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L'ensauvagement de la société corse ?

Paradoxalement, la société corse qui se distingue par ses assassinats liés au grand banditisme semble pour l'instant épargnée par ces règlements de compte entre jeunes,......

L’ensauvagement de la société corse ?



Paradoxalement, la société corse qui se distingue par ses assassinats liés au grand banditisme semble pour l’instant épargnée par ces règlements de compte entre jeunes, voir très jeunes qui ensanglante les banlieues des cités continentales. Tandis qu’au rythme d’une urbanisation anarchique, les cités s’ensauvagent, en apparence nos deux « grandes villes » malgré quelques similitudes semblent ne pas avoir — encore — subi la contagion qui affectent désormais toutes les mégalopoles planétaires. Mais à bien y regarder tout n’est qu’affaire de territoires.

La Corse : société violente ?


Lorsque le ministre de l’Intérieur'Emmanuel Valls déclare en mai 2013, « Depuis des dizaines d’années, la violence est profondément enracinée » il a évidemment raison. Les assassinats perpétrés au nom de l’indépendance ajoutés à ceux du grand banditisme et des conflits domestiques avoisinent les trois centaines. Manuel Valls ne porte pas un jugement, mais établit un constat. Lorsqu’il ajoute : « C’est la région de France où il y a le plus d’assassinats et de violence. » c’est contestable en nombre. Ça l’est à coup sûr si on tient compte de la faible population insulaire. Et pourtant, il s’est pris une volée de bois vert comme s’il avait lâché une obscénité. Constatons aussi qu’en ce moment même cette soif de sang s’est singulièrement calmée. Il est d’autant plus difficile d’avoir une vision exacte de la situation que le temps judiciaire n’est pas le temps du quotidien. Nous voyons arriver devant le prétoire des affaires parfois vieilles de dix, parfois même quinze ans. Quoi qu’il en soit, les ressorts de notre société sont empreints de violences. Mieux vaut utiliser le pluriel pour décrire le panel de violences qui strient notre Corse. Il y a la violence évidente : plasticages, attentats en tous genres, assassinats, tentatives d’assassinats. Puis il y a la violence plus sournoise qui rampe et parfois même ne s’exprime jamais au grand jour, qui renvoie par exemple à des amis hauts placés ou suffisamment puissants pour distiller la peur. Il y a la violence sociétale, une des plus terribles. : celle qui fabrique des pauvres, des travailleurs aux salaires tellement misérables que jamais ils ne parviendront à s’offrir un logement décent, ceux qui laissent à leurs descendants pour tout héritage une misère matérielle et psychologique. Ce sont notamment les femmes en majorité qui subissent cela. Alors oui notre société secrète des violences de toutes sortes. Comme ailleurs ? dira-t-on. En partie seulement. Car notre terre est une terre où le regard de l’autre, le jugement porté sur soi détermine des comportements agressifs. On l’a récemment constaté à Ajaccio avec l’assassinat d’un pompier.

Une affaire de territoires


En définitive, nous ne sommes rien d’autre que des animaux qui nous pensent supérieurs aux autres animaux. Nous réagissons nous aussi en fonction de territoires. Il y a bien entendu les territoires géographiques. Une bonne part des conflits meurtriers des siècles passés étaient causés par la rencontre d’une culture pastorale qui ne connaissait que les chemins de passage et venait se heurter à cette autre culture qui était celle du paysan, du laboureur. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les combats étaient fréquents entre bergers et agriculteurs. Mais la violence a aussi eu pour cause le territoire psychologique au sein duquel l’espace individuel le disputait au collectif. Que de morts pour un regard mal interprété ou la supposée atteinte à l’honneur d’une femme, véritable propriété de l’homme ou plutôt de l’homme-famille. Aujourd’hui, les mœurs ont fort heureusement changé. Les femmes peuvent en grande partie choisir leur destin avec le côté dramatique de cette liberté. Notre île caracole en tête du nombre de familles monoparentales et d’avortements. Mais l’idée de territoires violents connaît aujourd’hui un nouveau paramètre, celui de la drogue. L’inquiétude bien tardive des pouvoirs publics vis-à-vis de ce problème qui existait déjà il y a une vingtaine d’années est due à son expansion dans le monde entier. Le trafic de drogue génère des profits gigantesques avec, à la clef une violence inouïe et une violence de jeunes gens à qui on serine sur tous les tons qu’ils n’ont pas d’avenir. Pourquoi alors ne pas profiter du moment présent quitte à pratiquer une sauvagerie qui, hier encore, n’était le fait que d’une infime minorité.

Attention à ne pas être submergé


Et puisque le concept de submersion paraît être à la mode, attention à ne pas être submergé par le crime. Dans une société où les jeunes sont de plus en plus minoritaires, où les injustices sociales sont obscènes, la tentation de passer outre les morales qui paraissent désuètes est grande. En Corse, il va falloir certes de l’autorité, mais aussi penser à réduire les injustices criantes. Sans quoi la submersion arrivera nécessairement. La violence n’est pas affaire de méchanceté. C’est le signe d’une société qui dysfonctionne.

GXC
Photo : DR
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