Macron contre Poutine : Sulenzara en première ligne
La Corse est directement concernée par les récentes annonces du président de la République concernant la guerre entre l'Ukraine et la Russie.....
Macron contre Poutine : Sulenzara en première ligne
La Corse est directement concernée par les récentes annonces du président de la République concernant la guerre entre l’Ukraine et la Russie et les évolutions la politique de défense.
Il y a trois ans, plus précisément quelques semaines avant et après l’entrée en guerre de la Russie contre l’Ukraine, le 24 février 2022, le président de la République préconisait la négociation. Au fil du temps, son positionnement a évolué. D’abord, progressivement, il a conduit la France à s’aligner sur le soutien diplomatique, financier et militaire à l’Ukraine orchestré par les USA.
Ensuite, ces derniers jours, alors que le président Donald Trump a gelé le soutien financier et militaire US à l’Ukraine et semble vouloir imposer une cessation des combats qui pourrait de facto aboutir à entériner les avancées territoriales russes, il a franchi une nouvelle étape. Il est passé d’un positionnement de soutien à Kiev à l’affirmation d’une hostilité à Moscou. Cela s’est fait en deux temps. Lors d’une allocution télévisée, premier temps, le président de la République s’est tout d’abord fait dénonciateur, alarmiste et accusateur. Il a qualifié la Russie de « menace existentielle ». Il a mis les Français en garde : « cette agressivité ne semble pas connaître de frontières […] rester spectateur serait une folie ». Il a accusé Moscou d’avoir provoqué « un conflit mondial », de viol de frontières pour assassiner des opposants, de manipulation des élections en Roumanie et en Moldavie, d’attaques numériques, de tentatives de manipuler les opinions et de mensonges sur les réseaux sociaux.
Ensuite, il a fait part d’une possible évolution de la doctrine nucléaire de la France en évoquant l’éventualité de mettre l’arsenal nucléaire au service d’une politique de défense européenne.
Dans un second temps, à l’issue d’un Conseil européen exceptionnel auquel ont participé plusieurs chefs d'État et de gouvernement de pays membres de l'Union européenne ainsi que Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, le président de la République a ciblé directement Vladimir Poutine et adopté la posture de champion d’une politique de défense européenne. Il a désigné le président russe comme étant un « impérialiste révisionniste ». Il a annoncé que la France réunirait rapidement à Paris les chefs d'état-major des pays prêts à garantir une future paix en Ukraine, y compris « par le déploiement de forces européennes ». Il a affirmé la nécessité d’une augmentation importante des moyens militaires des pays de l’Union Européenne selon une stratégie commune : « Nous avons besoin d'augmenter nos capacités de défense.et de bâtir sur les quelques années qui viennent, des capacités de défense autonomes pour les européens ».
Les propos du président de la République accompagnait l’énoncé de décisions prises lors du Conseil visant à faire face aux intentions US de désengagement militaire en Europe et de réduction ou suppression de l’aide militaire et du soutien diplomatique à l’Ukraine : plan de réarmement d’un montant de 800 milliards d’euros, notamment pour répondre à des besoins jugés prioritaires (défense aérienne et antimissile, systèmes d’artillerie, missiles et munitions, drones et systèmes anti-drones) ; possibilité pour les États membres d’accroître sensiblement leurs dépenses militaires sans que cela soit pris en compte dans le calcul de leur déficit public, en principe limité à 3 % de leur produit intérieur brut (PIB ) ; déclaration commune affirmant qu’il ne pouvait y avoir aucune négociation sur l’Ukraine sans l’Ukraine (seule la Hongrie a refusé de soutenir cette déclaration).
Vague de colère à Moscou
Le président de la République a certes tempéré ses propos par deux mises au point. Concernant l’évolution de la doctrine nucléaire, il a assuré que « la décision a toujours été et restera entre les mains du président de la République, chef des Armées ». Concernant l’envoi de troupes en Ukraine, il a affirmé que celles-ci « n'iraient pas se battre aujourd'hui, n'iraient pas se battre sur la ligne de front, mais seraient là, au contraire, une fois la paix signée, pour en garantir le plein respect ». Malgré ces mises au point, les déclarations du président de la République ont provoqué une vague de colère à Moscou. La France et Emmanuel Macron ont été l’objet de vives attaques donnant à penser que la Russie place désormais la France au premier rang de ses ennemis après l’Ukraine, rang qui était précédemment attribué au Royaume Uni. Le président Vladimir Poutine a rappelé un épisode historique douloureux : « Il existe encore des gens qui veulent retourner aux temps de Napoléon, en oubliant comment ça s'est terminé ». Dénonçant un discours « très conflictuel », le porte-parole de la présidence russe, Dimitri Peskov a déclaré : « Cela donne le sentiment que la France veut que la guerre continue ».
