François Ruffin : gauche debout , sans tabou ni langue de bois
François Ruffin est aujourd'hui bien plus qu'un parlementaire.
Francois Ruffin : gauche debout, sans tabou ni langue de bois
Le député de la première circonscription de la Somme est aujourd’hui bien plus qu’un parlementaire. Il incarne au niveau national une volonté de construire une nouvelle offre politique de gauche. Sa démarche ne laisse pas indifférent. Y compris chez nous.
À gauche, François Ruffin trace son propre chemin. Il a pris ses distances avec Jean-Luc Melenchon et La France Insoumise sans cependant les dénigrer ou nier leur apport, durant un temps, à un sursaut de la gauche. Il s’est affranchi des démarches tentant de récupérer l’islamo-gauchisme ou les communautarismes. Il ne s’accommode pas du social-libéralisme qui privilégie le sociétal et l’écologie radicale, qui se fond dans un mondialisme ouvert au libre échange, qui ne remet pas en cause un rapport de force favorable au revenu du capital et à une surexploitation de la force de travail. Il se veut porteur d’une gauche renouant avec les classes populaires des quartiers, des périphéries et des campagnes, ainsi qu’avec ses fondamentaux (rétribution plus juste du travail, répartition équitable des richesses, droit pour tout individu au logement, aux soins, à l’éducation, à la culture, aux loisirs, à l’ascenseur social), et ne se réfugiant pas dans le misérabilisme, l’assistanat et l’incitation aux antagonismes sociaux ou communautaires. Il recherche le contact avec les réalités du terrain et la condition des populations afin de contribuer à construire partout en France, comme il l’a fait en Picardie, une gauche à la fois enracinée et debout (Il a d’ailleurs appelé « Picardie debout ! » le mouvement qu’il a créé dans la Somme). C’est dans le cadre de cette démarche globale que dernièrement chez nous : il a présenté son film intitulé « Au Boulot ! », documentaire qui plonge le public dans la condition et la parole de travailleurs aussi « invisibles » qu’indispensables, aux statuts précaires et aux salaires condamnant à la pauvreté ; qu’il a rencontré des acteurs de la société civile, qu’il a débattu avec le député nationaliste Paul-André Colombani sur le thème « le travail qui ne paye plus », et qu’enfin, à l’invitation de militants et sympathisants de gauche, il a participé à un débat public à Bastia.
Même au risque de froisser
Plusieurs dizaines de sympathisants de gauche (essentiellement Ghjuventù di Manca, écologistes, La France Insoumise) et quelques férus de la chose politique ont répondu présent (dans la salle du Café des Palmiers). Quant aux représentants bastiais de la gauche nationale, ils ont brillé par leur absence. Le débat a été introduit par Sacha Bastelica qui, dans la première circonscription de la Haute-Corse, lors des dernières élections législatives, a porté et défendu le message du Nouveau Front Populaire, et a réalisé un score plus qu’honorable (3300 voix, 8,90 % des suffrages exprimés). Ce dernier a appelé à « un réveil des consciences » et à « une mobilisation pour construire une offre politique de gauche » chez nous, et souligné que la venue de François Ruffin représentait un encouragement plus qu’appréciable. François Ruffin est ensuite intervenu. Il a d’abord indiqué le sens premier de sa présence : « Je suis venu pour, avec humilité, écouter et comprendre ».
Il a ensuite souligné que ses rencontres et ses échanges chez nous lui permettaient de croire en l’existence d’une situation économique et sociale nécessitant un développement de la gauche. Précisant ce propos, il a affirmé que la Corse lui apparaissait comme « un miroir grossissant » de la situation économique et sociale de la France, du fait qu’elle était déjà dans une « économie de services » où la tendance est au travail sous payé, à l’emploi précaire et au creusement des inégalités. François Ruffin a ensuite répondu aux questions.
