Enseigner le chinois sur son île : le rêve d'Alice chanson
Un progés d'enseignement au collège et lycée Fesch , retenu par le Rectorat
Enseigner le chinois : le rêve d’Alice Chanson
Au terme d’un parcours qui ne la destinait pas véritablement à embrasser la profession d’enseignante, Alice Chanson, passionnée depuis son enfance par les langues, s’est découvert une attirance toute particulière pour le chinois. Pour être, aujourd’hui la seule enseignante corse d’une langue qu’elle a vocation à développer dans son île…
Difficile, quand on a grandi dans une famille d’enseignants, de ne pas suivre cette voie, bien qu’il n’y ait pas de réelles prédispositions. Pour ce qui concerne Alice Chanson, aujourd’hui enseignante en chinois, le parcours ne fut pas un long fleuve tranquille. « Mon grand-père, Raymond Chanson et mes deux grand-mères, Danièle Lombardi et Antoinette Diani, étaient tous instituteurs, explique-t-elle, ma scolarité fut, pour autant assez tumultueuse. À dire vrai, je n’étais pas une élève très studieuse. Au collège et lycée Fesch, j’étais plus souvent au Café Fesch, à taper la belote, qu’en cours. Je n’y allais que pour les contrôles. Mais ça se passait plutôt bien...»
D’Ajaccio à...Taïwan !
Un parcours qui permet tout de même à Alice de décrocher un Bac S. Finalement, c’est sa passion pour les langues qui va la diriger vers le mandarin et l’enseignement. « Depuis toute petite,ajoute-t-elle, j’étais attirée par les langues. Je regardais la TV mais avec des émissions, séries, dessins animés ou films, en anglais. Cela m’ a permis, en plus de mes voyages, d’apprendre cette langue couramment. »
Une fois son bac en poche, la jeune femme met le cap sur Paris afin d’approfondir cette discipline. « Mes parents ont insisté pour que je choisisse une deuxième langue, l’anglais étant insuffisant et privilégié par beaucoup. Ils me suggérèrent donc le chinois, une langue peu connue mais d’avenir notamment pour diverses filières telles que le commerce. C’est une langue « exotique » qui m’a tout de suite attirée. »
Alice prépare donc deux licences, l’une anglais et chinois et l’autre tout spécialement dédiée au chinois avec diverses spécificités. « C’est à ce moment là, en 2016, que j’ai réellement voulu être enseignante et bien sûr, dans cette discipline. »
La future professeure part une année sur l’île de Taïwan en tant qu’enseignante en français. « Ce sont des îliens comme nous, rappelle-t-elle, on a, de ce fait, de nombreux points communs. La langue officielle reste le mandarin (chinois) mais ils enseignent le taïwanais à l’école, les traditions...et ne se sentent pas du tout chinois. Cette expérience m’a apporté beaucoup. »
Alice a emprunté la voie dont elle rêvait. Mais elle ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. « Je voulais être prof de chinois...chez moi ! »
La boucle bouclée au collège et lycée Fesch
De retour à Ajaccio, la jeune femme prépare un master en spécialité chinois qu’elle obtient avec succès à Montpellier. Mais le rêve d’enseigner en Corse la préoccupe. C’est là que le destin va apporter sa petite touche personnelle. « Un collège et lycée, Simon Vinciguerra à Bastia, dispensait le chinois en LV2 de la sixième à la terminale avec une enseignante chinoise mariée à un corse. J’appris que le Rectorat avait précisé que l’enseignante en question avait trop d’heures. Il en manquait six hebdomadaires.Ce qui m’a permis de mettre le pied à l’étrier. »
Durant quatre années, Alice Chanson multiplie les aller-retour à Bastia afin d’enseigner le mandarin. Restait, toutefois à boucler la boucle en retournant à Ajaccio et pourquoi pas au Fesch ?
