Turisimu Si, Turisimu Nò : notre schizophrénie
Visiteurs et secteur tourisque nous semblent être un jour des sources de revenus et une aubaine, un autre jour des intrus et une calamité.
Turisimu Sì, Turisimu Nò : notre schizophrénie
Visiteurs et secteur touristique nous semblent être un jour des sources de revenus et une aubaine, un autre jour des intrus et une calamité.
Dans les médias ou sur les réseaux sociaux, nombreux sont les prises de positions et les messages dont les auteurs affirment leur hostilité à la fréquentation touristique et ne sont pas loin de se réjouir que la pandémie Covid-19 ait fortement contribué à la réduire.
Il est vrai qu’en de nombreux domaines, en 2020, il y a eu matière à être satisfaits.
La faune et la flore ont été moins soumises à des nuisances. Les routes, les sentiers de promenade, les sites remarquables, les aires de stationnement et les plages sont davantage restés nôtres car nous avons eu moins eu à supporter le passage ou à la présence envahissante et parfois agaçante des méga-autocars polonais, des cyclotouristes flamands, des motards venus de Germanie, des placides automobilistes suisses, des omniprésents randonneurs autrichiens, des bobos parisiens amateurs de selfies écolos, des camping-caristes néerlandais, des baigneurs italiens et des teufeurs venus de partout.
Par ailleurs, des opérateurs ont peut-être été conduits à revisiter leur volonté d’aller, au nom du profit, vers un gigantisme des structures d’accueil et des moyens de transports.
Si ces conséquences d’une sous-fréquentation ont été agréables ou bénéfiques, elles ne sauraient cependant justifier que l’on danse de joie sans discernement ou que l’on occulte les difficultés que rencontrent les chefs d’entreprise, les artisans et les salariés qui vivent du service ou du commerce de proximité, de l’hébergement, de la restauration, du débit de boissons ou de l’organisation de loisirs.
Le tourisme ne représente pas que l’invasion de gêneurs, le gagne-pain du saisonnier, l’activité de fonctionnaires qui se font porter pâle pour devenir tenanciers de gargotes ou loueurs de quads, les locations clandestines, les méga-profits de quelques-uns.
Une véritable dépendance
Le tourisme permet aussi et surtout à des milliers de Corses de vivre de leur travail sur leur terre. La fréquentation compense la petitesse du marché insulaire et l’argent des touristes conforte bien des trésoreries. Cela profite aux bars, aux restaurants et aux auberges ouverts à l’année, aux exploitants agricoles qui privilégient la qualité, aux commerces et services de proximité qui sont les premiers à pâtir du pouvoir d’achat quasi inexistant de plus de 20 % de de la population insulaire.
Cela fait aussi l’affaire de la grande distribution et des galeries commerciales qui ont besoin de nombreux consommateurs.
Pour certains acteurs, le tourisme est même vital. Il est nourricier pour l’hôtellerie. Il permet la pérennisation de nombreux événements culturels ou ludiques. Il irrigue les compagnies maritimes et aériennes ainsi que les transports ferroviaire et routier de voyageurs. Il est une source irremplaçable de revenus pour les guides-conférenciers, de haute montagne ou de randonnée, les autocaristes, les taxis, les retraités qui louent leur maison de village pour compléter de maigres revenus, les étudiants qui ont besoin de jobs d’été… Si l’argent du touriste vient à durablement manquer, toutes les activités susmentionnées et tous les Corses qui en tirent de quoi vivre ainsi que bien d’autres activités et personnes que je n’ai pas citées, seront un jour à la rue.
Ceci révèle à quel point nous sommes individuellement ou collectivement dépendant du tourisme.
Ceci invite à ce que la tendance au tout-tourisme soit freinée ou stoppée pour que la production corse de richesses dépende moins de la venue et de l’argent du visiteur.
Ceci explique aussi nos comportements et nos jugements schizophréniques concernant les visiteurs et le secteur touristique : ils nous semblent être un jour des sources de revenus et une aubaine, un autre jour des intrus et une calamité. Nous sommes toutes et tous « Turisimu Sì, Turisimu Nò ! ».
