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La Corse : l'île des coups de foudre

Le colloque de Cargèse sur la mafia a donc rassemblée le gratin des collectifs, le préfet et deux procureurs.....

La Corse : l'île des coups de foudre


Le Colloque de Cargèse sur la mafia a donc rassemblé le gratin des Collectifs, le préfet et deux procureurs. On a entendu un historien, un agrégé de Corse analyser la violence en Corse et en définitive tourner autour du pot. Aucun fait mafieux n’a réellement été précisément dénoncé. On a « oublié » de parler du procès du Petit Bar mais aussi de la collusion entre des nationalistes et un authentique mafieux italien. On a occulté l’affairisme de la « mafionaliste » pour reprendre l’expression du procureur Bessone. On a totalement passé sous silence la question sociale qui est essentielle dans le développement des mafias. Enfin, la réalité d’une criminalité de profondeur doit être étayée par des exemples de façon à devenir concrète pour les citoyen
s.

La mort d’une jeune fille


L’assassinat de la jeune Chloé serait telle révélatrice de l’existence d’une mafia au sens plein du terme ? On peut en douter. C’est le résultat d’une guerre de bandes, composées de quelques petites frappes, qui se font la guerre jusqu’à l’absurde. Plusieurs assassinats avaient déjà endeuillé la Balagne sans que l’opinion publique ou les Collectifs ne s’en émeuvent plus que ça. L’un des évènements le plus tragiques a été l’assassinat du jeune François Francisci en mai 2019 vraisemblablement à la place de Laurent Emmanuelli, arrêté le mois dernier et considéré comme comme le chef d’une équipe criminelle œuvrant en Balagne. Son nom apparaît dans le document du SIRASCO rassemblant les 25 bandes criminelles de Corse. En octobre 2023, cinq personnes étaient renvoyées devant les assises des Bouches-du-Rhône dans le dossier de l’assassinat d’Antoine Francisci. Parmi elles on trouvait notamment Dominique Costa, Mathieu Fondacci et Pierre-Louis Vignali. Dominique Costa, dit « Mimi », est le frère de Maurice Costa, assassiné en 2012 et considéré comme l’un des barons du gang de la « Brise de mer ». Il était incarcéré depuis juin 2020 au centre pénitentiaire des Baumettes à Marseille. Or le conflit entre ces bandes répond désormais à la mécanique des vendettas beaucoup plus qu’à un contrôle mafieux de territoire.

Le banditisme, un mal français ?


Lors du colloque, le linguiste agrégé de langue corse, Marceddu Jurczek, a pris le contre-pied de Manuel Valls qui avait affirmé en 2013 que la violence était enracinée dans la culture corse. Usant de mots savants, il a admis que la culture corse était empreinte d’une présence historique de la violence et pour tenter d’expliquer ce phénomène, il a utilisé le concept « d’image-type » la définissant ainsi « L’image-type, c’est une identité à laquelle nous nous sommes référés », elle est toujours habitée de violence, « et que nous avons valorisée. » Plus important encore, « cet archétype apparaît au moment où l’individu ou la société sont en danger de perte d’identité ». Il faut croire que nous perdons notre identité depuis la nuit des temps, car aussi loin que remontent les témoignages c’est-à-dire au début de la romanité cette « image type » est présente. Les voceri qui remontent eux aussi à l’antiquité et qui sont de véritables marqueurs culturels corses sont pétris de cette violence qui est franchement culturelle à travers le culte de la vengeance et de la mort. L’éminent linguiste précise dans une interview donnée à France info : « Au cours des siècles, en tout cas du XVIIIe au XXe, il y a eu une multiplication des traumatismes dus à aux agressions extérieures, mais également aux luttes claniques, aux rapports de force systématiques que nous avons connus en Corse.
Ces traumatismes-là ont pesé sur la façon dont les Corses se représentaient, leur rapport au monde, donc leur identité, leur culture, et c’est cela le continuum de violence. » Pour parler clair, Marceddu Jurczek reprend les thèses révisionnistes des autonomistes de l’entre-deux-guerres eux-mêmes inspirés par l’irrédentisme : la conquête française et la francisation auraient introduit la violence dans la société corse. Et on oublie au passage les sempiternelles doléances des Génois contenues dans les archives criminelles durant les quatre siècles antérieurs, les chroniques de Cirneo, même s’il est exact que celles-ci ont largement amplifié le phénomène pour mieux justifier la répression. Peut-on enfin juger sérieusement que c’est l’image propagée à partir du Colomba de Mérimée qui a instillé la violence dans la culture corse et tenter de la remplacer par une image-type valorisante ? La réponse est évidemment non. Le crime est le produit de la rencontre de facteurs diversifiés et non de la seule représentation que les Corses se feraient d’eux-mêmes. Et puis regardons la criminalité en face. C’est au plus une centaine d’individus qu’il serait facile de mettre hors d’état de nuire. Le nid de serpents par contre, c’est-à-dire là où les politiques coupables de compromission va être plus dur à atteindre. Mais c’est lui la cible principale. Sans lui pas de dérive mafieuse.

S’il y a mafia qui sont les mafieux ?


