Charlotte Arrighi de Casanova " La passion selon Marie "
" La passion selon Marie ", une pièce écrite et mise en scène par Charlotte Arrighi de Casanova
« La Passion selon Marie »
« La Passion selon Marie », une pièce écrite et mise en scène par Charlotte Arrighi de Casanova.
Un projet de de femmes par « A Funicella », une compagnie théâtrale de femmes.
Cette Passion - là entremêle mythe contemporain et mythe immortel. Sort commun au féminin et idéalisation religieuse de la Vierge Marie telle que la veut la tradition chrétienne.
La Passion ainsi que la vit la Vierge Marie est synonyme d’acceptation douloureuse de la volonté divine qui lui impose la mise à mort de son fils. La Passion vécue par Marie, le personnage principal de la pièce, est aussi l’aboutissement mortifère d’un destin, édicté par une croyance vivace depuis des siècles.
La pièce de théâtre a été inspirée à Charlotte Arrighi de Casanova par la tragédie de Marie Trintignant assassinée par son compagnon, Bertrand Cantat.
Elle, comédienne. Lui, chanteur. Des artistes adorés par toute une génération. Elle, immolée. Lui, condamné, puis peine purgée regagnant la scène. Médias focalisés sur ce revenant… gros titres et dossiers plus spécieux que spéciaux dégageant un arrière-goût peu ragoûtant !
L’affaire posait une nouvelle fois le problème des violences conjugales – on ne parlait pas alors de féminicides ! Pourquoi, comment est-il possible qu’une civilisation se revendiquant des Lumières, des droits humains et des fondements du christianisme manifeste autant de tolérance envers des gestes meurtriers ? Le texte de Charlotte Arrighi de Casanova est dénué d’agressivité.
Il jette un regard sensible et percutant sur l’héritage civilisationnel qui est le nôtre. Pas de mise à l’index du fait religieux dans cette « Passion selon Marie », mais sous-jacente l’illustration d’une réplique de Claudel dans son « Annonce faite à Marie » où ses deux protagonistes, Violaine et Mara, ont des attitudes radicalement opposées : la première soumise, la seconde rejetant toute injonction…
Que l’on croie en Dieu ou non « La Passion selon Marie » montre combien il est dur de se soustraire à une emprise qui prône la docilité des filles. Combien il est compliqué de s’affranchir d’une image établie en dogme et en règle de vie ! Disposer de son entière liberté de choix est un enjeu incontournable pour les femmes et pour chaque individu.
Créée, en 2009, par Charlotte Arrighi de Casanova la compagnie, « A Funicella » pratique un théâtre tout terrain, en abrégé TTT en se produisant dans les plus petits villages de l’île. Outre des créations « A Funicella » propose des performances, des actions de médiation, des ateliers d’écriture, des lectures musicales, des déambulations. L’intitulé de la troupe résume joliment et de façon allègrement tournée son propos et sa démarche : tendre un lien en une discrète et délicate cordelette entre comédiens et public. Entre la scène et la salle.
▪ Photos prises par Christine Bartoli lors des répétitions de la pièce au Théâtre Gérard Philipp
L’équipe
Ecriture et mise en scène : Charlotte Arrigi de Casanova.
Dramaturgie : Chloé Déchery.
Création costumes : Thomas Marini. Lumières : Christine Bartoli.
Musique : Zalfa Seurat.
Avec : Cédric Appietto. Axelle
Bossard. Ombeline de la Teyssonière. Zalfa Seurat. Anne-Laure Tondu.
Dans votre présentation de « La Passion selon Marie » vous parlez de tragédie romantique. Pourquoi romantique ?
Parce que la pièce est un mélange de genres. Elle est tragédie par ses codes et romantique parce qu’elle est aussi une belle histoire d’amour. Elle est le reflet de mes contradictions personnelles avec mon côté midinette et ma façon de vouloir aller au fond des choses.
Cette « Passion » n’a-t-elle pas induit de votre part une difficulté à vous tenir à distance de votre personnag
lorsque vous écriviez le texte ?
Pour ne pas se noyer dans un personnage on utilise des stratégies. On contextualise. A la fin personne ne peut dire ce qui est moi et ce qui ne l’est pas. Mais je peux affirmer que d’un bout à l’autre j’ai été portée par le personnage de Marie ! Mon premier jet a été très instinctif. Ensuite j’ai structuré le texte et j’ai pris du temps pour l’écriture ce qui m’a permis de faire plusieurs versions.
