Municipales de Bastia : l'offensive de la jeune garde
Le collectif Via Citadina a certes pour projet d'investir le terrain électoral bastiais.
Municipales de Bastia : l’offensive de la jeune garde
Le collectif Via Citadina a certes pour projet d’investir le terrain électoral bastiais. Mais pas que. En effet, il se veut porteur et propagateur d’une démarche globale associant intransigeance éthique et exigences politiques fortes.
À moins d’un an des élections municipales, à Bastia, ça bouge à gauche. Le parti communiste fait part de sa volonté de participer à la construction d’une liste de gauche pour « tourner la page de dix années de reculs sociaux », « rompre avec dix années de gestion libérale », « redonner une perspective à ceux qui souffrent du mal-logement, de la pauvreté et de la vie chère », « faire barrage à l’extrême droite ». C’est le message que délivrent, depuis le début de ce mois, Michel Stefani, le secrétaire régional du parti, et les militants. Depuis quelques jours, un collectif citoyen se réclamant de la gauche vient de voir le jour : Via Citadina. Son projet politique, concernant Bastia et aussi un cadre plus large, est exposé dans une Charte des valeurs qui annonce d’ailleurs la couleur, par la coloration de ses six pages et de son logo : du vert suggérant l’écologie, du rose tirant vers le rouge pour le positionnement clairement à gauche mais selon une démarche apaisée, un peu d’orange aussi, peut-être pour signifier une volonté de démarche citoyenne (clin d’œil à la révolution orange ukrainienne de 2004 qui a déstabilisé et mis à terre le pouvoir pro-russe qui avait été instauré après l’éclatement de l’URSS par des oligarques post-soviétiques ?
Mais qui incarne Via Citadina ? Une récente conférence presse tenue dans l’enceinte de la citadelle de Bastia, l’a révélé. Entourés de quelques militants : Sacha Bastelica et Carla Vinciguerra. Pas des inconnus ! Lors des dernières élections législatives, ils ont été les candidats de la gauche dans la première circonscription de Haute-Corse, et donc notamment à Bastia. Pas des marginaux, le résultat réalisé, 8,89 %, a été plus qu’honorable.
Bastia. Mais pas que.
Via Citadina a certes pour projet d’investir le terrain électoral bastiais. Mais pas que. En effet, il se veut porteur et propagateur d’une démarche globale associant intransigeance éthique et exigences politiques fortes : garantir la justice sociale et territoriale (en faisant participer les habitants au choix des projets) ; lutter contre la mafia et surtout ce qui constitue le vivier de la criminalité organisée (notamment les gestions opaques, les détournements financiers et la corruption) ; donner le pouvoir de représentation et de décision aux citoyens quels que soient leurs niveaux sociaux ; abolir les privilèges de la classe politique (notamment en limitant à deux les mandats et empêchant le cumul d’indemnités) ; émanciper de la pauvreté (en luttant contre ses causes et réorganisant les systèmes d’aide afin de libérer les ayant-droits du clientélisme et de la charité) ; lutter contre les inégalités à l’école (gratuité de la cantine et des fournitures scolaires de base, soutien scolaire) ; soutenir les parents isolés (places de crèches, aides et accompagnements spécifiques) ; garantir le droit au logement décent et non énergivore (action pour réduire le nombre de meublés touristiques, aide à la rénovation thermique, encadrement des loyers, interdiction de construire de nouvelles résidence secondaires) ; instaurer un plan de santé publique. Via Citadina affirme aussi sa sensibilité à la défense des spécificités et des différences : lutter pour la valorisation de la langue et de la culture corses (notamment avec la création d’établissements immersifs) ; préparer une cité résiliente (gestion durable de l’eau, agriculture urbaine populaire) ; combattre toutes les formes de discrimination et de stigmatisation.
Agréger autour d’un projet
Via Citadina n’a pas vocation à être un club de réflexion. Ses membres entendent investir le terrain politique et électoral pour diffuser leur message et convaincre. D’où leur volonté que la gauche puisse être représentée à Bastia lors des prochaines élections municipales et ne fasse pas de la figuration. Carla Vinciguerra a été claire : « Nous avons créé ce collectif parce qu’à l’occasion des élections législatives, une dynamique s'est créée. » Et de citer l’apport de militants de gauche et écologistes et d’ajouter : « Les programmes se ressemblent à Bastia. Ce sont des programmes de droite, d'extrême droite ou nationalistes. Ils ne répondent pas aux attentes de la plupart des citoyens. » Via Citadina a des ambitions et ne le cache pas.
Le collectif veut incarner un renouveau politique fondé sur un projet collectif, démocratique, social, sociétal, culturel, écologique et rejetant tous les clanismes, et favoriser l’agrégation du plus grand nombre autour des valeurs et des propositions dudit projet. La Charte précise d’ailleurs les règles et les modalités d’un tel rassemblement : s’engager à défendre les valeurs et les objectifs du collectif ; travailler avec les autres membres du collectif ; se porter candidat sous les couleurs du collectif lors des échéances électorales ; transparence concernant ses engagements politiques existants ; agir pour l’intérêt général ; participer à la vie du collectif (réunions, actions, groupes de travail…) Sacha Bastelica a précisé : « Dans la perspective des élections municipales, pas obligatoire pour nous rejoindre d'être de gauche […] Nous proposons aux citoyens de participer à l'élaboration d’un programme pour construire une ville pour tous, la ville de demain […] Nous voulons faire de la politique autrement. J’ajoute que contrairement à d(autres démarches, nous n’entendons pas nous inscrire dans un Tous contre la mairie ».
Tracer durablement un chemin à gauche
Que conclure et qu’en conclure ? Les militantes et militants de Via Citadina ne viennent donc pas de nulle part et n’aspirent pas à se faire leaders ou donneurs de leçons, même s’ils revendiquent une originalité de la démarche et affichent et affirment des convictions, des valeurs et des orientations politiques fortes. En revanche, ils savent qu’ils veulent construire et ce qu’ils veulent construire. Comme Sacha Bastelica l’avait exprimé à l’issue de la campagne des élections législatives, ils s’emploient à tracer durablement un chemin à gauche. La gauche traditionnelle corse pourra difficilement ignorer leur fougue militante et leur message fort car ils sont la jeune garde qui passe à l’offensive. Cette gauche qui se reconnaît encore dans les anciens partis, serait donc bien inspirée de s’inscrire dans le mouvement qui, lors de la campagne des élections législatives, encore timidement certes mais aussi réellement, a fait que ses instances se sont un peu plus ouvertes aux idées des jeunes générations. Quant aux partis nationalistes, ils auraient tort de ne pas prendre en compte la force militante et idéologique de Via Citadina car elle est ouverte aux évolutions institutionnelles et est en mesure de capter et porter les aspirations d’une partie non négligeable de la jeunesse de l’île. Durant la campagne, Sacha Bastelica avait d’ailleurs déjà déclaré : « Si vous élisez un député Front Populaire, vous aurez quelqu’un qui pourra influencer de l’intérieur la base idéologique républicaine, jacobine, hostile à la poursuite des négociations institutionnelles pour la Corse ».Toutefois lui et les autre ont aussi exprimé l’exigence que l’autonomie soit porteuse de progrès social :« Nous défendons une autonomie par le haut et par le bas, avec des gages sociaux. » .
Pierre Corsi
Photo :Via Citadina / JDC