Car s’il y a mafia, il faut dévoiler sa Sainte Trinité.
Les assassins  ? Nous n’en manquons pas.
Les affairistes  ? Ils sont bien là à commencer par Antony Perrino le promoteur immobilier.
Mais qui sont les politiques sinon ceux qui tiennent le gouvernail et les cordons de la bourse ? Or dans le récit qui est fait par les collectifs cette partie est manquante. Elle n’est jamais désignée. Prenons un exemple qui a été singulièrement occulté lors de ce symposium : celui du Petit Bar dont le procès aurait dû être a vedette de ces deux jours. Nous avons une bande criminelle, des affairistes au premier rang desquels le promoteur Antony Perrino.
Mais qui faut-il montrer du doigt pour ce qui concerne les politiques  ? La ville d’Ajaccio  ?  La région et son exécutif  ? On ne le saura jamais. Tant que le discours se tiendra dans les frontières de la morale ou de la réprobation, il finira dans l’oubli comme tous les précédents sur le même sujet.

Une société entièrement nécrosée ?


Le procureur Navarre a cru bon déclarer que la société corse, tout entière, était nécrosée. Passons sur le fait que c’est blessant de laisser entendre qu’il n’y aurait pas un seul pan de notre société qui soit honnête. Mais surtout c’est assurément maladroit alors qu’en même temps, on fait le vœu d’assister à un réveil de cette même société. Et puis, très franchement, la magistrature peut-elle donner des leçons elle qui dans l’ouvrage Juges en Corse avoue avoir toujours ou presque céder devant les desiderata du pouvoir politique ? Faut-il rappeler la pantalonnade de Tralonca ou encore ces gros voyous laissés en liberté malgré les apparences accablantes ? Mais las mettons ces malheureuses paroles sur le compte de la catharsis du moment.
Les Corses étaient heureux de s’accabler et les officiels de participer à ce festin. Il eut tout de même été heureux qu’un insulaire s’élève contre une telle affirmation. Dans le train de mesures annoncé par Gérald Darmanin, on trouve ce vent de soupçon à l’égard des Corses. À l’en croire, enquêteurs et magistrats seront tous des continentaux. C’est tirer une bien mauvaise leçon de la magistrature et des enquêteurs de l’antimafia italienne. Car en Sicile, en Calabre, dans les Pouilles ce sont des fonctionnaires locaux qui remportent les plus belles victoires. Gérald Darmanin a annoncé un système d’habilitation pour se prémunir de la porosité. « Si votre cousin, votre frère, votre sœur est dans un réseau et que vous êtes le greffier, le policier, l’agent public qui a le dossier...
Le secret, c’est important, mais la chair est faible, a déclaré le ministre de la Justice. C’est pour empêcher la faiblesse de la chair que dans la lutte contre le terrorisme ou contre les ingérences étrangères, on fait des habilitations. » Ce à quoi le magistrat Jean Leandri a répondu avec justesse : « Cette pseudo-habilitation, je ne la comprends pas. Si ce n’est qu’il y aurait des personnes qui exerceraient leurs fonctions alors qu’elles ont des dossiers qui montreraient qu’elles ont une certaine compromission... Or, si c’était le cas, elles auraient fait l’objet de sanctions disciplinaires en amont. Donc sur quoi l’habilitation va-t-elle être fondée ? À part statuer sur l’origine des personnes, pour dire qu’un Corse, s’il connaît trop de monde en Corse, est par nature suspect... Si c’est cela qu’ils veulent faire, à ce moment-là, ils n’ont qu’à le dire clairement. »

Attention au syndrome Bonnet


Ça n’est pas faire preuve d’un orgueil démesuré que d’affirmer qu’il existe d’excellents enquêteurs et magistrats d’origine corse. Nous avons bien un recteur et un préfet qui le sont. Le danger pour des équipes arrivant fraîches émoulues du continent est qu’elle provoque un effet Bonnet. Ce préfet, nommé après l’assassinat du préfet Erignac, bénéficiait de l’assentiment des citoyens.
En réprimant à tout va, sans circonspection, il a donné l’impression de douter de tous les Corses sans exception. On sait comme cela s’est terminé. Les déclarations de Darmanin n’auront d’effets positifs que si les mesures sont appliquées avec pédagogie en communiquant et avec l’aide de connaisseurs de la culture corse. Jusqu’à ce jour, tous les gouvernements ont chuté sur la Corse. Il est important que l’offensive contre la grande criminalité soit couronnée de succès.
Mais pour cela, il ne suffit pas de mettre les moyens. Il faut aussi de l’intelligence et ne pas considérer la Corse comme l’ennemi. Après tout si on veut parler de porosité, les fuites vers la grande criminalité viennent presque toutes de fonctionnaires continentaux saisis du vertige corse. Alors, une fois débarrassé de l’ivresse de cette Sainte-Alliance, il faudra d’agir sans faiblir quand bien même les cibles démontrent que certains loups s’étaient déguisés en agneaux jusque dans les rangs de « l’anti-mafia ».
Alors et alors seulement, la justice et la police retrouveront une crédibilité qui permettra de briser le silence, un silence causé par les faux pas si nombreux d’un appareil d’état trop souvent coupable de compromissions avec les criminels.

GXC
Crédit photo 1 Wikipedia commons (auteur Y4acthnk )
Crédit photo 2 Wikipediaz commons ( auteur Vyacheslav argenberg )
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