• Le doyen de la presse Européenne

Quand l'affect prend le dessus sur la raison

L'assassinat de la jeune Chloé est un drame affreux et nous devons tous compatir avec sa famille Mais.......

Quand l’affect prend le dessus sur la raison



L’assassinat de la jeune Chloé est un drame affreux et nous devons tous compatir avec sa famille. Mais si nous ne parvenons pas à dépasser le chagrin et les larmes pour comprendre ce qui s'est passé, nous aurons seulement démontré notre impuissance et notre incpacité à regarder en face la réalité de la situation et, par conséquent, les remèdes à y apporter.


D’autres « méprises »


La jeune Chloé a vraisemblablement été tuée par erreur si tant est que cela veuille dire quelque chose Sans craindre de tomber dans le sensationnalisme, Corse Matin a titré « Au fond de l’abîme ». Une cellule psychologique a été créée pour toutes celles et tous qui auraient besoin de se confier à un praticien. Ça n’est pas manquer de respect à cette malheureuse victime et à ses proches que de rappeler que lorsque Marie Jeanne Bozzi, la maire de Porticcio, a été assassinée en avril 2011, la presse locale avait déjà écrit qu’un palier avait été franchi : on avait tué une femme. Puis il y a eu les erreurs vraisemblablement dues au manque de « professionnalisme » des nouveaux voyous. En 2001, Mathilde Signanini, est abattue dans un bar d’Isula Rossa. C’était son compagnon qui était visé. Le père de la victime qui avait cherché à venger sa fille sera abattu en 2004. Hypothèse après l’arrestation de deux hommes : le racket. Jean-Pierre Rossi, tué en 2012 dans l’explosion d’une poubelle qui visait un autre homme, ancien nationaliste et « défavorablement connu des services de police ». Hypothèse : Le Petit Bar version baby. Jacques Barnovsky, agent communal ajaccien sans histoire abattu le 7 juin 2020, victime collatérale d’un règlement de comptes sur fond de trafic de drogue après une scission au sein d’une bande ajaccienne. Et enfin le meurtre tragique en août 2018 de Jean Livrelli, un retraité paisible, vraisemblablement confondu avec Alain Lucchini. À chaque reprise, on s’est indigné. Puis on a oublié.

Une amnésie constante


Aujourd’hui le concept de mafia remplace toutes les analyses pertinentes de la situation. À chaque assassinat, on évoque la mafia sans prendre en compte la réalité du terrain. La mort de cette jeune fille se produit alors que dans l’espace géographique qui s’étend de Ponte Leccia, carrefour des routes Bastia-Corte, Asco, la Caccia et au-delà le Ghjunsani et la Balagne. Or ces derniers mois il s’est produit de nombreux assassinats qui témoignent d’une guerre de bandes. Peut-on pour autant parler de mafia ? La Corse se banalise tristement sous l’effet du trafic de drogue. Les « clans » criminels qui dominaient la Corse ont été mis à mal instaurant justement une situation qui est le contraire de celle qu’on pourrait appeler mafieuse. Elle ressemblerait plutôt aux conflits meurtriers entre quartiers de banlieue. Plutôt que d’être submergé par l’émotion, il serait plus utile de remonter aux assassinats qui ont endeuillé le village de Pietralba et à ceux perpétrés à Calenzana et ses environs avec à la clef l’arrestation d’un homme fiché par le SIRASCO comme chef de bande.

Mon contrat social


La Corse a déjà vécu des situations bien pires notamment lorsque les deux factions clandestines se faisaient la guerre. Mais là, il s’agit d’une malheureuse jeune fille qui a eu le malheur d'emprunter la voiture de son compagnon et d’avoir affaire à de ces jeunes voyous qui aujourd’hui suppriment des vies pour deux francs six sous. C’est justement des périodes comme celle que nous vivons qui sont les plus traumatisantes pour la population. Car chacun peut se projeter dans le drame de la victime et de sa famille. Mais ne nous faisons pas d’illusions : toutes les protestations, toutes les indignations ne serviront pas à grand-chose tant que les braves gens n’accepteront pas de faire leur travail de parents, de voisins, de citoyens. Il ne se passera rien tant que l’autorité régalienne, celle de la police, de la gendarmerie et de la justice ne pourront œuvrer sans être entravée par les protestations à la moindre arrestation, les pressions, etc. Sommes-nous, nous les Corses, prêts à accepter les termes d'un tel contrat social ? Sommes-nous prêts à renoncer à nos amitiés avec toute personne « défavorablement connue des services de police » anciens clandestins compris puisqu’eux aussi seront impitoyablement frappés par la verge judiciaire ? Les deux fondateurs des collectifs antimafia sont-ils prêts à rompre définitivement avec les divers délinquants qui peuplent leur propre famille, à tourner le dos à leurs anciens amis voir à les dénoncer ? Pour ma part, je n'en ai ni le goût ni le courage. Pour le pire et pour le meilleur, notre culture est faite de cette pernicieuse promiscuité. Et puis au fond, je veux pouvoir disposer de cette ultime liberté qui consiste à aimer d’amour et d’amitié qui me plaît quitte à en payer le prix. Pour autant je ne m’opposerais jamais au travail de la police et de la justice. Et si je le juge bon je témoignerai contre une crapule. Sans problème.

GXC
Photo : D.R
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