Femu a Corsica : on a bien fait, on fera mmieux
C'est clair , obtenir l'autonomie et pouvoir faire bonne figure lors des échéances électorales sont au coeur de la stratégie globale de Femu a Corsica.
Femu a Corsica : on a bien fait, on fera mieux
C’est clair, obtenir l’autonomie et pouvoir faire bonne figure lors des échéances électorales sont au cœur de la stratégie globale de Femu a Corsica. Mais écouter, oser, trancher et prioriser le sont-ils aussi ? Au vu des éléments de langage utilisés en tribune ou pour répondre à différents médias, par François Martinetti qui a été reconduit à la tête du secrétariat national du parti, il n’est pas évident qu’il en soit ainsi.
Début août dernier, constatant que pour le président du Conseil exécutif, l’horizon s’était assombri du fait de la défaite de Jean-Félix Acquaviva lors des élections législatives ainsi que de la perspective alors devenue lointaine d’une évolution institutionnelle de nature à galvaniser les militants, donner à espérer au peuple et faire oublier le bilan quelque peu décevant de dix années aux responsabilités dont les trois dernière en mode cavalier seul, nous posions cette question :
Gilles Simeoni peut-il rebondir ? Nous ajoutions qu’il restait à ce dernier les atouts non négligeables suivants : être moins en butte que beaucoup de ses partisans à une forte érosion de popularité ; disposer d’une majorité absolue à l’Assemblée de Corse, interdisant à la droite et aux opposants nationalistes d’entraver son action ; bénéficier d’un agenda électoral favorable (2028, année du prochain scrutin territorial, laissant du temps pour agir et le faire sereinement). Cependant, nous estimions que l’électorat ayant signifié éprouver à leur encontre de la défiance ou du mécontentement lors du scrutin législatif, Gilles Simeoni et ses partisans allaient au moins devoir apporter quatre choses.
Primo, mettre en œuvre une nouvelle gouvernance : c’est-à-dire qu’il y ait de la part des responsables ou élus Femu a Corsica, davantage d’écoute et moins d’arrogance et de suffisance.
Deuxio, accélérer significativement la cadence pour ce qui concerne gestion de la Collectivité de Corse : donc en finir avec la procrastination.
Tertio, fixer enfin un cap : par l’élaboration d’une vision ainsi que par la définition de priorités fortes de nature à apporter des solutions concrètes ou des propositions lisibles et crédibles concernant des dossiers relevant de l’urgence (dépenses de fonctionnement et endettement de la Collectivité de Corse, déchets, réseau routier du rural, logement, politique de l'eau, prix des transports, prix des carburants, constitution de monopoles mettant en coupe réglée l’économie et les consommateurs, intrusion du banditisme dans les affaires publiques, tourisme de masse, nouveaux arrivants…)
Quarto, tenir compte de l’ordre des priorités de la population pour qui, actuellement, ni aggiornamento du nationalisme, ni autonomie ne relèvent de l’urgence. Nous concluions ainsi : le président du Conseil exécutif peut rebondir. Mais il lui faudra écouter, oser, trancher, prioriser. Et ceci nous semblait devoir aussi concerner Femu a Corsica.
Sept mois ont passé, le rebond se fait attendre. Le récent remaniement du Conseil exécutif n’a apporté aucun souffle. Il n’a été qu’un remplacement de personnes dont au moins deux n’avaient pas davantage démérité que leurs collègues ayant été maintenus en place. Cependant, l’agenda qui mentionnait la tenue prochaine du deuxième congrès de Femu a Corsica, incitait à penser que le rebond pourrait en définitive venir de là.
