Chronique judiciaire : Procés d'Antoine Pietri
Un village, un assassinat, des "on dit" et un acquittement
Procès d’Antoine Pietri : Un village, un assassinat, des « on-dit » et un acquittement
La semaine dernière a été marquée par le procès d’Antoine Pietri. Dès lundi, la Cour d’Assises de Corse-du-Sud a entrepris de juger ce jeune berger accusé de l’assassinat d’un élu en 2017 à Soccia. Samedi,le verdict est tombé : après 3 ans passés derrière les barreaux, Antoine Pietri a été acquitté. Une peine de 25 ans de réclusion criminelle avait été requise. Retour sur les points forts de ces six journées d’audience.
Rappel des faits
4 novembre 2017 : Le corps sans vie de Patrick Julien est retrouvé aux alentours de 17h
sur un terrain situé sur la commune de Soccia. L’homme de 52 ans a été abattu au volant
de son tractopelle. Patrick Julien était à la fois adjoint au maire de Soccia, gérant d’une
société de BTP et président de l’Association foncière pastorale locale(AFP)
5 novembre 2017 : Antoine Pietri est interpellé et placé en garde à vue. Selon plusieurs
témoins, il aurait eu une violente altercation avec la victime une semaine avant les faits.
Il est mis examen pour assassinat. Il nie toute implication et fera par la suite deux grèves
de la faim et de la soif pour dénoncer une instruction uniquement à charge.
14 décembre 2020 : Ouverture du procès d’Antoine Pietri devant la Cour d’Assises
de Corse-du-Sud.
La personnalité d’Antoine Pietri
Ses cheveux longs noirs et bouclés et sa chemise de la même couleur accentuent son visage pâle et juvénile. À son arrivée dans la salle d’audience, Antoine Pietri paraît bien plus jeune que son âge. Pour faciliter les échanges, difficilement audibles en raison du port du masque, il comparaitra en dehors du box vitré habituellement réservé aux détenus.
Dès le premier jour, les débats se sont concentrés sur la personnalité de l’accusé, qui avait 27 ans au moments des faits. C’est à 19 ans qu’il décide de quitter la région parisienne pour rejoindre la Corse, plus précisément le village de Soccia dont son père est originaire et dans lequel il se rend chaque été.
Il devient alors berger, vit au milieu de ses chèvres, construit sa bergerie. « Ce côté « nature » est un peu décalé et me rend peut-être particulier comparé à la norme », glisse-t-il. Il revient sur son projet de voyage à cheval en direction de la Mongolie, qu’il ne mènera pas jusqu’au bout « ayant l’impression d’avoir abandonné les siens. » Il évoque son enfance qu’il qualifie « d’heureuse » entouré de son frère, sa soeur et ses parents avec qui il entretient une « relation fusionnelle ».
À la barre, les témoins se succèdent.
Son ancien patron décrit un garçon « très intelligent, respectueux, bosseur, qui ne s’est jamais emporté. » Durant toute la semaine, ses proches dresseront le portrait d’un « gentil garçon », « peu rancunier » et « bienveillant ».
Les experts, quant à eux, décrivent une personnalité plutôt calme et sensée : « Il peut être débordé par ses émotions mais il sait se réguler rapidement. En d’autres termes, s’il avait du péter les plombs, cela aurait été pendant la discussion, à chaud », analyse le psychologue, avant de souligner un QI largement supérieur à la moyenne, le qualifiant de « surdoué ». « Je ne devrais pas le dire car c’est un constat humain mais il ne donne pas l’impression de pouvoir faire preuve de tant de violence », indique à son tour l’expert psychiatre. Pour la partie civile, ces descriptions ne démontrent rien. « Il ne présente pas un terrain favorable à la commission d’un tel crime, mais ça n’en exclu pas la possibilité », affirme Me Stéphane Nesa.
Le jour des faits
Ce 4 novembre 2017, en début d’après-midi, Antoine Pietri est vu par plusieurs personnes à Orto, un village proche de Soccia dans lequel se déroule la traditionnelle fête des bastelle.