Votre mise en scène est-elle allée de pair avec l’écriture ?
J’ai distingué l’une et l’autre. Mais j’ai refusé de me restreindre et dans l’écriture et dans la mise en scène en m’ouvrant à tous les possibles. Je me suis également posé constamment la question : qu’est-ce que le théâtre permet que n’autorise pas le cinéma ? C’est la magie du mot…
« Je crains que nous soyons en train de vivre la chronique d’une catastrophe annoncée… »
Charlotte Arrighi de Casanova
Le silence joue un rôle important dans la pièce. Ce silence comment le fait-on parler sur une scène ?
Le silence est au point de départ de la pièce. Le silence des assassins qui n’expliquent rien. Le silence de Dieu qui me fait péter les plombs. Le silence de ceux qui ont su et n’ont rien fait… Au théâtre le silence, les non-dits sont durs à mettre en scène ! Ils constituent un véritable pari. Il faut savoir sur quels mots s’arrêter. Moi, mes phrases sont longues pour que les acteurs aillent au bout du bout de leur souffle ce qui débouche sur le silence. C’est là un exercice très physique.
De quelle façon faites-vous cohabiter sur scène Marie, la réelle et la Vierge Marie, le symbole ?
Marie, la réelle, est née sous la protection de la Vierge qui la guide et à laquelle elle s’en remet. La Vierge, quant à elle craque car on lui adresse trop de demandes alors qu’elle ne fait pas de miracle. Entre Marie, la réelle et la Vierge Marie, il n’y a pas de vrais dialogues mais seulement une voix intérieure.
« La Passion selon Marie » décline ce qui se dit, ce qui se vit, ce qui se raconte, ce qui se rêve. Tout est-il sur le même plan ?
On passe d’un espace-temps à un autre. Il y a des choses très réalistes dans ce qui se dit, des choses oniriques dans ce qui se rêve. Le principal est dans ce qui se vit ici et maintenant. L’écriture de la pièce se situe dans la période qui a suivi l’attentat contre « Charlie Hebdo ».
Or, on lie notre histoire individuelle à l’histoire collective contemporaine… Et tout varie : en temps de Covid, ce qui était banal avant, prend une tournure extraordinaire.
Comment Zalfa Seurat, musicienne d’origine libanaise, va-t-elle intervenir dans la pièce ?
Par son physique elle peut incarner toutes les femmes de Méditerranée. Sur scène à partir d’une composition originale elle doit improviser des variations qui seront différentes à chaque représentation. Avoir une musicienne sur scène renforce le côté spectacle vivant.
Le choix de vos interprètes allait-il de soi ?
Je les connais depuis vingt ans. Entre nous c’est comme une famille. Je les ai choisis pour leur métier, leur parcours, leur vie, leur origine…Le rôle de Marie je l’ai écrit en pensant à Anne-Laure Tondu, une excellente comédienne qui joue sous la direction des meilleurs metteurs en scène.
Quels problèmes spécifiques rencontre une compagnie
telle que la vôtre installée en Corse ?
Des problèmes de reconnaissance, de professionnalisation, de diffusion de nos créations à l’extérieur. En revanche la Corse est un lieu intéressant pour faire du théâtre car il y a de l’espace et du temps. On a également la possibilité de s’y diversifier ce qui n’est pas forcément le cas ailleurs. Même si c’est épuisant, on peut toucher à de nombreuses activités en relation avec notre métier. Enfin on dispose d’une grande liberté.
Comment vivez-vous la situation présente ?
Du point de vue individuel c’est très dur. On ne peut qu’être inquiet car on manque totalement de perspectives. Comme beaucoup je suis à la limite du burn-out. Je passe mon temps à programmer, déprogrammer, reprogrammer. Je suis engloutie sous les tâches administratives. Economiquement la compagnie devrait s’en sortir. Mais je suis morte de trouille pour les jeunes qui débutent et pour ceux qui doivent partir à la retraite.
Avez-vous peur de voir disparaitre le spectacle vivant ?
Le risque existe…
Evidemment on doit inventer des formes nouvelles de représentations !... Le public sera-t-il au rendez-vous ! Je crains que nous vivions la chronique d’une catastrophe annoncée.
De l’espoir malgré tout ?
