Les mesures choc annoncées par le ministre de la justice
Quand on découvre le panel de mesures annoncées par le ministre de la justice afin de mieux lutter contre la dérive mafieuse en corse, on comprend la gêne des nationalistes qui ont toujours lutté contre un état d'exception pour la Corse.
Les mesures choc annoncées par le ministre de la Justice
Quand on découvre le panel de mesures annoncées par le ministre de la Justice afin de mieux lutter contre la dérive mafieuse en Corse, on comprend la gêne des nationalistes qui ont toujours lutté contre un état d’exception pour la Corse. Car c’est bien de cela qu’il s’agit pour traiter « l’exception corse ». Et il faut avouer que ces annonces ressemblent fort au programme judiciaire d’une droite dure loin des préoccupations hésitantes de ceux qui veulent ignorer le danger de la criminalité organisée en Corse, mais partout dans le monde.
Des moyens considérablement renforcés
Gérald Darmanin a annoncé que la Corse va disposer de sa propre structure judiciaire antimafia et que ce pôle spécialisé sera installé à Bastia. Elle viendra compléter le travail du Parquet national contre le crime organisé (Pnaco). Les procès à venir auront lieu en Corse même. Le pôle sera composé des membres du ministère public et des magistrats du siège, habitant sur place, qui instruiront et jugeront en Corse. Gérald Darmanin a bien insisté sur le caractère unique en France de cette structure dotée des moyens techniques et humains du Pnaco. Outre des enquêteurs spécialisés qui sont déjà sur le terrain, le volet économique sera approfondi en lien avec le fisc. Policiers et gendarmes seront dotés d’outils d’interception de communications cryptées. Le travail d’infiltration des réseaux criminels sera privilégié accompagné d’une révision du statut de repenti qui serait aligné sur celui en vigueur en Italie c’est-à-dire permettant d’intégrer les crimes de sang dans le programme. Le ministre a en outre promis de renforcer les structures judiciaires déjà existantes en mutant dans l’île dix-sept magistrats, vingt et un greffiers et douze assistants spécialisés.
Des contrôles préalables de personnalité
Et parce que la Corse a déjà montré à quel point elle pouvait prêter le flanc à la porosité, les personnels engagés dans ce combat contre la grande criminalité seront soumis à des procédures d’habilitation. Les magistrats, les agents pénitentiaires, les fonctionnaires de police ou les assistants spécialisés devront répondre à des enquêtes de personnalité pour prévenir les risques de fuites et de corruption. « Nous sommes confrontés à des systèmes très puissants qui ont les moyens de convaincre avec plusieurs dizaines de milliers d’euros, a indiqué le ministre, nous devons prendre en compte la question de la protection du secret et des vulnérabilités de chacun. »
Les inévitables mises en accusation de l’État
Alors que les responsables nationalistes ont tenté de mettre en exergue la responsabilité indubitable et néanmoins partielle des services de l’État dans la prégnance du crime organisé, Gérald Darmanin a tenu à répondre fermement : « Ce n’est pas l’État qui fait du trafic de drogue, ce n’est pas l’État qui tue, ce n’est pas l’État qui blanchit. Si chacun joue de son côté, on va tous perdre, la responsabilité est partagée, mais c’est l’intervention de l’État qui a changé la donne en Sicile» propos salués par l’ancien maire de Palerme Leoluca Orlando qui a insisté sur la façon dont la mafia pervertissait des valeurs comme l’amitié, la famille et l’honneur.
Une majorité mise en difficulté idéologique
Dans de pareilles conditions de débat, le ministre a dominé la journée tellement ses décisions mettent en porte-à-faux un exécutif qui s’était déclaré contre ce qui représentait un danger pour les libertés. De la même façon, les deux Collectifs se sont rangés derrière un gouvernement qui flirte avec la droite extrême à des fins d’efficacité, un pari qui est cohérent avec leur attitude. Reste à savoir quelle sera l’attitude de bien des Corses lorsque des magistrats et des policiers venus du continent vont entamer un travail de nettoyage qui, dans une société comme la nôtre, va provoquer des ravages à commencer dans les rangs de la majorité elle-même. Les deux fondateurs des Collectifs doivent réaliser que s’ils avaient vécu en Italie, ils seraient aujourd’hui en prison pour de longues peines rejoints par une partie de leur famille l’un pour terrorisme l’autre pour terrorisme en délit mafieux. On se souviendra de la période Bonnet entamée sous les meilleurs auspices et terminées en catastrophe parce que ce préfet avait usé et abusé de son pouvoir discrétionnaire. Le gouvernement doit savoir qu’il va marcher sur des œufs s’il ne veut pas être comparé au général Morand.
L’heure de vérité
C’est donc l’heure de gloire pour les deux collectifs qui ont mené une campagne pour obtenir ces nouvelles lois et ces moyens renforcés. Ils ne doivent pas oublier que si les enquêtes produisent des excès ils en seront tenus pour responsables par une opinion publique versatile. En attendant, il y a tout lieu de se réjouir de cette avancée tout en soulignant à l’instar du maire de Palerme que nous sommes aujourd’hui à la stricte limite de l’état de droit, situation dénoncée en Italie par les associations de défense des droits de l’homme.
GXC
Photo : D.R