Fijait : wait and see et ne pas se démobiliser
On ne peut que se rejouir de l 'annonce que le Fijait ne concernera bientôt plus les militants nationalistes corses.
Fijait : wait and see et ne pas se démobiliser
On ne peut que se réjouir de l’annonce que le Fijait ne concernera bientôt plus les militants nationalistes corses. Il convient toutefois de rester prudent.
Le Fijait (fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions terroristes) a été créé au milieu des années 2010 après les attentats meurtriers perpétrés par des djihadistes, notamment contre la rédaction de Charlie Hebdo et le public du Bataclan. Figurent dans ce fichier les noms des personnes ayant purgé leur peine ou, dans certains cas, étant mises en examen, dans le cadre de dossiers judiciaires considérés comme relevant de la lutte contre le terrorisme. Ces personnes sont soumises à de pesantes obligations pouvant durer de 5 à 20 ans. Elles doivent notamment se soumettre auprès des services de police ou de gendarmerie aux contrôles suivants : indiquer une première fois leur adresse dans les 15 jours suivant la notification de l’inscription au Fijait ; confirmer leur adresse tous les 3 mois ; déclarer tout changement de résidence dans les 15 jours suivant ce changement ; prévenir de tout déplacement à l'étranger au moins 15 jours avant le départ.·
Ne pas respecter les obligations fait encourir une peine de 2 ans de prison et 30 000 € d'amende. Lors de son déplacement à l’occasion de la session extraordinaire de l'Assemblée de Corse qui était consacrée à l’examen du rapport « Lutte contre les dérives maffieuses », le garde des Sceaux, ministre de la Justice, a annoncé son intention que les nationalistes corses, et aussi leurs homologues basques, ayant eu ou ayant à faire avec la justice en raison d’activités pénalement répréhensibles relevant de leur engagement politique, ne soient plus dans le champ d’application du Fijait. Gérald Darmanin a précisé que cette annonce était faite à l’initiative du président de la République afin que soit conforté « le lien de confiance » progressivement établi durant le processus Beauvau. On ne peut que se réjouir de cette annonce car, en finir avec le Fijait rendrait plus facile le quotidien des personnes concernées par les obligations, et contribuerait à éviter des confusions et des amalgames entre le nationalisme corse et le djihadisme. Il convient toutefois d‘apporter deux bémols.
Deux bémols
Premier bémol : l’annonce n’a pas été faite dans des conditions satisfaisantes. En effet, en finir avec le Fijait concernant les militants nationalistes étant une mesure que réclament et attendent, depuis des années, non seulement tous les partis nationalistes et toutes les associations de défense des prisonniers politiques et anti-répression, mais aussi la plupart des forces politiques corses, il eût été convenable que l’annonce du ministre prenne la forme d‘un communiqué officiel ou soit faite durant son intervention dans l’hémicycle de l’Assemblée de Corse. Or il n’en a rien été. L’annonce a été faite en les seules présences d’une délégation comprenant Paul-Félix Benedetti, leader de Core in Fronte et président du groupe d’élus de ce parti à l’Assemblée de Corse, de deux structures étroitement proches de Core in Fronte (Culletivu Patriotti in lotta, Associu Aiutu Patriotticu) et de Gilles Simeoni, le président du Conseil exécutif de Corse.
Deuxième bémol : une certaine prudence s’impose car l’annonce faite par Gérald Darmanin doit être validée par le Parlement. Or cela n’est pas garanti pour au moins trois raisons. Primo, il n’existe pas à l’Assemblée nationale une majorité offrant l’assurance du vote de textes proposés par le gouvernement. Deuxio, l’actuel gouvernement n’est pas à l’abri du succès d’une motion de censure.
Tertio, en 2021, l’Assemblé nationale a rejeté un amendement (déposé par les trois députés nationalistes corses Michel Castellani, Jean-Félix Acquaviva et Paul-André Colombani, et le député breton Paul Molac) qui avait pour objet que les militants écologistes, altermondialistes, animalistes, corses et basques soient hors du champ d’application du Fijait, et qu’ainsi les causes et actions de ces militants ne puissent en aucun cas donner lieu à une confusion ou un amalgame avec le djihadisme. Conclusion : si l’on peut se réjouir d’une avancée significative, wait and see s’impose encore et ne pas relâcher la mobilisation reste nécessaire.