Il l’a fait sans tabou ni langue de bois. Y compris au risque de froisser. Notamment en formulant des exigences fortes en matière d’immigration (particulièrement l’obligation expresse que les individus concernés respectent les lois et les valeurs de la République), rompant avec les discours compassionnels et laxistes prévalant au sein des sphères décisionnelles et intellectuelles de la gauche. Notamment en affirmant être fermement opposé au revenu universel car son électorat populaire le rejette et car, selon lui, le travail doit selon rester un élément majeur de structuration de la société. Notamment en soutenant à une militante qui plaidait la primauté de l’urgence écologiste, que la constitution d’une pôle de stabilité qui aurait pour pivot des forces de gauche et serait ouvert à des forces de progrès, était primordiale pour barrer la route à la montée de l’extrême droite et construire une alternative « y compris pour sauver la planète». Enfin, interrogé sur son positionnement concernant la Corse, Francois Ruffin s’est déclaré favorable à l’autonomie à la condition qu’un maintien conséquent des pouvoirs régaliens et des solidarités nationales fasse que l’île ne devienne pas un territoire abandonné aux dérives mafieuses, aux spéculations et aux dégradation des conditions de vie affectant le plus grand nombre.
JPB
François Ruffin digest
Originaire du nord de la France, âgé de 49 ans, François Ruffin a d'abord été journaliste. En 1999, à Amiens, il a été fondateur et rédacteur en chef du journal papier et numérique Fakir, d’abord journal local aux dates de parution aléatoires puis devenu une bimensuel national, revendiquant être un média de gauche et totalement indépendant car n’acceptant ni les subventions, ni la publicité. Il a aussi écrit dans Le Monde diplomatique et pour l'association Acrimed (observatoire des médias né de la solidarité avec les grévistes du mouvement social de 1995, mettant en commun savoirs professionnels, savoirs théoriques et savoirs militants au service d’une vision de gauche). François Ruffin s’est fait aussi essayiste en publiant en 2006 « Quartier Nord », (enquête sur l’état socialement défavorisé des quartiers nord d'Amiens) et en 2008 « La Guerre des classes » (la analyse de la disparition du terme lutte de classes dans le débat politique) .En tant que reporter radio, François Ruffin a participé durant sept ans à l'émission « Là-bas si j'y suis» (France Inter) qui notamment tendait le micro et donnait la parole aux acteurs des luttes sociales. En 2016, François Ruffin a réalisé son premier film documentaire « Merci Patron ! ». Il s’agissait d’un documentaire satirique qui révélait et dénonçait les fonctionnements antisociaux de l’empire du chef d’entreprise et milliardaire Bernard Arnault.
En 2019, à contre-courant d’une gauche qui méprisait leur mouvement ou s’en méfiait, il a coréalisé « J'veux du soleil », consacré aux Gilets jaunes. En 2021, il a réalisé « Debout les femmes ! », montrant, à travers la relation de l’élaboration d’un rapport parlementaire, les précarités et les pénibilités des métiers du lien (auxiliaires de vie sociale, accompagnants d'élèves en situation de handicap, femmes de ménage...).
Ces derniers jours, il présente sa dernière réalisation, « Au boulot ! », dans laquelle une avocate, juriste et chroniqueuse TV accepte de partager des conditions de travail et de vie de personnes en situation de pauvreté, de précarité ou d’exclusion. François Ruffin a fait sa grande entrée en politique en ayant été une des figures marquantes du mouvement Nuit debout qui, en 2016, a consisté, principalement sur la place de la République à Paris, en un forum citoyen de débats sur l’état de la société et la rénovation de la gauche. En 2017, il a investi avec succès la scène électorale. En effet, lors des élections législatives, il a été élu député de la première circonscription de la Somme sous l’étiquette « Picardie debout ! » avec le soutien de plusieurs partis de gauche. À l'Assemblée nationale, il a choisi de siéger au sein du groupe La France insoumise. En 2022, il a été réélu.
En 2024, après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, il a appelé à la création d'un Nouveau Front populaire rassemblant les forces de gauche. Durant la campagne électorale, il annoncé se détacher de La France Insoumise, actant ainsi l’existence de désaccords politiques qui n’avaient cessé de s’amplifier au fil des mois. Il a été à nouveau réélu. Sa notoriété ainsi que son image jugée positive, font que François Ruffin est désormais fréquemment cité comme possible candidat à l'élection présidentielle de 2027.
Crédit photos : Journal de la Corse