Conférene de Janine Vittori : rencontre autour de la couleur bleue
Le bleu dans la peinture occidentale..... Le bleu de l'Egypte ancienne à Yves Klein. Le bleu de Possin à Giotto.
Conférence de Janine Vittori
Rencontre autour de la couleur bleue
Le bleu dans la peinture occidentale…Le bleu de l’Egypte ancienne à Yves Klein. Le bleu de Poussin à Giotto. Le bleu de Cimabue à Wermer. Le bleu de Léonard de Vinci à Picasso. Le bleu dans toutes ses déclinaisons, ses nuances des plus claires aux plus foncés. C’est ce que nous a conté Janine Vittori lors de sa récente conférence à l’Alb’Oru, diaporama à l’appui.
La séance s’est ouverte sur une toile singulière d’Edward Hopper. Autour d’une grande table de bistro des bourgeois qui s’encanaillent, un Pierrot solitaire, l’artiste assis dans un coin presque recroquevillé. Le tableau dit les attentes plurielles des clients dans un espace associant des bleus variés porteurs de mélancolie, peut-être- de mal de vivre au moins du côté de l’artiste et dans cette ambiance la présence de la fée verte !
Une scène à méditer avant de plonger dans un historique qui commence dans l’Egypte ancienne où le bleu rebutait les habitants. Les Romains, eux, estimaient cette couleur juste bonne aux Barbares avec leurs gros yeux bleus disgracieux. N’empêche un hypogée de la villa de Livia, femme d’Auguste, montre un agréable jardin botanique peint sur les murs, qui contredit un mépris du bleu. Ainsi que cette Diane retrouvée à Naples sur une fresque qu’on croirait danser dans une nuée de bleus.
Par étapes la couleur bleue va s’améliorer, se peaufiner, sa préparation à laquelle va participer l’industrie chimique lui permettra de créer de nouveaux coloris moins coûteux et plus faciles à manier que le lapis lazuli de base. Caractéristiques de cette roche métamorphique ? Sa cherté et son utilisation difficile. C’est pourquoi son emploi est réservé pour peindre des Vierges et des sujets sacrés. A la période initiale des représentations de Marie, elle peut arborer n’importe quelle couleur.
Au XII è siècle on lui attribue le bleu. Les Cimabue, Giotto, Léonard de Vinci, Raphaël livrent en ces temps leurs plus remarquables réussites. Le bleu renvoie alors au divin, à la beauté, à la sérénité et les visages de la Vierge s’individualisent. Antonello da Messina, lui, va pour la première fois, en Italie, s’essayer à la peinture à l’huile en s’inspirant des Hollandais. Il saura allier chez Marie encore plus de douceur et d’humanité.
Début XVIII è siècle apparait sur le marché le bleu de Prusse, un synthétique d’un prix abordable, puis suit un bleu Cobalt qui débordant la peinture va devenir un fleuron de la mode (Paco Rabanne). Plus proches de nous, de manière puissante un Picasso, un Van Gogh s’adonneront au bleu. Dans les années 50 Yves Klein inventera, avec l’aide d’un ingénieur,son propre bleu, ce sera le IMB.
En cette fin janvier Janine Vittori nous a offert une balade magique dans l’univers du bleu tant aimé de Suzanne Valadon, du chanteur Christophe, d’Edward Hopper.
Michèle Acquaviva-Pache
• Janine Vittori a été longtemps conseillère pédagogique en arts plastique pour la Haute Corse. • Dommage, dommage que la Médiathèque de l’Alb’Oru ferme pile après la fin de la conférence ce qui interdit débats et échanges. En restant ouverte se serait peut-être un moyen d’éviter que ce quartier sud roupille en même temps que les poules !
ENTRETIEN AVEC JANINE VITTORI
Depuis quand vous intéressez-vous à la couleur bleue ?
Depuis toujours l’art est une passion. J’ai d’abord été attentive au bleu dans l’ensemble d’une œuvre, ensuite je l’ai regardé de plus près. Jocelyne Casta, avant de prendre sa retraite, m’avait demandé un travail sur la couleur bleue pour les médiathèques de Bastia qu’elle dirigeait… Mais ce que j’admirais surtout ce sont les accords de couleurs, ces accords qui enthousiasment et font du bien.
L’histoire du bleu dans la peinture occidentale est-elle caractéristique des évolutions de la société ?
