Catalunya : entre blocage et compromis
Le proverbe cher au pêcheur d’une fable bien connue de Jean de La Fontaine pourrait dicter une démarche politique qui conviendrai à tout le monde ou presque.
Catalunya : entre blocage et compromis
Le proverbe cher au pêcheur d’une fable bien connue de Jean de La Fontaine pourrait dicter une démarche politique qui conviendrai à tout le monde ou presque.
Les députés du Parlament de Catalunya, d’une part, le président élu par cette assemblée (et son gouvernement) d’autre part, sont constitutifs des instances législative et exécutive de la Generalitat de Catalunya (organisation institutionnelle et politique de la communauté autonome de Catalogne).
Au nombre de 135, les députés catalans sont élus au suffrage universel. La loi organique espagnole ayant réformé en 2006 le statut d'autonomie de la Catalogne fixe les compétences et reconnaît l'inviolabilité de son Parlament.
Cela ne vaut toutefois que si les élus catalans respectent la Constitution du Royaume d’Espagne. Or, en novembre 2017, la majorité des députés ayant accepté la déclaration d’indépendance prononcée par le président de la Generalitat Carles Puigdemont à ce jour en exil en Belgique, le Parlament de Catalunya a été dissout.
Toutefois, un mois plus tard, en décembre 2017, les électeurs catalans ont redonné une majorité aux partis indépendantistes. Depuis cette période et jusqu’à ce jour, ni des rapports apaisé ni un véritable dialogue entre les indépendantistes et le pouvoir espagnol n’ont pu être établis. Des responsables indépendantistes sont toujours emprisonnés, en semi-liberté ou en exil.
Dernièrement, le dimanche 14 février, les électeurs catalans ont à nouveau été appelés aux urnes pour élire leurs députés. Le Parti des Socialistes de Catalogne (PSC), structure locale du parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE), est arrivé en tête. Il a obtenu une majorité relative en voix et en sièges.
En revanche, les trois partis favorables à l'indépendance de la Catalogne ont pour la première fois bénéficié de plus de 50 % des suffrages exprimés. Ce qui leur permet de disposer d’une majorité absolue en sièges (74 sur 135).
Autres fait marquant : il s’est produit une inversion du rapport de force au sein du camp indépendantiste. En effet, le parti Esquerra Republica de Catalunya (plutôt à gauche) a devancé le parti Junts per Catalunya (parti conservateurs et libéral) de Carles Puigdemont, l’ancien président de la Generalitat toujours en exil en Belgique.
51 % des voix mais 47 % d’abstention…
Les nationalistes de chez nous qui ont suivi de près le scrutin catalan, n’ont pas manqué de faire connaître leur enthousiasme quand ils ont eu connaissance des résultats. Gilles Simeoni a estimé que le résultat appelait une solution politique : « Le peuple catalan a choisi de donner une majorité absolue, pour la première fois, aux mouvements indépendantistes.
L’Espagne et l’Union Européenne doivent opter pour une solution politique négociée, incluant l’amnistie pour les exilés et prisonniers politiques. Visca Catalunya ! ». Core in Fronte a considéré que l’issue du scrutin relevait d’un pas significatif vers l’indépendance : « Les 51% de voix et les 74 élus sur 135 témoignent de la vitalité de l'idée indépendantiste catalane.
Avec l'Ecosse et la Catalunya, futures nations indépendantes, l'Europe est en mouvement. » Jean-Guy Talamoni a affirmé que le succès indépendantiste ouvrait la voie vers une nouvelle Europe : «Nova vittoria per l’indipendentisti catalani cù una maiurità assuluta à u Parlamentu. Seremu à fiancu à elli per custruisce un altra Europa.» U Partitu di a Nazione Corsa s’est semble-t-il pour sa part montré plus prudent. Le parti de Jean-Christophe Angelini s’en est tenu à un sobre constat de la victoire indépendantiste : «Pere Aragones, chef de file d'ERC (Esquerra Republica de Catalunya), est en position pour devenir président de la Catalogne. Le PS catalan arrive en tête en nombre de voix mais reste sans alliés potentiels pour gouverner.» Cette sobriété s’explique sans doute par la prise en compte qu’avoir réuni 51 % des suffrages avec un fort taux d’abstention (environ 47 %, soit - 26 points de participation qu’en décembre 2017), ne permet pas aux partis indépendantistes d’être assurés qu’un scrutin d’autodétermination aurait pour issue le choix de l’indépendance par une majorité des votants. Et ce d’autant que les enquêtes d’opinion font mention, depuis des années, d’écarts très réduits.
Pourquoi pas un compromis ?