« J’ai donc rédigé un projet stipulant tout l’intérêt que pouvait revêtir l’enseignement de cette discipline. En argumentant que le chinois était la langue du futur, liée au commerce, un domaine où elle était obligatoire, qu’elle favorisait une certaine ouverture d’esprit, que l’on pouvait y travailler de manière transversale sur l’histoire, les traditions et la culture, la calligraphie...Bref, tout un panel intéressant et instructif pour les élèves. »
2019 : un projet d’enseignement au collège et lycée Fesch, retenu par le Rectorat
Un projet qui, présenté, en son temps, à Paul di Giacomi, proviseur de l’établissement a été retenu par le Conseil d’administration et le Rectorat. En 2019, Alice Chanson débute l’enseignement au lycée Fesch, en classe de seconde (LV3) et pour 14 élèves. « J’ai senti de suite un réel engouement autour de cette langue, nouvelle pour tous. Et un an plus tard, je disposais des premières et terminales en plus. »
Calquée sur le cadre européen des langues (A1 et A2, débutants, B1 intermédiaires, B2, confirmés et C1 expert), l’enseignante travaille depuis plus de quatre ans au développement de cette langue autour du tryptique « parler, écrire et comprendre ».
« Je reste ludique mais il est clair que les élèves sont tous attirés par cette discipline. De manière transversale d’autres disciplines sans jamais passer par le français, ce qui nous donne des élèves qui étudient le chinois en passant par l’anglais. En 2023, nous avons intégré les débuts du cycle secondaire avec des sixièmes en « initiation ». Et j’ai pu aller, également, à la rencontre d’élèves de CM2 en mars dernier afin de promouvoir et de proposer cet enseignement. »
Taïwan, « La Corse asiatique »
Dans son enseignement, Alice Chanson évoque souvent la particularité de l’île de Taïwan. « La « Corse asiatique », souligne-t-elle, une île chinoise depuis 1940 qui compte 23 millions d’habitants.Tellement loin de la Corse...et à la fois si proche par bien des aspects. »
Cette année, Alice compte près d’une cinquantaine d’élèves (une trentaine en sixième, une dizaine en quatrième, et autant de la seconde à la terminale). « L’objectif, souligne l’enseignante, consiste à favoriser le bilangue anglais-chinois et à terme, le bilingue en y incluant le corse. »
Il va de soi que cet enseignement constitue un plus pour l’établissement, que ce soit en collège ou au lycée où tous, responsables et collègues, sont très fiers de compter sur une discipline qui n’est enseignée nulle part ailleurs dans le département. Le deuxième à l’échelle de l’île. De leur côté, les élèves semblent particulièrement enthousiastes. « Ma grand-mère aime les voyages. Je vais l’emmener là-bas, c’est un très beau pays, assure Charlie (6e). Pour Mattea (6e), « les langues asiatiques sont un atout important pour l’avenir. J’aime ces pays et cette langue. » Maxime (1ère), songe déjà, pour sa part, à son avenir professionnel. « J’ai choisi cette langue car je souhaite aller travailler là-bas dans la finance. » Enfin, Emma (1ère) y puise une grande ouverture d’esprit. « Déjà, le pays est un lieu magique et très stylé. C’est une langue nouvelle qui me plaît beaucoup et qui nous ouvre vers d’autres horizons. »
Alice, elle, va poursuivre ses voyages vers Taïwan durant l’été. En attendant, elle note « un réel engouement autour de cet enseignement, des élèves brillants dont certains sont partis sur Singapour, sont en école HEC ou en école maritime. Ils ont tout compris que le chinois est, avant tout et au-delà de la seule langue, un art de vivre. Pour ma part, je boucle la boucle en enseignant ce qui me passionne le plus, chez moi en Corse et au sein de l’établissement où j’ai effectué ma scolarité. Que rêver de mieux ? »
Elèves et enseignants profitent de vacances bien méritées. Courant janvier, Alice va s’attarder sur le nouvel an chinois. Une façon de continuer à transmettre les valeurs, us et coutumes des pays du soleil levant.