JPB
Crédit photos : Culletivu Patriotti in lotta, Core in Fronte,
On ne peut que se réjouir de l’annonce que le Fijait ne concernera bientôt plus les militants nationalistes corses. Il convient toutefois de rester prudent.
Le Fijait (fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions terroristes) a été créé au milieu des années 2010 après les attentats meurtriers perpétrés par des djihadistes, notamment contre la rédaction de Charlie Hebdo et le public du Bataclan. Figurent dans ce fichier les noms des personnes ayant purgé leur peine ou, dans certains cas, étant mises en examen, dans le cadre de dossiers judiciaires considérés comme relevant de la lutte contre le terrorisme. Ces personnes sont soumises à de pesantes obligations pouvant durer de 5 à 20 ans. Elles doivent notamment se soumettre auprès des services de police ou de gendarmerie aux contrôles suivants : indiquer une première fois leur adresse dans les 15 jours suivant la notification de l’inscription au Fijait ; confirmer leur adresse tous les 3 mois ; déclarer tout changement de résidence dans les 15 jours suivant ce changement ; prévenir de tout déplacement à l'étranger au moins 15 jours avant le départ.·
Ne pas respecter les obligations fait encourir une peine de 2 ans de prison et 30 000 € d'amende. Lors de son déplacement à l’occasion de la session extraordinaire de l'Assemblée de Corse qui était consacrée à l’examen du rapport « Lutte contre les dérives maffieuses », le garde des Sceaux, ministre de la Justice, a annoncé son intention que les nationalistes corses, et aussi leurs homologues basques, ayant eu ou ayant à faire avec la justice en raison d’activités pénalement répréhensibles relevant de leur engagement politique, ne soient plus dans le champ d’application du Fijait. Gérald Darmanin a précisé que cette annonce était faite à l’initiative du président de la République afin que soit conforté « le lien de confiance » progressivement établi durant le processus Beauvau. On ne peut que se réjouir de cette annonce car, en finir avec le Fijait rendrait plus facile le quotidien des personnes concernées par les obligations, et contribuerait à éviter des confusions et des amalgames entre le nationalisme corse et le djihadisme. Il convient toutefois d‘apporter deux bémols.
Deux bémols
Premier bémol : l’annonce n’a pas été faite dans des conditions satisfaisantes. En effet, en finir avec le Fijait concernant les militants nationalistes étant une mesure que réclament et attendent, depuis des années, non seulement tous les partis nationalistes et toutes les associations de défense des prisonniers politiques et anti-répression, mais aussi la plupart des forces politiques corses, il eût été convenable que l’annonce du ministre prenne la forme d‘un communiqué officiel ou soit faite durant son intervention dans l’hémicycle de l’Assemblée de Corse. Or il n’en a rien été. L’annonce a été faite en les seules présences d’une délégation comprenant Paul-Félix Benedetti, leader de Core in Fronte et président du groupe d’élus de ce parti à l’Assemblée de Corse, de deux structures étroitement proches de Core in Fronte (Culletivu Patriotti in lotta, Associu Aiutu Patriotticu) et de Gilles Simeoni, le président du Conseil exécutif de Corse.
Deuxième bémol : une certaine prudence s’impose car l’annonce faite par Gérald Darmanin doit être validée par le Parlement. Or cela n’est pas garanti pour au moins trois raisons. Primo, il n’existe pas à l’Assemblée nationale une majorité offrant l’assurance du vote de textes proposés par le gouvernement. Deuxio, l’actuel gouvernement n’est pas à l’abri du succès d’une motion de censure.
Tertio, en 2021, l’Assemblé nationale a rejeté un amendement (déposé par les trois députés nationalistes corses Michel Castellani, Jean-Félix Acquaviva et Paul-André Colombani, et le député breton Paul Molac) qui avait pour objet que les militants écologistes, altermondialistes, animalistes, corses et basques soient hors du champ d’application du Fijait, et qu’ainsi les causes et actions de ces militants ne puissent en aucun cas donner lieu à une confusion ou un amalgame avec le djihadisme. Conclusion : si l’on peut se réjouir d’une avancée significative, wait and see s’impose encore et ne pas relâcher la mobilisation reste nécessaire.
JPB
Crédit photos : Culletivu Patriotti in lotta, Core in Fronte,