L 'art du bijou " sur mesure "selon Luca Mulier
<< La joaillerie n'est pas un monde juste esthétique >>
L’art du bijou « sur-mesure » selon Luca Mulier
« La joaillerie n’est pas un monde juste esthétique, elle représente la noblesse, l’excellence, le sacré, l’amour, l’éternité, c’est une histoire de rencontres ».
Luca est né dans la mode, enfant d’artisans-couturiers, il grandit au milieu des machines à coudre, pourtant, il ne s’imagine pas dans ce milieu. Etant pompier volontaire, il s’oriente vers la sécurité incendie, mais il est contraint de s’arrêter pour raison de santé. Sa reconversion professionnelle passera par la prise en compte de sa passion ancienne pour la joaillerie. Le confinement a été un accélérateur du projet, Luca multiplie les créations, des plus simples jusqu’aux plus complexes. Les avis des proches sont encourageants, il sent qu’il y a une vraie demande de bijoux uniques, personnalisés, et décide donc de se lancer dans ce marché de niche de la joaillerie de luxe, en créant sa marque.
« Ça reste un vrai plaisir de créer et de fabriquer ». Entre un loisir-passion et la mise en place d’un véritable projet professionnel, il peut parfois y avoir des désillusions, mais rien n’entame la persévérance du jeune homme autodidacte. A 27 ans, n’ayant pas de diplôme certifiant, il voit avec fierté la reconnaissance prochaine de son titre « d’artisan d’art » délivré par la Chambre des Métiers et de l’Artisanat grâce aux acquis de son expérience. Une vraie consécration de ses efforts.
« La corse avait de très bons artisans joailliers qui aujourd’hui ne sont plus qu’une petite poignée encore en activité. Ils ont été submergés par les franchises industrielles du bijou, certains ont dû mettre la clé sous la porte, d’autres sont partis en retraite sans trouver de repreneurs, certains sont malheureusement décédés. La transmission familiale se fait parfois, mais les créations d’activités pures sont limitées par l’absence de formations spécifiques en Corse. Les candidats doivent nécessairement partir sur le continent, ou l’offre de formations certifiantes est plus étendue ». Pendant 3 ans, Luca a cherché des formations certifiantes en Corse, en vain, il partira en avril sur le continent.
Ici, l’on ne parle pas d’assemblage, comme c’est le cas dans le bijou fantaisie, où des pièces usinées industriellement sont montées en fin de chaine, mais de réelle production, de la fonte du métal jusqu’au bijou fini.
Chaque pièce démarre d’un projet personnalisé, né d’une rencontre au préalable pour connaitre l’histoire que le bijou devra symboliser, d’abord sur un croquis, puis sur un dessin technique.
Le coût est un élément essentiel, car l’objectif est bien de rendre le bijou, objet de luxe, accessible au plus grand nombre.
Avec la hausse des matières premières comme l’or, et pour garder un prix abordable à ses clients, il propose une collection principalement en Argent.
Pour autant, un atelier fonctionnel demande tout de même, beaucoup d’investissement et d’outillage.
Luca a racheté certains outils auprès d’échoppes qui ont fermé, et il en fabrique aussi lui-même.
Derrière chaque pièce, il y a parfois des centaines d’heures, et dans son atelier de Borgu, qui n’est pas accessible au public, il transforme l’imaginaire en réel.
Il commence par fondre le métal brut en lingot, puis il entame un travail avec les machines pour donner la forme nécessaire au métal. Emerisage, limes batardes à grain dur, limes aiguilles, forment un ensemble assez poétique. Quand on part du métal et qu’on doit le fondre il est nécessaire d’avoir de bonnes connaissances dans la métallurgie, la physique, sur les températures de fonte, les cuissons, beaucoup de temps de maitrise, d’essais. Mais le créateur doit aussi avoir une bonne connaissance des métiers connexes comme les lapidaires, les diamantaires, ou les maitres-corailleurs.
Luca privilégie une personnalisation de sa clientèle avec des présentations individualisées à domicile, ou dans des lieux conviviaux, comme des restaurants branchés. Il axe sur une présence en ligne moderne, avec une boutique virtuelle « Sky Sea Creation », les réseaux sociaux, mais aussi sur les marchés artisanaux, les salons, ou les défilés de mode. Le créateur ne mise pas pour le moment sur une boutique physique.
A la question de l’utilisation des nouvelles technologies dans la joaillerie, comme les imprimantes 3D, Luca nous répond sincèrement « qu’il n’en sera pas, pour ne pas perdre une partie de son âme d’artisan »
Alexandre Santerian
Photo : Alexandre Santerian