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Jacobisme là-bas, mais jacobisme ici

Les nationalistes ont obtenu la majorité en bénéficiant du dégagisme qui avait profité au tout jeune macroniste.
Jacobinisme là-bas, mais jacobinisme ici
Les nationalistes ont obtenu la majorité en bénéficiant du dégagisme qui avait profité au tout jeune mouvement macroniste.
Aujourd’hui, ils souffrent des mêmes maux : tendance à un centralisme exacerbé, difficultés à gérer les affaires courantes et sentiment d’amateurisme.



La faute aux autres

Dans les deux cas, les responsables des affaires cherchent les coupables de leurs faiblesses ailleurs qu’en eux-mêmes. Le président Macron stigmatise les « 66 millionsde procureurs » condamnant implicitement le droit de chaque citoyen à critiquer le pouvoir.

En Corse, les nationalistes s’agacent de chaque mise en cause (c’était évident au moment de la première crise sanitaire) comme si une démocratie ne vivait pas de cette dialectique permanente entre le peuple et ses élus. Enfin, la tendance des deux pouvoirs est, face à la difficulté, de jouer la centralisation et de se méfier des conséquences centrifuges de la crise.
Une telle attitude jacobine a, pour les responsables, un avantage — l’impression de tout dominer — et d’immenses inconvénients à commencer par la responsabilité pleine et entière des échecs.
La réaction pavlovienne est alors de désigner des causes externes : pour Macron la délinquance, la pandémie, les séparatistes et pour nos nationalistes l’héritage, la « colonisation depeuplement » (tour à tour les « Français », les Maghrébins, les Portugais et à nouveau les Continentaux), l’État.


Demain ressemblera à aujourd’hui

Prenons les arguments nationalistes un par un.

Et à tout seigneur tout honneur : l’État. Il est exact, comme il est écrit plus haut, que sa nature jacobine est au fil de la crise de plus en plus prégnante alors même qu’il avait fait la promesse d’évoluer vers le girondisme. Mais la Corse n’en est pas la seule victime. Les maires et les régions s’en plaignent. Ramener ce défaut existentiel de l’État français à la seule Corse relève d’un nombrilisme inopérant.

Quant à répéter ad nauseam l’exigence constitutionnelle, pierre philosophale de l’alchimie nationaliste, c’est au mieux radoter au pire reconnaître le caractère définitivement caduc du programme proposé par la majorité. Qui peut encore croire, qu’enfoncé dans la crise comme il l’est, et de ce fait, obligé, à un an des présidentielles, de satisfaire une majorité jacobine, le président Macron va se lancer dans une réforme constitutionnelle qu’il sait perdue d’avance ?
Par ailleurs, il faudra qu’un jour on explique au peuple corse qu’on croit apercevoir dès que vingt personnes manifestent devant la préfecture, ce que changerait cette inscription à la Constitution. La France est ce qu’elle est, tout comme la Corse. Les nationalistes ont pris le pouvoir dans des circonstances qu’ils ont décrites comme historique alors qu’elles pourraient bien n’avoir été qu’accidentelles. L’imprégnation de la société corse par des thèmes qu’ils ont courageusement défendus durant des décennies joue paradoxalement contre eux. Puisqu’ils sont désormais acquis, les électeurs vont vers ceux qui peuvent leur apporter de l’espérance, mais surtout de l’efficacité.

Soyons réalistes
: les élections présidentielles de 2022 remettront Macron sur le trône présidentiel ou alors Marine Le Pen ou peut-être, surprise du chef, un Nicolas Sarkozy requinqué. Dans aucun de ces cas de figure, les nationalistes ne peuvent espérer une réforme de fond qui, de toute manière, ne résoudrait pas leur difficulté de gestion.

S’attaquer au fond c’est-à-dire aux « détails »

Les grandes batailles idéologiques sont derrière nous.
Les années à venir devront être consacrées aux « détails » de la vie courante : les déchets, l’énergie, la protection contre le changement climatique. Les grandes envolées lyriques sur le « babbu di a patria », le XVIIIe siècle risquent fort d’être relégués sur les étagères des glorieux, mais lointains souvenirs.
Or les nationalistes continuent pour une part de gesticuler comme s’ils étaient toujours dans l’opposition. Le règlement des problèmes exposé ci-dessus va demander du courage (savoir dire qu’on a eu tort) et de l’argent. Or les cordons de la bourse sont tenus par le roi de France.

En conséquence le choix est simple : entrer en guerre ouverte (avis aux amateurs du suicide) ou savoir être diplomate comme l’ont été les Alsaciens qui, en silence, ont obtenu largement plus que la majorité actuelle sur tous les plans. Telle est la morale de l’histoire présente : pour se relever des conséquences de la pandémie, il faudra être fin politique et non des matamores la bouche pleine d’un peuple qui ne désire que vivre décemment.

Enfin les nationalistes vont devoir comprendre que leur impéritie a un coût local qui accroît les injustices sociales. Gare à l’effet retour quand nous allons prendre connaissance de nos taxes foncières. Le diable se cache dans les détails et c’est sur eux qu’il faut jouer. Sinon la gestion nationaliste n’aura été qu’une parenthèse vite refermée.

• GXC
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