Deux chemins : vers l’autonomie, vers les élections
Le congrès a eu lieu le 9 mars dernier à Corti. Entre 300 et 350 adhérents ont répondu présent. 300 a très honnêtement écrit François Alfonsi dans Arritti. S’il est pris en considération que le congrès constitutif avait réuni sous chapiteau un millier de participants et que le premier congrès en avait attiré près de 500, ce deuxième congrès n’a pas été un grand moment de mobilisation militante. L’honnêteté intellectuelle commande toutefois de tenir compte que, par les temps qui courent, la mobilisation militante est devenue rare. Le congrès a notamment donné lieu aux présentations des rapports financier et moral ainsi qu’à celle du bilan d’activité du parti, au renouvellement des instances, à des interventions suivis d’échanges de militants et d’élus concernant la situation politique, à la discussion, l’amendement et l’approbation de la motion d’orientation générale et enfin à la fixation d’un cap stratégique et politique pour les trois ans à venir. Déroulement normal d’un congrès de parti politique : rien à redire. Concernant la fixation du cap stratégique et politique, deux chemin ont été indiqués. Il a d’une part été réaffirmé que l’autonomie était l’objectif majeur et que Femu a Corsica jugeait urgent de l’obtenir.
Cependant, cela, on le savait déjà car, depuis des années, le parti et ses élus le répètent à l’envi. Il a d’autre part été annoncé que militants et élus se mobiliseront lors des trois rendez-vous concernant directement la Corse figurant d’ores et déjà à l’agenda (municipales et sénatoriales en 2026, législatives en 2027, territoriales en 2028), et il n’a pas été oublié qu’en cas de nouvelle dissolution, il faudrait sans doute aussi se mobiliser pour des législatives avant 2027. Cela on le savait aussi car il n’est rien de plus naturel pour un parti politique, surtout s’il compte de nombreux élus et est aux responsabilités, que de se préparer aux joutes électorales. Toujours dans Arritti, François a d’ailleurs confirmé combien l’autonomie et les élections étaient vitaux pour Femu a Corsica : « Avec un processus de Beauvau allant à son terme, le bilan de la « décennie nationaliste » serait alors évidemment crédité d’un succès incontestable […] Si l’autonomie de la Corse devait être reportée en raison des vicissitudes de la vie politique parisienne, mars 2028 n’en serait pas moins une échéance capitale […] La première Assemblée de la Corse Autonome tombant entre les mains de forces anti-autonomistes serait une aberration historique.
Et, si l’autonomie est différée, l’échec des forces politiques autonomistes aux prochaines territoriales reporterait sine die tout espoir de la voir aboutir.» C’est donc clair, obtenir l’autonomie et pouvoir faire bonne figure lors des échéances électorales sont au cœur de la stratégie globale de Femu a Corsica. Mais écouter, oser, trancher et prioriser le sont-ils aussi ? Au vu des éléments de langage utilisés en tribune ou pour répondre à différents médias, par François Martinetti qui a été reconduit à la tête du secrétariat national du parti, il n’est pas évident qu’il en soit ainsi.
Franchissement du Rubicon ni à la tribune, ni face aux médias
Concernant l’écoute, François Martinetti n’est apparemment enclin à tendre qu’une oreille avec modération. En effet, il a répondu à Nicole Mari (Corse Net Infos) que s’il était disposé à « entendre des critiques même en interne» concernant l’action des élus siméonistes, il réfutait le « pas de bilan ». Puis, il a précisé que même s’il admettait que l’on puisse ne pas être satisfait de l’action du Conseil exécutif et que tout n’ait peut-être pas été bien fait, la réalité était que « sur les grandes priorités, le bilan est bon ». À l’équipe de France Télévision, il a affirmé que lui-même et les autres militants de Femu a Corsica devaient défendre le bilan, tout en concédant que, désormais, cela pourrait consister en un soutien « exigeant » et au besoin « critique ». Donc, selon l’intéressé, bilan globalement positif de l’action des élus siméonistes. On notera que durant les débats, Hyacinthe Vanni, ayant retrouvé une vice-présidence du parti, a joué moins serré en déclarant notamment : « Il y a forcément des frustrations, c’est normal après plusieurs années d’exercice du pouvoir ». François Martinetti a d’ailleurs encore plus resserré sa garde. En effet, pour prévenir toute interprétation pouvant laisser supposer que reconnaître la nécessité d’un esprit critique, ne pouvait relever de sa part ou de son parti d’un ressenti négatif ou d’un scepticisme, il a affirmé que le fait que les Corses soient plus que critiques à l’encontre de la majorité siméoniste, relevait essentiellement d’un défaut ou d’une insuffisance de communication. « Le bilan est bien là mais il est vrai que nous avons mal et parfois même trop peu communiqué » a-t-il assuré à Nicole Mari.