Toutefois, personne n’est en mesure de dire précisément l’heure à laquelle heure il a quitté les lieux. « Aux alentours de 15 h » pour certains, « 15h30 » pour d’autres. L’accusé, lui, affirme être parti de la fête vers 16h, après y avoir passé une partie de l’après-midi. « Mais c’est approximatif, car je ne vis pas avec les horaires », précise-t-il néanmoins. Les habitants du village défilent à la barre, et la forme passive est souvent de mise : « J’ai entendu dans le village qu’Antoine avait commis les faits », « On m’a dit des choses sur lui » , « Il parait que c’était quelqu’un d’étrange, de bizarre ». Des déclarations devant lesquelles s’insurge Me Paul Sollacaro, en défense « Un dossier basé sur des rumeurs, des on-dit, des commérages ? Mais quelle honte ! Le murmure est devenu rumeur, et celle-ci une piste d’enquête. » Les dépositions des témoins oscillent entre incohérences et certitudes. Par exemple, il y a cette femme qui pense voir le jeune berger au même endroit, à la même heure dans deux véhicules différents. Il y a aussi cet homme, qui se dit à cheval sur les horaires et qui est catégorique : Il a vu Antoine Pietri « une première fois à 16 h 05 à l’entrée de Soccia puis à 17 h 05 à Poggiolo, situé à 5 minutes de Soccia »
Le décès de Patrick Julien est estimé par les enquêteurs entre 15 h 15 et 16 h 15.
Une tranche horaire pendant laquelle personne ne sait où était Antoine Pietri.
Une altercation comme mobile
Six jours avant les faits, une « altercation » a eu lieu entre Antoine Pietri et Patrick Julien au sujet du terrain sur lequel la victime sera assassinée. Lors de sa déposition, l’ex-femme de ce dernier déclare : « Patrick m’avait fait part de son inquiétude à la suite de cette virulente altercation avec Antoine. Il m’a dit que ce dernier avait été menaçant et belliqueux.»
L’inquiétude de Patrick Julien est confirmée par la mère de celui-ci : « Lorsqu’il est arrivé chez moi, il était soucieux. Il a passé un coup de fil à un ami à lui. Il lui a dit : « Ça a été chaud avec Antoine. » » La défense indique que les relevés téléphonique ne font état d’aucun appel, affirmant qu’il n’aurait « jamais existé.»
Entre deux sanglots, cette mère se remémore les souvenirs avec son fils : « On parlait de tout : de littérature, de musique, de politique… Aujourd’hui, je n’ai plus Patrick pour partager ces moments. » Émue aux larmes, elle se remémore ce jour du 4 novembre, lorsqu’elle s’estrendue sur le lieu de l’assassinat. : « J’ai demandé à pouvoir lui toucher la jambe. Pas le visage, parce-que bon… je savais que… mais juste la jambe, pour pouvoir le toucher une dernière fois. » Antoine Pietri tente d’expliquer ce qu’il qualifie « comme une discussion et non une dispute » : « Je voulais créer ma bergerie sur ce terrain.
Mais Patrick Julien m’avait dit qu’il ne voulait plus de bêtes dans le village. J’apprends par la suite qu’il va y avoir un enclos à cochon. J’ai simplement voulu comprendre la logique des choses », déclare le jeune berger. « Lorsque je suis arrivé, j’étais énervé. Patrick Julien m’a parlé calmement, la tension est vite retombée. Il n’y a eu aucune violence, aucune insulte et aucune menace. »
Pour contrer ce récit et démontrer la culpabilité de l’accusé, la partie civile met en avant les charges qui pèsent contre Antoine Pietri. Parmi l’une d’elles, celle qui fait office en général de preuve irréfutable : l’ADN.
Les éléments à charge
Dans le 4x4 d’Antoine Pietri, un fusil à pompe lui appartenant est trouvé à l’arrière avec deux types de munitions qui pourraient correspondre à celles utilisées pour l’assassinat. Deux étuis portant une trace d'ADN du berger ont également été trouvés sur le lieu du crime. « Il n'y a aucune raison que mes cartouches se retrouvent sur la scène de crime », se défend le trentenaire. Il tente cependant d’en justifier la présence, et indique qu'il se rendait régulièrement sur ce terrain avec ses chèvres et qu'il avait pu « tirer en l’air » quelques jours avant pour mieux diriger son troupeau. Autre élément à charge : les particules de résidus de tir retrouvées sur le tee-shirt qu’il portait le jour de l’assassinat. L’expert balistique explique que « ces résidus peuvent provenir d’une exposition directe mais également d’un contact avec un objet contaminé. » C’est cette seconde hypothèse que tente d’accréditer Antoine Pietri : « Je tire assez régulièrement.