En une tournée d’été tout terrain. Certes en jauge réduite… mais une tournée quand même !
· Propos recueillis par M.A-P
« La Passion selon Marie », une pièce écrite et mise en scène par Charlotte Arrighi de Casanova.
Un projet de de femmes par « A Funicella », une compagnie théâtrale de femmes.
Cette Passion - là entremêle mythe contemporain et mythe immortel. Sort commun au féminin et idéalisation religieuse de la Vierge Marie telle que la veut la tradition chrétienne.
La Passion ainsi que la vit la Vierge Marie est synonyme d’acceptation douloureuse de la volonté divine qui lui impose la mise à mort de son fils. La Passion vécue par Marie, le personnage principal de la pièce, est aussi l’aboutissement mortifère d’un destin, édicté par une croyance vivace depuis des siècles.
La pièce de théâtre a été inspirée à Charlotte Arrighi de Casanova par la tragédie de Marie Trintignant assassinée par son compagnon, Bertrand Cantat.
Elle, comédienne. Lui, chanteur. Des artistes adorés par toute une génération. Elle, immolée. Lui, condamné, puis peine purgée regagnant la scène. Médias focalisés sur ce revenant… gros titres et dossiers plus spécieux que spéciaux dégageant un arrière-goût peu ragoûtant !
L’affaire posait une nouvelle fois le problème des violences conjugales – on ne parlait pas alors de féminicides ! Pourquoi, comment est-il possible qu’une civilisation se revendiquant des Lumières, des droits humains et des fondements du christianisme manifeste autant de tolérance envers des gestes meurtriers ? Le texte de Charlotte Arrighi de Casanova est dénué d’agressivité.
Il jette un regard sensible et percutant sur l’héritage civilisationnel qui est le nôtre. Pas de mise à l’index du fait religieux dans cette « Passion selon Marie », mais sous-jacente l’illustration d’une réplique de Claudel dans son « Annonce faite à Marie » où ses deux protagonistes, Violaine et Mara, ont des attitudes radicalement opposées : la première soumise, la seconde rejetant toute injonction…
Que l’on croie en Dieu ou non « La Passion selon Marie » montre combien il est dur de se soustraire à une emprise qui prône la docilité des filles. Combien il est compliqué de s’affranchir d’une image établie en dogme et en règle de vie ! Disposer de son entière liberté de choix est un enjeu incontournable pour les femmes et pour chaque individu.
Créée, en 2009, par Charlotte Arrighi de Casanova la compagnie, « A Funicella » pratique un théâtre tout terrain, en abrégé TTT en se produisant dans les plus petits villages de l’île. Outre des créations « A Funicella » propose des performances, des actions de médiation, des ateliers d’écriture, des lectures musicales, des déambulations. L’intitulé de la troupe résume joliment et de façon allègrement tournée son propos et sa démarche : tendre un lien en une discrète et délicate cordelette entre comédiens et public. Entre la scène et la salle.
▪ Photos prises par Christine Bartoli lors des répétitions de la pièce au Théâtre Gérard Philipp
L’équipe
Ecriture et mise en scène : Charlotte Arrigi de Casanova.
Dramaturgie : Chloé Déchery.
Création costumes : Thomas Marini. Lumières : Christine Bartoli.
Musique : Zalfa Seurat.
Avec : Cédric Appietto. Axelle
Bossard. Ombeline de la Teyssonière. Zalfa Seurat. Anne-Laure Tondu.
Dans votre présentation de « La Passion selon Marie » vous parlez de tragédie romantique. Pourquoi romantique ?
Parce que la pièce est un mélange de genres. Elle est tragédie par ses codes et romantique parce qu’elle est aussi une belle histoire d’amour. Elle est le reflet de mes contradictions personnelles avec mon côté midinette et ma façon de vouloir aller au fond des choses.
Cette « Passion » n’a-t-elle pas induit de votre part une difficulté à vous tenir à distance de votre personnag
lorsque vous écriviez le texte ?
Pour ne pas se noyer dans un personnage on utilise des stratégies. On contextualise. A la fin personne ne peut dire ce qui est moi et ce qui ne l’est pas. Mais je peux affirmer que d’un bout à l’autre j’ai été portée par le personnage de Marie ! Mon premier jet a été très instinctif. Ensuite j’ai structuré le texte et j’ai pris du temps pour l’écriture ce qui m’a permis de faire plusieurs versions.
