• Le doyen de la presse Européenne

Un débat essentiel sur la criminalité organisée en Corse mais aux contours encore flous pour les élus

<< On est aux limites de l'Etat du droit . Mais aux limites de la dictature, risque de se trouver la mafia >>

Un débat essentiel sur la criminalité organisée en Corse mais aux contours encore flous pour les élus



« On est aux limites de l’État du droit. Mais aux limites de la dictature, risque de se trouver la mafia » Leoluca Orlando, ancien maire de Palerme


Le débat de l’Assemblée de Corse sur la dérive mafieuse n’aura pas apporté de véritable bouleversement si ce n’est par son existence même. Il faudra cependant attendre des résultats pour en mesurer la portée. Mais Jean-Toussaint Plasenzotti, représentant du Cullettivu Massimu Susini a très justement noté un immense décalage entre le flou des élus notamment nationalistes et les décisions annoncées par le ministre Gérald Darmanin avec lesquelles le président Simeoni a marqué son désaccord au nom des libertés. Son besogneux plaidoyer pro domo illustrait l’embarras de celles et de ceux qui redoutent peut-être les effets d’une justice trop rigoureuse et de ses conséquences dans une société de promiscuité. Car si les propos du ministre de la Justice étaient réellement suivis d’effets, nous assisterions à une petite révolution.

Un climat de violence entretenu par la clandestinité


Les élus, une fois de plus, ont tenu à présenter la Corse comme une victime de la pauvreté comme si cela expliquait les assassinats et le détournement de fonds publics. Pourtant aucun de ces élus n’a abordé la question sociale. Car la Corse possède une société profondément inégalitaire où de grosses fortunes côtoient de très faibles revenus. Dans chacune de leurs prises de parole, les élus ont exposé un catalogue généraliste de leurs propres revendications évitant le plus souvent d’aborder la question criminelle elle-même sinon par le biais affectif, celui des « victimes innocentes ». Or le fond du problème est certes l'attitude de l'État mais aussi — surtout quand on revendique l'autonomie —l’absence de parole publique des citoyens et de désignation de faits précis, de noms, d'actes pour ensuite témoigner devant la justice. Là est l’épicentre de la question criminelle. L’élu Benedetti a rappelé à juste titre le dramatique évitement policier de la grande criminalité pour traquer les clandestins. Mais lui-même tout comme Jean Biancucci ont oublié de citer les crimes divers et variés des divers FLNC : racket, assassinats, campagne de terreur en direction des enseignants continentaux, parfois des immigrés. Ces méfaits ont largement contribué à entretenir une culture de violence reprise aujourd’hui par les enfants des militants cagoulés au sein de bandes criminelles.

Qui est prêt à vraiment être acteur du drame


On ne peut à ce stade qu’approuver les Collectifs antimafia qui ont fait venir Leoluca Orlando, l'ancien maire antimafia de Palerme. Mais on aurait tort de comparer la situation d’une population de cinq millions de personnes et celle de la Corse. Rien n’y est semblable et ce qui a manqué à ce débat a été un véritable état des lieux. Le président Simeoni, d’un ton monocorde et d’une voix fatiguée, a lu ses notes établissant un catalogue de thèmes hors sujet qui a souvent viré à l’exercice d’avocat plaidant sa propre cause. On a tout de même du mal à croire que d’un côté la Corse serait une région particulièrement gangrénée par la mafia et que, dans les domaines des marchés publics par exemple, tout serait presque parfait. Les assassinats qui ont marqué la CCI d’Ajaccio, les assassinats de proches de Paul Giacobbi ont tout de même des causes qui tiennent à la distribution de l’argent public. En fait, pas grand-chose ne fonctionne bien dans notre île. Et cela tient à la promiscuité et à l'instauration depuis la nuit des temps de la loi du plus puissant. Oui, il faut le dire, dans un certain nombre de domaines, les criminels font la loi. Oui les témoignages manquent par peur, par amitié, par solidarité ou par parenté. C’est une réalité qui, gommée, interdit toute compréhension de la situation. Alors oui, d’une certaine façon nous sommes coupables et cette culpabilité tient à un trait de notre culture façonnée par l’histoire, la géographie et un certain mépris pour le bien public.

Favoriser les Corses qui travaillent honnêtement


Il serait dramatique qu’à l’instar de la période Bonnet, les entreprises, les commerçants, les fonctionnaires honnêtes paient pour les crapules qui occupent parfois des postes élevés dans notre microsociété. Reconnaissons que nous sommes incapables de gérer cette situation inextricable. C’est en quoi les décisions du ministre Darmanin vont dans le bon sens. Encore faut-il que les citoyens acceptent eux aussi de se battre contre ce mal mafieux avec des moyens exceptionnels. La justice doit être juste mais sévère. Il faut espérer que les uns et les autres n'élèveront pas de protestations si certains de leurs amis étaient condamnés. Le ministre a tendu la main aux nationalistes en excluant désormais les prisonniers politiques corses du Fijait, le fichier rassemblant le nom des auteurs d’actes terroristes. À chacun maintenant de faire son bout de chemin quoi qu’il en coûte. Sinon rendez-vous dans une décennie pour un nouveau débat strictement identique.

GXC
Photo : DR
Partager :