Être objectif commande donc d'opter pour la prudence - comme a semblé l'avoir fait U Partitu di a Nazione Corsa - et de considérer que le résultat du scrutin du 14 février dernier, sauf si se manifeste une volonté réciproque d’aller au compromis, n’est a priori pas de nature à faire bouger les lignes entre indépendantistes et espagnolistes. Pedro Sánchez, le chef du gouvernement espagnol, avait l’espoir que Salvador Illa qu’il avait convaincu de renoncer à son ministère pour aller à la bataille et qui jouissait d’une bonne image (catalan, de famille ouvrière, ancien haut fonctionnaire de la Generalitat puis, jusqu’à ces dernières semaines, ministre de la Santé fortement et efficacement impliqué dans la lutte contre la Covid-19), serait en mesure de créer les conditions d’une alliance à même de mettre fin à l’hégémonie indépendantiste. Bien qu’ayant réuni le plus grand nombre de voix, Salvador Illa n’est pas en capacité de constituer un gouvernement.
D’autant que toute perspective de pacte de gouvernement avec la composante socialisante des indépendantistes (Esquerra Republica de Catalunya), a été balayée par le fait que les partis indépendantistes ont, avant le scrutin, pris l’engagement de s’interdire toute alliance avec un parti espagnoliste. Il existe cependant une possibilité de déblocage politique et d’apaisement si - sous l’impulsion de Pedro Sanchez d’une part et d’Esquerra Republica de Catalunya d’autre part (qui a devancé le parti de Carles Puigdemont plus ancré dans la revendication d’un processus immédiat d’autodétermination et dont un dirigeant devrait devenir présider la Generalitat) - un compromis politique est recherché sur la base d’une arrêt de la répression, d’une libération des prisonniers, d’une renégociation du statut d’autonomie offrant plus de compétences et de pouvoirs à la Generalitat et d’une pause dans la revendication d’un scrutin d’autodétermination.
Ceci pourrait être favorisé par le fait que les 15 députés et 11 sénateurs Esquerra Republica de Catalunya qui siègent aux Cortès (Parlement espagnol) y soutiennent la majorité socialiste et que l’abstention du 14 février dernier (la crainte de la Covid-19 n’explique pas tout) a peut-être révélé la lassitude d’une partie des Catalans de vivre un conflit permanent depuis plus de trois ans. Il est des circonstances où le « Un Tien vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l'auras : l'un est sûr, l'autre ne l'est pas » cher au pêcheur de la fable de Jean de La Fontaine (Le Petit Poisson et le Pêcheur), peut devenir un proverbe convenant à tout le monde.
Pierre Corsi
Le proverbe cher au pêcheur d’une fable bien connue de Jean de La Fontaine pourrait dicter une démarche politique qui conviendrai à tout le monde ou presque.
Les députés du Parlament de Catalunya, d’une part, le président élu par cette assemblée (et son gouvernement) d’autre part, sont constitutifs des instances législative et exécutive de la Generalitat de Catalunya (organisation institutionnelle et politique de la communauté autonome de Catalogne).
Au nombre de 135, les députés catalans sont élus au suffrage universel. La loi organique espagnole ayant réformé en 2006 le statut d'autonomie de la Catalogne fixe les compétences et reconnaît l'inviolabilité de son Parlament.
Cela ne vaut toutefois que si les élus catalans respectent la Constitution du Royaume d’Espagne. Or, en novembre 2017, la majorité des députés ayant accepté la déclaration d’indépendance prononcée par le président de la Generalitat Carles Puigdemont à ce jour en exil en Belgique, le Parlament de Catalunya a été dissout.
Toutefois, un mois plus tard, en décembre 2017, les électeurs catalans ont redonné une majorité aux partis indépendantistes. Depuis cette période et jusqu’à ce jour, ni des rapports apaisé ni un véritable dialogue entre les indépendantistes et le pouvoir espagnol n’ont pu être établis. Des responsables indépendantistes sont toujours emprisonnés, en semi-liberté ou en exil.
Dernièrement, le dimanche 14 février, les électeurs catalans ont à nouveau été appelés aux urnes pour élire leurs députés. Le Parti des Socialistes de Catalogne (PSC), structure locale du parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE), est arrivé en tête. Il a obtenu une majorité relative en voix et en sièges.
En revanche, les trois partis favorables à l'indépendance de la Catalogne ont pour la première fois bénéficié de plus de 50 % des suffrages exprimés. Ce qui leur permet de disposer d’une majorité absolue en sièges (74 sur 135).
Autres fait marquant : il s’est produit une inversion du rapport de force au sein du camp indépendantiste. En effet, le parti Esquerra Republica de Catalunya (plutôt à gauche) a devancé le parti Junts per Catalunya (parti conservateurs et libéral) de Carles Puigdemont, l’ancien président de la Generalitat toujours en exil en Belgique.