Concernant oser, trancher et prioriser. François Martinetti, n’a vraiment franchi le Rubicon ni à la tribune, ni face aux médias. La seule mention d’une volonté réelle d’oser, a été l’annonce de la création de Femu Ghjuventù devant permettre à des militants de 16 à 35 ans de s’organiser et, comme l’a précisé leur responsable Jean-Baptiste Geronimi, de disposer d’un espace pour « s’exprimer et agir » et pour « apporte un regard neuf et de nouvelles idées ».
Pour ce qui est de l’action de la Collectivité de Corse, il a certes préconisé d’aller plus vite et plus loin sur des priorités (langue corse, foncier, logement, social, culture, mobilité…) mais sans préciser en quoi consisteraient les accélérateurs et quelles seraient les étapes et les destinations.
Message : on a bien fait, on fera mieux. François Martinetti est d’ailleurs aussi resté au bord du gué pour ce qui est des affaires électorales, et plus particulièrement celle concernant Bastia. Pour définir ce que devrait être le socle programmatique de listes à dominante Femu a Corsica ou intégrant des militants ou sympathisants du parti, il a répondu à Nicole Mari que pour l’heure, aussi bien pour les élections municipales que pour les élections territoriales « aucune stratégie n’est encore actée » et avancé un très généraliste et vague exigence : « Nous ferons primer en permanence les intérêts matériels et moraux du peuple Corse ». Pour ce qui est de Bastia, la retenue de François Martinetti a cependant laissé apparaître matière à rendre inquiet et nerveux le maire sortant. En effet, le secrétaire national de Femu a Corsica, en indiquant l’existence possible « d’autres velléités de candidature » et en lâchant « un débat militant s’ouvrira et dira qui sera le candidat de Femu » a confirmé, ce qui était ressorti d’une prise de position de Gilles Simeoni, que Pierre Savelli est sur la sellette.
Sniper en service commandé
François Martinetti n’a lâché les chevaux que pour viser et flinguer Jean-Christophe Angelini et le Partitu di a Nazione Corsa (PNC). En effet, en abordant avec ses interlocuteurs des médias la question de l’aggiornamento du nationalisme, il n’a pas fait dans la dentelle. Il les a accusés de copiner et de vouloir aller au combat électoral avec « les pires ennemis du nationalisme corse », « les amis de la France la plus rétrograde au monde et la plus opposée à toute évolution institutionnelle de la Corse » et « les amis de la CFR et des officines ». Il leur a reproché de faire dans « les soupes électorales », « les alternatives de bric et de broc » et « les attelages » qui « ne mènent à rien ». Maladresse, cela semble très improbable. Si c’était le cas, cela confinerait à la bêtise crasse.
La réalité est sans doute qu’il a agi en sniper avec l’accord des principaux responsables et élus de Femu a Corsica. Pourquoi ces attaques brutales et injurieuses ? Sans doute pour deux raisons majeures : tenter d’exploiter le fait que, constatant que le nationalisme n’est pas électoralement majoritaire, Jean-Christophe Angelini et le PNC, comme l’a d’ailleurs fait Gilles Simeoni en 2014 lors des élections municipales de Bastia et lors des trois dernières élections territoriales, tentent de constituer une force alternative comprenant des personnalités ou des groupes non nationalistes dont certains ne sont guère appréciés par une partie des bases militantes et des sympathisants et électeurs nationalistes ; faire oublier ou noyer par une polémique les récentes critiques argumentés et impactantes du groupe Avanzemu-PNC contre la gestion siméoniste de la Collectivité de Corse en usant du théorème de feu Charles Pasqua : « Quand on est emmerdé par une affaire il faut susciter une affaire dans l’affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire de l’affaire, jusqu’à ce que personne n’y comprenne rien. »
Pierre Corsi
Crédit photos : Femu a Corsica