On peut retrouver des particules de tir sur de nombreuses affaires à moi. » L’occasion pour la défense de dénoncer ce qu’elle considère comme l’une des failles de l’enquête. « Des pistes non explorées », comme celle de Monsieur C., qui aurait envoyé plusieurs dizaines de textos menaçants à Patrick Julien. « Son domicile principal n’a même pas été perquisitionné. Ça nous vous inquiète pas qu’il soit expertisé comme étant bipolaire avec risque de réitération? », s’emporte Me Anne-Marie Sollacaro. «Et cet utilitaire blanc, aperçu ce jour là par plusieurs témoins qui ne parviennent pas à identifier le conducteur? Qu’en est-il ?
« Il y a les ennemis auxquels on pense, et ceux auxquels on ne pense pas et qui sont les plus dangereux »
Avec des mots justes et touchants, Me Dominique Paolini se remémore « ce garçon transi d’effroi lors de sa garde à vue » , ce même garçon « à qui on a même reproché son voyage en Mongolie, tandis qu’il voulait simplement voir d’autres cultures, élargir son esprit. » Il regarde son client, s’adressant directement à lui : « Tu n’as pas été au bout de ce voyage, certes. Mais peut-être qu’un jour tu y arriveras. Nous, on va tout faire pour t’y aider. » La défense insiste sur le doute raisonnable qui doit profiter à l’accusé : « C’est mal connaitre la Corse que de penser qu’un dernier conflit est la piste principale à étudier. C’est une terre maudite, une terre remplie de vieilles rancunes et de rancoeurs qui tuent au moment propice. Il y a les ennemis auxquels on pense, et ceux auxquels on ne pense pas et qui sont les plus dangereux », plaide Me Paul Sollacaro.
Après trois heures de délibération, la Cour rend son verdict. « À la question « Antoine Pietri est-il coupable d'avoir volontairement donné la mort à Patrick Julien », il a été répondu non », indique la présidente. Le jeune berger est acquitté. La famille de Patrick Julien quitte les lieux sans esclandres, avec la même dignité dont ils ont fait preuve depuis le début du procès. Me Anna Maria Sollacaro, à la fin de sa plaidoirie, s’était adressée à eux : « Vous aussi, vous avez le droit de savoir.
Je sais à quel point la question « Pourquoi? » est importante, et à quel point elle fait mal. » À l’annonce de son acquittement et pour la première fois depuis l’ouverture des débats, un sourire éclaira le visage juvénile d’Antoine Pietri.
La semaine dernière a été marquée par le procès d’Antoine Pietri. Dès lundi, la Cour d’Assises de Corse-du-Sud a entrepris de juger ce jeune berger accusé de l’assassinat d’un élu en 2017 à Soccia. Samedi,le verdict est tombé : après 3 ans passés derrière les barreaux, Antoine Pietri a été acquitté. Une peine de 25 ans de réclusion criminelle avait été requise. Retour sur les points forts de ces six journées d’audience.
Rappel des faits
4 novembre 2017 : Le corps sans vie de Patrick Julien est retrouvé aux alentours de 17h
sur un terrain situé sur la commune de Soccia. L’homme de 52 ans a été abattu au volant
de son tractopelle. Patrick Julien était à la fois adjoint au maire de Soccia, gérant d’une
société de BTP et président de l’Association foncière pastorale locale(AFP)
5 novembre 2017 : Antoine Pietri est interpellé et placé en garde à vue. Selon plusieurs
témoins, il aurait eu une violente altercation avec la victime une semaine avant les faits.
Il est mis examen pour assassinat. Il nie toute implication et fera par la suite deux grèves
de la faim et de la soif pour dénoncer une instruction uniquement à charge.
14 décembre 2020 : Ouverture du procès d’Antoine Pietri devant la Cour d’Assises
de Corse-du-Sud.
La personnalité d’Antoine Pietri
Ses cheveux longs noirs et bouclés et sa chemise de la même couleur accentuent son visage pâle et juvénile. À son arrivée dans la salle d’audience, Antoine Pietri paraît bien plus jeune que son âge. Pour faciliter les échanges, difficilement audibles en raison du port du masque, il comparaitra en dehors du box vitré habituellement réservé aux détenus.
Dès le premier jour, les débats se sont concentrés sur la personnalité de l’accusé, qui avait 27 ans au moments des faits. C’est à 19 ans qu’il décide de quitter la région parisienne pour rejoindre la Corse, plus précisément le village de Soccia dont son père est originaire et dans lequel il se rend chaque été.