•
Alexandra Sereni
Visiteurs et secteur touristique nous semblent être un jour des sources de revenus et une aubaine, un autre jour des intrus et une calamité.
Dans les médias ou sur les réseaux sociaux, nombreux sont les prises de positions et les messages dont les auteurs affirment leur hostilité à la fréquentation touristique et ne sont pas loin de se réjouir que la pandémie Covid-19 ait fortement contribué à la réduire.
Il est vrai qu’en de nombreux domaines, en 2020, il y a eu matière à être satisfaits.
La faune et la flore ont été moins soumises à des nuisances. Les routes, les sentiers de promenade, les sites remarquables, les aires de stationnement et les plages sont davantage restés nôtres car nous avons eu moins eu à supporter le passage ou à la présence envahissante et parfois agaçante des méga-autocars polonais, des cyclotouristes flamands, des motards venus de Germanie, des placides automobilistes suisses, des omniprésents randonneurs autrichiens, des bobos parisiens amateurs de selfies écolos, des camping-caristes néerlandais, des baigneurs italiens et des teufeurs venus de partout.
Par ailleurs, des opérateurs ont peut-être été conduits à revisiter leur volonté d’aller, au nom du profit, vers un gigantisme des structures d’accueil et des moyens de transports.
Si ces conséquences d’une sous-fréquentation ont été agréables ou bénéfiques, elles ne sauraient cependant justifier que l’on danse de joie sans discernement ou que l’on occulte les difficultés que rencontrent les chefs d’entreprise, les artisans et les salariés qui vivent du service ou du commerce de proximité, de l’hébergement, de la restauration, du débit de boissons ou de l’organisation de loisirs.
Le tourisme ne représente pas que l’invasion de gêneurs, le gagne-pain du saisonnier, l’activité de fonctionnaires qui se font porter pâle pour devenir tenanciers de gargotes ou loueurs de quads, les locations clandestines, les méga-profits de quelques-uns.
Une véritable dépendance
Le tourisme permet aussi et surtout à des milliers de Corses de vivre de leur travail sur leur terre. La fréquentation compense la petitesse du marché insulaire et l’argent des touristes conforte bien des trésoreries. Cela profite aux bars, aux restaurants et aux auberges ouverts à l’année, aux exploitants agricoles qui privilégient la qualité, aux commerces et services de proximité qui sont les premiers à pâtir du pouvoir d’achat quasi inexistant de plus de 20 % de de la population insulaire.
Cela fait aussi l’affaire de la grande distribution et des galeries commerciales qui ont besoin de nombreux consommateurs.
Pour certains acteurs, le tourisme est même vital. Il est nourricier pour l’hôtellerie. Il permet la pérennisation de nombreux événements culturels ou ludiques. Il irrigue les compagnies maritimes et aériennes ainsi que les transports ferroviaire et routier de voyageurs. Il est une source irremplaçable de revenus pour les guides-conférenciers, de haute montagne ou de randonnée, les autocaristes, les taxis, les retraités qui louent leur maison de village pour compléter de maigres revenus, les étudiants qui ont besoin de jobs d’été… Si l’argent du touriste vient à durablement manquer, toutes les activités susmentionnées et tous les Corses qui en tirent de quoi vivre ainsi que bien d’autres activités et personnes que je n’ai pas citées, seront un jour à la rue.
Ceci révèle à quel point nous sommes individuellement ou collectivement dépendant du tourisme.
Ceci invite à ce que la tendance au tout-tourisme soit freinée ou stoppée pour que la production corse de richesses dépende moins de la venue et de l’argent du visiteur.
Ceci explique aussi nos comportements et nos jugements schizophréniques concernant les visiteurs et le secteur touristique : ils nous semblent être un jour des sources de revenus et une aubaine, un autre jour des intrus et une calamité. Nous sommes toutes et tous « Turisimu Sì, Turisimu Nò ! ».
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Alexandra Sereni