Philippe Peraut
Photos : F.P
Au terme d’un parcours qui ne la destinait pas véritablement à embrasser la profession d’enseignante, Alice Chanson, passionnée depuis son enfance par les langues, s’est découvert une attirance toute particulière pour le chinois. Pour être, aujourd’hui la seule enseignante corse d’une langue qu’elle a vocation à développer dans son île…
Difficile, quand on a grandi dans une famille d’enseignants, de ne pas suivre cette voie, bien qu’il n’y ait pas de réelles prédispositions. Pour ce qui concerne Alice Chanson, aujourd’hui enseignante en chinois, le parcours ne fut pas un long fleuve tranquille. « Mon grand-père, Raymond Chanson et mes deux grand-mères, Danièle Lombardi et Antoinette Diani, étaient tous instituteurs, explique-t-elle, ma scolarité fut, pour autant assez tumultueuse. À dire vrai, je n’étais pas une élève très studieuse. Au collège et lycée Fesch, j’étais plus souvent au Café Fesch, à taper la belote, qu’en cours. Je n’y allais que pour les contrôles. Mais ça se passait plutôt bien...»
D’Ajaccio à...Taïwan !
Un parcours qui permet tout de même à Alice de décrocher un Bac S. Finalement, c’est sa passion pour les langues qui va la diriger vers le mandarin et l’enseignement. « Depuis toute petite,ajoute-t-elle, j’étais attirée par les langues. Je regardais la TV mais avec des émissions, séries, dessins animés ou films, en anglais. Cela m’ a permis, en plus de mes voyages, d’apprendre cette langue couramment. »
Une fois son bac en poche, la jeune femme met le cap sur Paris afin d’approfondir cette discipline. « Mes parents ont insisté pour que je choisisse une deuxième langue, l’anglais étant insuffisant et privilégié par beaucoup. Ils me suggérèrent donc le chinois, une langue peu connue mais d’avenir notamment pour diverses filières telles que le commerce. C’est une langue « exotique » qui m’a tout de suite attirée. »
Alice prépare donc deux licences, l’une anglais et chinois et l’autre tout spécialement dédiée au chinois avec diverses spécificités. « C’est à ce moment là, en 2016, que j’ai réellement voulu être enseignante et bien sûr, dans cette discipline. »
La future professeure part une année sur l’île de Taïwan en tant qu’enseignante en français. « Ce sont des îliens comme nous, rappelle-t-elle, on a, de ce fait, de nombreux points communs. La langue officielle reste le mandarin (chinois) mais ils enseignent le taïwanais à l’école, les traditions...et ne se sentent pas du tout chinois. Cette expérience m’a apporté beaucoup. »
Alice a emprunté la voie dont elle rêvait. Mais elle ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. « Je voulais être prof de chinois...chez moi ! »
La boucle bouclée au collège et lycée Fesch
De retour à Ajaccio, la jeune femme prépare un master en spécialité chinois qu’elle obtient avec succès à Montpellier. Mais le rêve d’enseigner en Corse la préoccupe. C’est là que le destin va apporter sa petite touche personnelle. « Un collège et lycée, Simon Vinciguerra à Bastia, dispensait le chinois en LV2 de la sixième à la terminale avec une enseignante chinoise mariée à un corse. J’appris que le Rectorat avait précisé que l’enseignante en question avait trop d’heures. Il en manquait six hebdomadaires.Ce qui m’a permis de mettre le pied à l’étrier. »
Durant quatre années, Alice Chanson multiplie les aller-retour à Bastia afin d’enseigner le mandarin. Restait, toutefois à boucler la boucle en retournant à Ajaccio et pourquoi pas au Fesch ?
