• Le doyen de la presse Européenne

Les mots et les maux du Moyen Orient

La période est à la fois aux excés de langage et aux mensonges.

Les mots et les maux du Moyen Orient



La période est à la fois aux excès de langage et aux mensonges. Plus encore avec l’apparition de l’IA, on ne sait plus trop faire la part de la vérité et de son contraire. Le complotisme qui nous est venu des États-Unis et ses groupes spécialisés dans la contre-information font qu’aujourd’hui il faut se méfier de tout ce qui est énoncé et écrit pire de ce qu’on entend et de ce qu’on voit. Nous ne pouvons plus faire confiance aux mots qui décrivent des maux réels.

Génocide, vous avez dit génocide


Depuis le 7 octobre, la machine à désinformer et à produire de l’antisémitisme s’est emballée. On parle d’un génocide à Gaza. Mais au fait qu’est-ce qu’un génocide ? C’est l’élimination physique et totale d’un groupe humain par un autre groupe humain. Le terme sera judiciairement utilisé pour la première fois au tribunal de Nuremberg en 1945, lors du procès des dignitaires nazis. Mais déjà en 1915, l’élimination physique des Arméniens de Turquie avait constitué un génocide. Le massacre des Amérindiens par les colons européens n’a jamais eu droit à cette reconnaissance bien qu’il soit incontestable. Plus récemment, l’extermination des Tutsis du Rwanda par la frange la plus extrémiste des Hutus en 1994 avait indubitablement une vocation génocidaire. Peut-on alors parler de génocide à Gaza ? Les Israéliens ont à l’évidence commis des crimes de guerre en rasant aux deux tiers l’enclave palestinienne. Mais il y avait-il volonté de rayer les Palestiniens, tous les Palestiniens de la surface de la Terre ? Aux dires même du Hamas, il y a eu 45 000 morts sur une population avoisinant les 2 millions. On est loin d’un génocide même s’il convient de condamner la mort d’une trentaine de milliers de non-combattants. Mais que dire alors des bombardements dévastateurs des Alliés sur les villes allemandes ou japonaises durant la Seconde Guerre mondiale qui causèrent la mort de plusieurs millions de civils ? Comment qualifier la tentative d’écrasement du nord Vietnam par les Américains sous des tapis de bombes de toutes sortes et de l’usage de défoliants ?

Antisémitisme ou anti Israël


C’est un truisme que d’écrire que d’un côté comme de l’autre on se traite facilement d’islamophobe ou d’antisémite. Pourtant les deux termes n’ont pas la même valeur. Dans un cas on est en désaccord avec une religion comme on pourrait l’être avec le christianisme ou le bouddhisme. De l’autre, on conteste l’existence d’individus en fonction de leur origine. Par ailleurs l’histoire est là aussi en manque d’équilibre. L’Islam a ethniquement nettoyé les territoires où il est dominant. La Turquie, l’Irak, la Syrie, le cœur du judaïsme et du christianisme ont été littéralement vidés de toute religion différente de l’Islam. En Europe, les Juifs ont été victimes du plus atroce massacre que l’humanité ait vécu durant les quatre années de la Seconde Guerre mondiale. Encore une fois, les termes sont importants pour déterminer les remèdes à un mal et, à ce titre, les mots sont déterminants. Le problème des territoires par les Israéliens est un conflit colonial. Il peut déboucher sur un nettoyage ethnique. Certainement pas sur un génocide. L’agressivité parfois mortelle des colons israéliens est scandaleuse mais ne saurait être confondue avec un massacre généralisé.

Ségrégation ou apartheid


Il est singulier que le monde arabe qui refuse sur son sol d’autres religions que l’islam accuse Israël d’apartheid. Là encore, les mots ont leur importance. L’apartheid sud-africain refusait aux populations noires le statut d’être humain à part entière : pas de droit de vote, un éloignement des habitations, un quasi-esclavage dans le monde du travail. En Israël, même s’il existe de réelles et préoccupantes situations de ségrégations, les Arabes votent et peuvent faire valoir leur droit devant les tribunaux. Un tel constat n’enlève rien au scandale des colonisations en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Mais ça n’est pas de l’apartheid même si la dérive du gouvernement actuel peut y mener.

Résistance ou terrorisme


Le Hamas use de moyens destinés à terroriser la population juive et sa propre population et cela de façon constante. Israël de son côté et de façon sporadique n’a pas hésité à effectuer des bombardements massifs non ciblés dont le but était également de terroriser la population de Gaza. Les mots décrivent des situations antagoniques. Difficile d’y introduire des concepts moraux. C’est la guerre qui se situe par-delà le bien et le mal. Exiger qu’un conflit qui vise à écraser l’adversaire soit guidé par un esprit moral est une immense hypocrisie. La morale de l’histoire appartient aux vainqueurs. Il est bien rare que les mots des vaincus soient pris en compte si ce n’est par des minorités qui n’intéressent pas grand monde. Qui s’est soucié des Amérindiens et plus généralement du martyre des peuples premiers ? C’est en quoi ce qu’on désigne comme le terrorisme est bien souvent la seule façon de résister pour de futurs vaincus.

GXC
Photo: D.R
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