51 % des voix mais 47 % d’abstention…
Les nationalistes de chez nous qui ont suivi de près le scrutin catalan, n’ont pas manqué de faire connaître leur enthousiasme quand ils ont eu connaissance des résultats. Gilles Simeoni a estimé que le résultat appelait une solution politique : « Le peuple catalan a choisi de donner une majorité absolue, pour la première fois, aux mouvements indépendantistes.
L’Espagne et l’Union Européenne doivent opter pour une solution politique négociée, incluant l’amnistie pour les exilés et prisonniers politiques. Visca Catalunya ! ». Core in Fronte a considéré que l’issue du scrutin relevait d’un pas significatif vers l’indépendance : « Les 51% de voix et les 74 élus sur 135 témoignent de la vitalité de l'idée indépendantiste catalane.
Avec l'Ecosse et la Catalunya, futures nations indépendantes, l'Europe est en mouvement. » Jean-Guy Talamoni a affirmé que le succès indépendantiste ouvrait la voie vers une nouvelle Europe : «Nova vittoria per l’indipendentisti catalani cù una maiurità assuluta à u Parlamentu. Seremu à fiancu à elli per custruisce un altra Europa.» U Partitu di a Nazione Corsa s’est semble-t-il pour sa part montré plus prudent. Le parti de Jean-Christophe Angelini s’en est tenu à un sobre constat de la victoire indépendantiste : «Pere Aragones, chef de file d'ERC (Esquerra Republica de Catalunya), est en position pour devenir président de la Catalogne. Le PS catalan arrive en tête en nombre de voix mais reste sans alliés potentiels pour gouverner.» Cette sobriété s’explique sans doute par la prise en compte qu’avoir réuni 51 % des suffrages avec un fort taux d’abstention (environ 47 %, soit - 26 points de participation qu’en décembre 2017), ne permet pas aux partis indépendantistes d’être assurés qu’un scrutin d’autodétermination aurait pour issue le choix de l’indépendance par une majorité des votants. Et ce d’autant que les enquêtes d’opinion font mention, depuis des années, d’écarts très réduits.
Pourquoi pas un compromis ?
Être objectif commande donc d'opter pour la prudence - comme a semblé l'avoir fait U Partitu di a Nazione Corsa - et de considérer que le résultat du scrutin du 14 février dernier, sauf si se manifeste une volonté réciproque d’aller au compromis, n’est a priori pas de nature à faire bouger les lignes entre indépendantistes et espagnolistes. Pedro Sánchez, le chef du gouvernement espagnol, avait l’espoir que Salvador Illa qu’il avait convaincu de renoncer à son ministère pour aller à la bataille et qui jouissait d’une bonne image (catalan, de famille ouvrière, ancien haut fonctionnaire de la Generalitat puis, jusqu’à ces dernières semaines, ministre de la Santé fortement et efficacement impliqué dans la lutte contre la Covid-19), serait en mesure de créer les conditions d’une alliance à même de mettre fin à l’hégémonie indépendantiste. Bien qu’ayant réuni le plus grand nombre de voix, Salvador Illa n’est pas en capacité de constituer un gouvernement.
D’autant que toute perspective de pacte de gouvernement avec la composante socialisante des indépendantistes (Esquerra Republica de Catalunya), a été balayée par le fait que les partis indépendantistes ont, avant le scrutin, pris l’engagement de s’interdire toute alliance avec un parti espagnoliste. Il existe cependant une possibilité de déblocage politique et d’apaisement si - sous l’impulsion de Pedro Sanchez d’une part et d’Esquerra Republica de Catalunya d’autre part (qui a devancé le parti de Carles Puigdemont plus ancré dans la revendication d’un processus immédiat d’autodétermination et dont un dirigeant devrait devenir présider la Generalitat) - un compromis politique est recherché sur la base d’une arrêt de la répression, d’une libération des prisonniers, d’une renégociation du statut d’autonomie offrant plus de compétences et de pouvoirs à la Generalitat et d’une pause dans la revendication d’un scrutin d’autodétermination.
Ceci pourrait être favorisé par le fait que les 15 députés et 11 sénateurs Esquerra Republica de Catalunya qui siègent aux Cortès (Parlement espagnol) y soutiennent la majorité socialiste et que l’abstention du 14 février dernier (la crainte de la Covid-19 n’explique pas tout) a peut-être révélé la lassitude d’une partie des Catalans de vivre un conflit permanent depuis plus de trois ans. Il est des circonstances où le « Un Tien vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l'auras : l'un est sûr, l'autre ne l'est pas » cher au pêcheur de la fable de Jean de La Fontaine (Le Petit Poisson et le Pêcheur), peut devenir un proverbe convenant à tout le monde.
Pierre Corsi