« J’ai donc rédigé un projet stipulant tout l’intérêt que pouvait revêtir l’enseignement de cette discipline. En argumentant que le chinois était la langue du futur, liée au commerce, un domaine où elle était obligatoire, qu’elle favorisait une certaine ouverture d’esprit, que l’on pouvait y travailler de manière transversale sur l’histoire, les traditions et la culture, la calligraphie...Bref, tout un panel intéressant et instructif pour les élèves. »
2019 : un projet d’enseignement au collège et lycée Fesch, retenu par le Rectorat
Un projet qui, présenté, en son temps, à Paul di Giacomi, proviseur de l’établissement a été retenu par le Conseil d’administration et le Rectorat. En 2019, Alice Chanson débute l’enseignement au lycée Fesch, en classe de seconde (LV3) et pour 14 élèves. « J’ai senti de suite un réel engouement autour de cette langue, nouvelle pour tous. Et un an plus tard, je disposais des premières et terminales en plus. »
Calquée sur le cadre européen des langues (A1 et A2, débutants, B1 intermédiaires, B2, confirmés et C1 expert), l’enseignante travaille depuis plus de quatre ans au développement de cette langue autour du tryptique « parler, écrire et comprendre ».
« Je reste ludique mais il est clair que les élèves sont tous attirés par cette discipline. De manière transversale d’autres disciplines sans jamais passer par le français, ce qui nous donne des élèves qui étudient le chinois en passant par l’anglais. En 2023, nous avons intégré les débuts du cycle secondaire avec des sixièmes en « initiation ». Et j’ai pu aller, également, à la rencontre d’élèves de CM2 en mars dernier afin de promouvoir et de proposer cet enseignement. »
Taïwan, « La Corse asiatique »
Dans son enseignement, Alice Chanson évoque souvent la particularité de l’île de Taïwan. « La « Corse asiatique », souligne-t-elle, une île chinoise depuis 1940 qui compte 23 millions d’habitants.Tellement loin de la Corse...et à la fois si proche par bien des aspects. »
Cette année, Alice compte près d’une cinquantaine d’élèves (une trentaine en sixième, une dizaine en quatrième, et autant de la seconde à la terminale). « L’objectif, souligne l’enseignante, consiste à favoriser le bilangue anglais-chinois et à terme, le bilingue en y incluant le corse. »
Il va de soi que cet enseignement constitue un plus pour l’établissement, que ce soit en collège ou au lycée où tous, responsables et collègues, sont très fiers de compter sur une discipline qui n’est enseignée nulle part ailleurs dans le département. Le deuxième à l’échelle de l’île. De leur côté, les élèves semblent particulièrement enthousiastes. « Ma grand-mère aime les voyages. Je vais l’emmener là-bas, c’est un très beau pays, assure Charlie (6e). Pour Mattea (6e), « les langues asiatiques sont un atout important pour l’avenir. J’aime ces pays et cette langue. » Maxime (1ère), songe déjà, pour sa part, à son avenir professionnel. « J’ai choisi cette langue car je souhaite aller travailler là-bas dans la finance. » Enfin, Emma (1ère) y puise une grande ouverture d’esprit. « Déjà, le pays est un lieu magique et très stylé. C’est une langue nouvelle qui me plaît beaucoup et qui nous ouvre vers d’autres horizons. »
Alice, elle, va poursuivre ses voyages vers Taïwan durant l’été. En attendant, elle note « un réel engouement autour de cet enseignement, des élèves brillants dont certains sont partis sur Singapour, sont en école HEC ou en école maritime. Ils ont tout compris que le chinois est, avant tout et au-delà de la seule langue, un art de vivre. Pour ma part, je boucle la boucle en enseignant ce qui me passionne le plus, chez moi en Corse et au sein de l’établissement où j’ai effectué ma scolarité. Que rêver de mieux ? »
Elèves et enseignants profitent de vacances bien méritées. Courant janvier, Alice va s’attarder sur le nouvel an chinois. Une façon de continuer à transmettre les valeurs, us et coutumes des pays du soleil levant.
Philippe Peraut
Photos : F.P