Il devient alors berger, vit au milieu de ses chèvres, construit sa bergerie. « Ce côté « nature » est un peu décalé et me rend peut-être particulier comparé à la norme », glisse-t-il. Il revient sur son projet de voyage à cheval en direction de la Mongolie, qu’il ne mènera pas jusqu’au bout « ayant l’impression d’avoir abandonné les siens. » Il évoque son enfance qu’il qualifie « d’heureuse » entouré de son frère, sa soeur et ses parents avec qui il entretient une « relation fusionnelle ».
À la barre, les témoins se succèdent.
Son ancien patron décrit un garçon « très intelligent, respectueux, bosseur, qui ne s’est jamais emporté. » Durant toute la semaine, ses proches dresseront le portrait d’un « gentil garçon », « peu rancunier » et « bienveillant ».
Les experts, quant à eux, décrivent une personnalité plutôt calme et sensée : « Il peut être débordé par ses émotions mais il sait se réguler rapidement. En d’autres termes, s’il avait du péter les plombs, cela aurait été pendant la discussion, à chaud », analyse le psychologue, avant de souligner un QI largement supérieur à la moyenne, le qualifiant de « surdoué ». « Je ne devrais pas le dire car c’est un constat humain mais il ne donne pas l’impression de pouvoir faire preuve de tant de violence », indique à son tour l’expert psychiatre. Pour la partie civile, ces descriptions ne démontrent rien. « Il ne présente pas un terrain favorable à la commission d’un tel crime, mais ça n’en exclu pas la possibilité », affirme Me Stéphane Nesa.
Le jour des faits
Ce 4 novembre 2017, en début d’après-midi, Antoine Pietri est vu par plusieurs personnes à Orto, un village proche de Soccia dans lequel se déroule la traditionnelle fête des bastelle.
Toutefois, personne n’est en mesure de dire précisément l’heure à laquelle heure il a quitté les lieux. « Aux alentours de 15 h » pour certains, « 15h30 » pour d’autres. L’accusé, lui, affirme être parti de la fête vers 16h, après y avoir passé une partie de l’après-midi. « Mais c’est approximatif, car je ne vis pas avec les horaires », précise-t-il néanmoins. Les habitants du village défilent à la barre, et la forme passive est souvent de mise : « J’ai entendu dans le village qu’Antoine avait commis les faits », « On m’a dit des choses sur lui » , « Il parait que c’était quelqu’un d’étrange, de bizarre ». Des déclarations devant lesquelles s’insurge Me Paul Sollacaro, en défense « Un dossier basé sur des rumeurs, des on-dit, des commérages ? Mais quelle honte ! Le murmure est devenu rumeur, et celle-ci une piste d’enquête. » Les dépositions des témoins oscillent entre incohérences et certitudes. Par exemple, il y a cette femme qui pense voir le jeune berger au même endroit, à la même heure dans deux véhicules différents. Il y a aussi cet homme, qui se dit à cheval sur les horaires et qui est catégorique : Il a vu Antoine Pietri « une première fois à 16 h 05 à l’entrée de Soccia puis à 17 h 05 à Poggiolo, situé à 5 minutes de Soccia »
Le décès de Patrick Julien est estimé par les enquêteurs entre 15 h 15 et 16 h 15.
Une tranche horaire pendant laquelle personne ne sait où était Antoine Pietri.
Une altercation comme mobile
Six jours avant les faits, une « altercation » a eu lieu entre Antoine Pietri et Patrick Julien au sujet du terrain sur lequel la victime sera assassinée. Lors de sa déposition, l’ex-femme de ce dernier déclare : « Patrick m’avait fait part de son inquiétude à la suite de cette virulente altercation avec Antoine. Il m’a dit que ce dernier avait été menaçant et belliqueux.»
L’inquiétude de Patrick Julien est confirmée par la mère de celui-ci : « Lorsqu’il est arrivé chez moi, il était soucieux. Il a passé un coup de fil à un ami à lui. Il lui a dit : « Ça a été chaud avec Antoine. » » La défense indique que les relevés téléphonique ne font état d’aucun appel, affirmant qu’il n’aurait « jamais existé.»
Entre deux sanglots, cette mère se remémore les souvenirs avec son fils : « On parlait de tout : de littérature, de musique, de politique… Aujourd’hui, je n’ai plus Patrick pour partager ces moments. » Émue aux larmes, elle se remémore ce jour du 4 novembre, lorsqu’elle s’estrendue sur le lieu de l’assassinat. : « J’ai demandé à pouvoir lui toucher la jambe. Pas le visage, parce-que bon… je savais que… mais juste la jambe, pour pouvoir le toucher une dernière fois. » Antoine Pietri tente d’expliquer ce qu’il qualifie « comme une discussion et non une dispute » : « Je voulais créer ma bergerie sur ce terrain.
