• Le doyen de la presse Européenne

Faut-il un vaccin contre les mots ?

Ne soyons pas ceux du mensonge et de la lâcheté.
Faut-il un vaccin contre les mots ?

Les personnes de ma génération n’ont pas oublié le départ calamiteux de Richard Nixon de la Maison Blanche et l’arrivée subséquente de son vice-président Gerald Ford à la magistrature suprême, c’est à dire le bureau ovale
.

La juxtaposition des images n’est pas fortuite. Magistrature suprême, voilà qui parle aux français, incorrigibles monarchistes pour qui l’usage des mots garde une fonction magique éminemment sacramentelle.

Les américains, quant à eux, préfèrent la métaphore du bureau ovale qui leur rappelle sans doute le sport dont ils sont friands, le football américain, cousin du rugby. Ainsi, le mot se fait-il chair.

Ce Gerald Ford est entré dans la légende en trébuchant, tandis qu’il descendait la passerelle du Boeing Air Force One. Le Président avait raté la marche. Vrai Poulidor des exercices périlleux, Emmanuel Macron vient de rater la sienne, à la traîne toujours, même dans les désastres. Et l’on retrouve à cette occasion le vrai pouvoir des mots, tel qu’évoqué précédemment, avec leur magie. Magie noire peut-être? Parmi les signes qui témoignent du recours au sacré de l’incantation, au besoin du sacré, voilà venir en majesté la religion du vocable.
Moins le mot signifie, plus il commande. Il n’y a guère d’autre explication, du reste, à ce que les éclopés se donnent ainsi des airs de sauveurs. La tradition, au sens latin du terme, tradere, signifie porter et transmettre. Le langage nous vient quant à lui du grec logos qui veut dire la parole.
Or les paroles sont vides, quoique majestueuses, et la tradition du pouvoir ne porte plus que du vent.

Quelle réussite !

A force d’ordre moral et de paroles convenues, que l’on nomme en charabia du jour « politiquement correct », on a fini par vider les mots de toute substance et contraint les citoyens à s’agenouiller devant eux comme des idoles défuntes: on doit respecter les minorités, éviter de nommer les agresseurs, refuser d’identifier l’ennemi qui nous oppresse et n’utiliser que les définitions qui nous sont permises.
Plus de gâteaux tête de nègre, pas de fanatiques musulmans ; tous ces mots sont interdits comme du fil de fer barbelé.
Mais on a le droit et même le devoir d’insulter le Président des Etats-Unis d’Amérique et même de lui couper le sifflet.

L’homme d’aujourd’hui honore la mixité, les cultures minoritaires, et les pouvoirs publics qui les défendent.
Qu’un peuple, dont les quarante rois ont en mille ans fait la France, s’abaisse à ces enfantillages, est incroyable et suggère l’éventualité d’un hypnotisme collectif de grande envergure.

L’image d’un Président se cassant la figure dans un escalier, évoquée plus haut, m’est apparue significative.
C’est bien là la situation du jour, et cela concerne tous les citoyens de ce pays, quelles que soient leurs opinions. Il suffit de descendre se promener dans une rue de quelque ville ou village, je dirais même de quelque pays d ‘Europe où nous vivons pour mesurer la dégringolade. A n’en pas douter, la situation présente ne répond à rien de ce que nous avons appris dans nos jeunes années.

Il faut s’en doute s’y faire.
Mais pourquoi s’y complaire ?
Je gage qu’en débarbouillant notre esprit avec quelque vigueur de l’écrasé de mots qui l’asphyxie, il saura discerner rapidement les contours du réel. Il y a urgence à effectuer cette indispensable toilette. Comme un corps maculé par la crasse et la brenne, le vocabulaire d’aujourd’hui nécessite la douche.
Pas forcément la douche alternée, chaud-froid, qu’on utilisait chez le docteur Blanche , aux bons soins du traitement des fous à l’époque malheureuse ou la syphilis faisait des ravages dans les rangs des poètes et des écrivains, tels Nerval et Maupassant , mais la vraie douche qui clarifie, que l’on appelle la vérité. Parlons vrai, disons vrai. Traitons le mot pour ce qu’il est : un serviteur. Alors que je donnais à réparer un cabriolet anglais à tel ébéniste de ma connaissance, au vu des précautions qu’il me voyait prendre avec cet objet, l’artisan me dit : - Monsieur, ce siège est votre esclave, ne soyez pas le sien ! - Comme il avait raison !

- Qu’as-tu fait de tes idées ?- a dit Méphistophélès (le diable) au docteur Faust, - j’en ai fait mes esclaves- répondit ce dernier.
Ne soyons pas ceux du mensonge et de la lâcheté.


Jean-François Marchi




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