre. Un élan qui devrait être accru par la visite du Pape François.
Philippe Peraut
Crédits photos :Alessandro Sardo Service Communication du Vatican