Mais Patrick Julien m’avait dit qu’il ne voulait plus de bêtes dans le village. J’apprends par la suite qu’il va y avoir un enclos à cochon. J’ai simplement voulu comprendre la logique des choses », déclare le jeune berger. « Lorsque je suis arrivé, j’étais énervé. Patrick Julien m’a parlé calmement, la tension est vite retombée. Il n’y a eu aucune violence, aucune insulte et aucune menace. »
Pour contrer ce récit et démontrer la culpabilité de l’accusé, la partie civile met en avant les charges qui pèsent contre Antoine Pietri. Parmi l’une d’elles, celle qui fait office en général de preuve irréfutable : l’ADN.
Les éléments à charge
Dans le 4x4 d’Antoine Pietri, un fusil à pompe lui appartenant est trouvé à l’arrière avec deux types de munitions qui pourraient correspondre à celles utilisées pour l’assassinat. Deux étuis portant une trace d'ADN du berger ont également été trouvés sur le lieu du crime. « Il n'y a aucune raison que mes cartouches se retrouvent sur la scène de crime », se défend le trentenaire. Il tente cependant d’en justifier la présence, et indique qu'il se rendait régulièrement sur ce terrain avec ses chèvres et qu'il avait pu « tirer en l’air » quelques jours avant pour mieux diriger son troupeau. Autre élément à charge : les particules de résidus de tir retrouvées sur le tee-shirt qu’il portait le jour de l’assassinat. L’expert balistique explique que « ces résidus peuvent provenir d’une exposition directe mais également d’un contact avec un objet contaminé. » C’est cette seconde hypothèse que tente d’accréditer Antoine Pietri : « Je tire assez régulièrement.
On peut retrouver des particules de tir sur de nombreuses affaires à moi. » L’occasion pour la défense de dénoncer ce qu’elle considère comme l’une des failles de l’enquête. « Des pistes non explorées », comme celle de Monsieur C., qui aurait envoyé plusieurs dizaines de textos menaçants à Patrick Julien. « Son domicile principal n’a même pas été perquisitionné. Ça nous vous inquiète pas qu’il soit expertisé comme étant bipolaire avec risque de réitération? », s’emporte Me Anne-Marie Sollacaro. «Et cet utilitaire blanc, aperçu ce jour là par plusieurs témoins qui ne parviennent pas à identifier le conducteur? Qu’en est-il ?
« Il y a les ennemis auxquels on pense, et ceux auxquels on ne pense pas et qui sont les plus dangereux »
Avec des mots justes et touchants, Me Dominique Paolini se remémore « ce garçon transi d’effroi lors de sa garde à vue » , ce même garçon « à qui on a même reproché son voyage en Mongolie, tandis qu’il voulait simplement voir d’autres cultures, élargir son esprit. » Il regarde son client, s’adressant directement à lui : « Tu n’as pas été au bout de ce voyage, certes. Mais peut-être qu’un jour tu y arriveras. Nous, on va tout faire pour t’y aider. » La défense insiste sur le doute raisonnable qui doit profiter à l’accusé : « C’est mal connaitre la Corse que de penser qu’un dernier conflit est la piste principale à étudier. C’est une terre maudite, une terre remplie de vieilles rancunes et de rancoeurs qui tuent au moment propice. Il y a les ennemis auxquels on pense, et ceux auxquels on ne pense pas et qui sont les plus dangereux », plaide Me Paul Sollacaro.
Après trois heures de délibération, la Cour rend son verdict. « À la question « Antoine Pietri est-il coupable d'avoir volontairement donné la mort à Patrick Julien », il a été répondu non », indique la présidente. Le jeune berger est acquitté. La famille de Patrick Julien quitte les lieux sans esclandres, avec la même dignité dont ils ont fait preuve depuis le début du procès. Me Anna Maria Sollacaro, à la fin de sa plaidoirie, s’était adressée à eux : « Vous aussi, vous avez le droit de savoir.
Je sais à quel point la question « Pourquoi? » est importante, et à quel point elle fait mal. » À l’annonce de son acquittement et pour la première fois depuis l’ouverture des débats, un sourire éclaira le visage juvénile d’Antoine Pietri.