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<< Au boulot ! >> , la force des mots et des images

Un soir, Salle du Régent pour la projection du Film, " Au boulot " de François Ruffin et Gilles Perret

François Ruffin et Gilles Perret :
« Au boulot ! », la force des mots et des mages


Un soir. Salle du Régent archi-comble pour la projection du film, « Au boulot ! » de François Ruffin et Gilles Perret. Alternance de gravité, de sourire, de révolte, d’émotion. L’histoire ? Une bcbg bon teint au portefeuille bien rempli explorant la situation des gens du monde d’en bas au travail. Découverte de boulots éreintant qui abîment les corps prématurément.


La confrontation entre jeune, belle bourgeoise et ceux qu’on nomme souvent les invisibles pourrait être saumâtre. Sauf que la caméra des coréalisateurs peut se faire rieuse malgré tout… en déployant des accents toniques et revigorants qui boostent contre passivité et léthargie. Et la damoiselle de relever le défi ! Délaissé le croque-monsieur à la truffe du palace à 50 euros. Bonne arrivée dans l’univers des obscurs aux misérables salaires.

En livreuse de colis perchée sur des talons hauts, elle frise la catastrophe et ralentit trop la cadence. Exit… L’objectif de François Ruffin est d’inculquer à la belle un minimum de respect envers les trimards. Va-t-il peu à peu y parvenir au fil d’étapes qui n’ont rien à voir avec du tourisme social ? Sait-on jamais ! Sarah Saldmann, puisque c’est elle, s’en sort pas si mal, même si rembarrer son esprit et son arrogance de classe est hasardeux !

Ruffin et Perret lui ont prévu un parcours dans le réel qui n’escamote rien de la dureté endurée au quotidien par des femmes et des hommes qui font fonctionner la machine de la société. Ainsi son « stage » dans une usine de poisson fumé – elle adore en manger – si n’était qu’en vrai le froid brûle les doigts et que la vitesse des tâches robotise l’humain. Servir dans un café-restaurant où elle panosse également le sol lui va légèrement mieux et la rencontre qu’elle y fait d’immigrés afghans, qui ont marché de Kaboul à la France pour in fine confectionner des ficelles de Picardie, nous vaut un instant d’étrangeté à la saveur de vinaigre. L’apprentissage, auprès de Louise à Saint Etienne, des gestes à pratiquer par une auxiliaire de vie offre un grand moment d’émotion. Mais la séquence la plus heureuse du film est celle du match de foot avec l’équipe de Val de Nièvre. Là, au-delà des contingences matérielles il y a osmose. C’est beau…

A méditer encore, l’incursion dans la ferme d’un jeune exploitant agricole qui permet à damoiselle de voir une vache pour la première fois et d’entamer un dialogue inattendu dans lequel l’agriculteur adopte une tonalité politique de gauche qu’il est le seul à tenir durant le documentaire alors qu’il est encarté FDSEA. Tout arrive…Incontournable le passage dans un Resto du Cœur où solidarité et réinsertion sont de règle.

Gilles Perret capte à merveilles les réactions, les émotions des visages de ceux qui sont à la peine sans toutefois se laisser abattre et qui au contraire sont fier de leurs métiers. Devant le micro de François Ruffin tous les interviewés ont facilement du répondant. Leurs répliques sont souvent mordantes. L’irone peut être un remède, ou au moins un moyen de faire face à des conditions de vie et de travail qui font très mal

Et va damoiselle belle et riche exigeant haut et fort son droit d’aimer l’argent pour s’offrir des sacs à 20 000 euros tandis que ceux, dit de la deuxième ligne déroule un tapis rouge pour faire une fête qui revendique la joie… Joie d’être au monde envers et contre tout !