Les Grecs et les Romains n’avaient guère de goût pour cette couleur, qui, de plus, ne faisait pas partie des teintes usuelles des vêtements. Le bleu surmonta ce peu d’appréciation lorsque l’on put teindre les habits de cette couleur. On va constater que chaque avancée technique du bleu a des répercussions dans la société. Aujourd’hui la couleur bleue est celle des organisations internationales telles l’ONU. Elle est aussi celle de l’Europe. Dans ces exemples elle est signe d’apaisement.
Dans d’autres sociétés, je pense à l’Asie, le bleu a-t-il d’autres interprétations ?
J’ai travaillé uniquement sur le bleu dans la société occidentale car le domaine était trop vaste. Je remarque cependant que le bleu de la fameuse vague d’Horuzaï a marqué la civilisation japonaise avant de déferler en occident. Je vois ainsi des traces de l’art de l’estampe chez les impressionnistes. Je crois fort en une interaction entre les civilisations… Autre bleu célèbre : le bleu des Mayas.
De quelle période de votre vie date votre passion pour les arts plastiques ?
Enfant j’aimais regarder les livres d’art. Au Lycée Marbeuf, actuellement Jean Nicoli, j’étais dans la section de J. Lorenzi et J. Tomasi. Ma passion : ouvrages d’histoire de l’art et recherche. José Lorenzi m’a beaucoup encouragé en ce sens. L’université j’ai suivi un parcours de lettres en privilégiant toujours les artistes. A l’école normale de Nice les locaux étaient proches de la Villa Arson dont les activités m’intéressaient beaucoup en autodidacte. Il faut toujours garder les yeux ouverts sur l’art d’aujourd’hui.
Les plus grandes satisfactions de votre carrière ?
Être dans les classes avec élèves et enseignants. Être avec des enfants qui s’émerveillent devant une œuvre parce qu’ils ont un regard neuf. A l’école de Sisco, quand je faisais mes débuts, j’ai eu de grands moments de félicité. A partir de 2010 les petits se sont impliqués dans une démarche : « Les carnets des poilus ». Les enfants en gardiens de la mémoire devaient choisir un soldat sur le monument aux morts de leur village et imaginer la vie qu’il avait vécue. Ce travail leur a valu de nombreux prix au plan national…
La jeune génération a-t-elle de l’appétit pour les arts plastiques ?
Dans les écoles élémentaires il suffit de proposer un sujet pour que les élèves soient conquis. A Corte les étudiants qui passaient le CAPES étaient passionnés par ce que je leur enseignais…
Je crois en la jeunesse.
En quoi l’Education nationale devrait-elle enrichir ses programmes d’arts plastiques ?
Elle devrait se renforcer dans le domaine de la formation. En effet des stages, des formations ont été supprimés… En outre les enseignants ploient sous la paperasse, conséquence ils n’on pas le temps de mettre en place des activités pour leurs élèves. Mais je dois souligner qu’ici des ateliers de pratique artistiques ont été maintenus. « Présidente des arts à l’école » je constate que la CdC continue à financer des ateliers alors que rien ne lui en oblige. C’est bien car les enfants ont besoin d’un temps long pour s’inscrire dans la démarche d’un artiste.
Vos conférences sont un plus pour les adultes. Qu’en est-il pour les enfants ?
Les conférences ont lieu de septembre à mai, à la médiathèque de l’Alb’Oru. Elles traitent de l’art d’un grand peintre à un instant donné ou sur son itinéraire de vie. En février, à la médiathèque des quartiers sud propose un atelier pour les 5 – 12 ans. L’un d’eux s’intitule, « La vie en bleu ». Il sera animé par Anne-Marie Amoretti qui a pris ma suite comme conseillère pédagogique départementale en arts plastiques et par moi. Il se tiendra le 15 /02 de 9 heures à 12 heures. Un autre atelier aura lieu avec pour thème le paysage.
Vous arrive-t-il de parler de l’art contemporain, tel que le présente le FRAC ?
Mes prochaines conférences seront consacrées à Jean Michel Basquiat et Ernest Pignon Ernest. En septembre dernier j’ai mis en avant Belgodere qui fait tout un travail pour faire connaitre les peintres qui ont résidé dans la commune… L’art contemporain a besoin qu’on donne des clés pour l’apprécier. Pour battre les réticences il est nécessaire d’accompagner les visiteurs.
M. A-P
Photo :Janine Vittori