Votre mise en scène est-elle allée de pair avec l’écriture ?
J’ai distingué l’une et l’autre. Mais j’ai refusé de me restreindre et dans l’écriture et dans la mise en scène en m’ouvrant à tous les possibles. Je me suis également posé constamment la question : qu’est-ce que le théâtre permet que n’autorise pas le cinéma ? C’est la magie du mot…
« Je crains que nous soyons en train de vivre la chronique d’une catastrophe annoncée… »
Charlotte Arrighi de Casanova
Le silence joue un rôle important dans la pièce. Ce silence comment le fait-on parler sur une scène ?
Le silence est au point de départ de la pièce. Le silence des assassins qui n’expliquent rien. Le silence de Dieu qui me fait péter les plombs. Le silence de ceux qui ont su et n’ont rien fait… Au théâtre le silence, les non-dits sont durs à mettre en scène ! Ils constituent un véritable pari. Il faut savoir sur quels mots s’arrêter. Moi, mes phrases sont longues pour que les acteurs aillent au bout du bout de leur souffle ce qui débouche sur le silence. C’est là un exercice très physique.
De quelle façon faites-vous cohabiter sur scène Marie, la réelle et la Vierge Marie, le symbole ?
Marie, la réelle, est née sous la protection de la Vierge qui la guide et à laquelle elle s’en remet. La Vierge, quant à elle craque car on lui adresse trop de demandes alors qu’elle ne fait pas de miracle. Entre Marie, la réelle et la Vierge Marie, il n’y a pas de vrais dialogues mais seulement une voix intérieure.
« La Passion selon Marie » décline ce qui se dit, ce qui se vit, ce qui se raconte, ce qui se rêve. Tout est-il sur le même plan ?
On passe d’un espace-temps à un autre. Il y a des choses très réalistes dans ce qui se dit, des choses oniriques dans ce qui se rêve. Le principal est dans ce qui se vit ici et maintenant. L’écriture de la pièce se situe dans la période qui a suivi l’attentat contre « Charlie Hebdo ».
Or, on lie notre histoire individuelle à l’histoire collective contemporaine… Et tout varie : en temps de Covid, ce qui était banal avant, prend une tournure extraordinaire.
Comment Zalfa Seurat, musicienne d’origine libanaise, va-t-elle intervenir dans la pièce ?
Par son physique elle peut incarner toutes les femmes de Méditerranée. Sur scène à partir d’une composition originale elle doit improviser des variations qui seront différentes à chaque représentation. Avoir une musicienne sur scène renforce le côté spectacle vivant.
Le choix de vos interprètes allait-il de soi ?
Je les connais depuis vingt ans. Entre nous c’est comme une famille. Je les ai choisis pour leur métier, leur parcours, leur vie, leur origine…Le rôle de Marie je l’ai écrit en pensant à Anne-Laure Tondu, une excellente comédienne qui joue sous la direction des meilleurs metteurs en scène.
Quels problèmes spécifiques rencontre une compagnie
telle que la vôtre installée en Corse ?
Des problèmes de reconnaissance, de professionnalisation, de diffusion de nos créations à l’extérieur. En revanche la Corse est un lieu intéressant pour faire du théâtre car il y a de l’espace et du temps. On a également la possibilité de s’y diversifier ce qui n’est pas forcément le cas ailleurs. Même si c’est épuisant, on peut toucher à de nombreuses activités en relation avec notre métier. Enfin on dispose d’une grande liberté.
Comment vivez-vous la situation présente ?
Du point de vue individuel c’est très dur. On ne peut qu’être inquiet car on manque totalement de perspectives. Comme beaucoup je suis à la limite du burn-out. Je passe mon temps à programmer, déprogrammer, reprogrammer. Je suis engloutie sous les tâches administratives. Economiquement la compagnie devrait s’en sortir. Mais je suis morte de trouille pour les jeunes qui débutent et pour ceux qui doivent partir à la retraite.
Avez-vous peur de voir disparaitre le spectacle vivant ?
Le risque existe…
Evidemment on doit inventer des formes nouvelles de représentations !... Le public sera-t-il au rendez-vous ! Je crains que nous vivions la chronique d’une catastrophe annoncée.
De l’espoir malgré tout ?
En une tournée d’été tout terrain. Certes en jauge réduite… mais une tournée quand même !
· Propos recueillis par M.A-P