Michèle Acquaviva-Pache

Exemples de travailleurs 2 è ligne : auxiliaires de vie,
aide-ménagères, caissières manutentionnaires etc…


ENTRETIEN AVEC FRANÇOIS RUFFIN, réalisateur et député de la Somme


Toujours sur la brèche François Ruffin. L’interviewer est plutôt acrobatique ! Pressé par son action de réalisateur avec présentation de son film et débats à animer. Bousculé par l’actualité,ce soir-là c’était l’Ukraine. Mais avec de la bonne humeur tout finit par s’arranger…

Saint Etienne, le nord, l’ouest, comment avez-vous choisi vos lieux de tournage ?
Le point de départ du film est une remarque de Macron disant à l’époque du Covid qu’il fallait reconnaître les métiers de la 2 è ligne. C’est ce qu’on a fait avec « Au boulot ! ». Mais filmer les gens au travail est compliqué, les employeurs brandissant facilement les interdictions et c’est ce qui est arrivé pour les cantines scolaires et l’hôpital. Le patron de l’usine de poisson fumé de Boulogne-sur-Mer, lui, n’a pas regretté de nous avoir ouvert les portes. Car il a estimé que ça mettait en valeur les métiers de son entreprise. Avec Gilles Perret nous nous laissons porté par le réel. Nous faisons des sortes de road-movies et nous ne nous fixons pas toujours sur ce qui parait le plus évident. Pour ce qui est de l’agriculture on aurait pu nous attendre sur le bio ou le maraichage on a opté pour un agriculteur conventionnel membre des jeunes de la FDSEA : Elie. Il vanne Sarah Saldmann. Il est de gauche et ça nous a surpris !


Pourquoi avoir écarté le sud de votre documentaire ?
Le sud était présent à 90% dans « J’veux du soleil » traitant des gilets jaunes. En tant que député j’ai une vie très compliquée. Pour les tournages il faut que mes disponibilités et celles de Gilles Perret coïncident. Conséquence : on a surtout filmé les week-ends.


Dans ce genre de documentaire quels sont les écueils à éviter ?
Le plus gros risque est de tomber dans un ton militant chiant. On doit apporter de l’originalité et de l’émotion. Il ne faut absolument pas être dans le statique et la complainte. Notre enjeu consiste à trouver le dispositif qui contourne les écueils et à mettre un brin de fantaisie en excluant le recours à des experts développant une pédagogie assommante. Notre équipe est toujours la même depuis les débuts avec Cécile Dubois au montage, et avec le même distributeur.


Comment s’est déroulée la coproduction avec Gilles Perret ?
Avec Gilles on est dans le partage. Politiquement et esthétiquement nous sommes d’accord. Sur un tournage et un montage on est ensemble. A moi la parole. A Gilles l’image. On se trouve en un clin d’œil. Quand on filme on s’adapte aux lieux et on réagit sur l’instant. Je n’écris jamais un synopsis d’avance car on joue la force de l’improvisation.


Le sport, pour vous, est-il la formule magique du vivre ensemble ?
Au vivre ensemble je préfère le faire ensemble, l’agir ensemble qu’on soit bénévole ou salarié. Pour moi le sport est un bon moyen d’intégrer des gens différents en les mêlant.


Pourquoi, à la fin du film, avoir mis l’accent sur une fête… joyeuse ?
Parce qu’on éprouvait le désir d’entraîner ceux qu’on avait rencontré vers le haut. Et vers le haut il y a la joie ! Après-guerre les communistes ont héroïsé les mineurs. Aujourd’hui nous devons héroïser ceux de la 2 è ligne.

Propos recueillis par MAP


Gilles Perret césarisé
Le coréalisateur d’ « Au boulots ! », Gilles Perret, vient de recevoir le César 2025 du long-métrage documentaire pour « La ferme des Bertrand », tourné dans un village haut-savoyard, Le film relate des décennies de vie d’une famille d’éleveurs de vaches laitières. Le lauréat a secoué avec vigueur le public des César en alertant sur les dangers du néofascisme à l’heure présente.



Photos services de presse et distributeurs

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