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov a affirmé avoir perçu, dans les mots du président de la République, une menace contre la Russie : « Il dit qu'il est nécessaire d'utiliser l'arme nucléaire, de se préparer à utiliser l'arme nucléaire contre la Russie. Bien sûr, c'est une menace ». Le responsable de la diplomatie russe a aussi évoqué une similitude entre Emmanuel Macron et Hitler et Napoléon qui tous deux, a-t-il dit, ont voulu vaincre et conquérir la Russie. « Apparemment, il veut la même chose » a déclaré le ministre. L'ex-président russe Dmitri Medvedev, numéro deux du Conseil de sécurité russe, a raillé Emmanuel Macron : « Il ne représente pas une grande menace. Il disparaîtra à jamais au plus tard le 14 mai 2027. Et il ne manquera à personne ». Leonid Sloutski, député nationaliste et conservateur, à la Douma a accusé Emmanuel Macron de bellicisme et de peu se soucier des Français : « Macron essaie depuis longtemps d'endosser une armure néo-napoléonienne et rêve de diriger le parti de la guerre européen.
Dans son discours à la nation, il n'a pas parlé du bien-être des Français. Il était plutôt obsédé par la menace russe. Il ne s'intéresse pas à la paix, il s'intéresse à la troisième guerre mondiale à l’issue de laquelle il ne peut y avoir de vainqueur. Il pousse le monde vers une catastrophe nucléaire ». Il convient d’ajouter que les propos du Président de la République et de la partie russe se sont inscrits dans un contexte de montée de tension. E, effet, quelques jours avant l’allocution d’Emmanuel Macron et le Conseil européen exceptionnel, il avait au lieu au dessus de la Méditerranée, une rencontre mouvementée entre un drone français et un avion de chasse russe. Selon le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, il s’était agi de la part de Moscou, d’une « action agressive » et d’une « volonté de restreindre la libre circulation aérienne dans les espaces communs ».
Nous sommes concernés
Certes, à ce jour et pour des années encore, un conflit armé entre la France et la Russie relève encore de l’improbable. Tout comme reste improbable une guerre entre les pays de l’OTAN (à laquelle appartient la France) et la Russie. En conséquence, peu de monde chez nous semble se soucier de la dégradation des relations entre la France et la Russie et de ce que cela pourrait impliquer. Pourtant nous sommes pleinement concernés et serions très impliqués si cela tournait mal. De nombreux corses servent dans l’Armée française. Ce qui les exposerait en cas de présence au sein d’une force de la paix ou sur un champ de bataille. Le 2ème régiment étranger de parachutistes est basé au camp Raffali à Calvi. Site militaire qui du fait de la présence de cette unité d’élite capable à tout moment d’interventions extérieures, pourrait être considéré comme une cible évidente.
Enfin et surtout, à Sulinzara, est implantée la base aérienne 126 « Capitaine Preziosi », dite « Zara », installation de parcage et de projection des appareils de combat et de transport de l'Armée de l'Air et d’autres pays étant intégrée aux systèmes offensif et défensif de l'OTAN. À « Zara » peuvent être effectués les rotations, le ravitaillement et la maintenance d’avions de combat ou de transport et de ravitailleurs en vol. À « Zara », des pilotes d’unités aériennes de France et d’autres pays de l'OTAN viennent s'entraîner au tir air-air et air-sol. La position géographique de « Zara » en fait une site facilitant toute opération aérienne en Méditerranée et de contrôle de cette zone. « Zara » a d’ailleurs déjà été utilisée lors de plusieurs interventions aériennes de la France et de l’OTAN : en 1993, en Bosnie ; en 1999, au Kosovo ; en 2018, en Libye. « Zara » serait donc une cible évidente et prioritaire.
Et la distance ne représente pas l’assurance de n’être pas affecté par une frappe. Depuis ses sous-marins et ses navires de combat (bien que ceux-ci ne puissent plus plus guère être présents dans la zone méditerranéenne), son territoire ou ses avions de combat, et comme la défense anti-aérienne n’est jamais infaillible, la Russie est en capacité de frapper en Corse au moyen de missiles à longue ou moyenne portée. Pas de panique, certes. Mais pas non plus d’optimisme béat.
Alexandra Sereni
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Crédit photo Wikipedia commons (auteur:Участник)
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Crédit photo : Wikipedia commons (auteur Vyacheslav Argenberg)