Médiathèque de l'Alb'Oru : Maschere in festa
Il y a masque et masque, l'exposition de Barberine Duriani est là pour nous le rappeler.
Médiathèque de l’Alb’Oru
Maschere in festa
Il y a masque et masque. L’exposition à la Médiathèque Barberine Duriani de l’Alb’Oru est là pour nous le rappeler. L’initiative en revient à Orlando Forioso, metteur en scène dont les créations sont toujours d’un égal bonheur.
La période Covid nous impose le port du masque… chirurgical, FFP2 ou en tissu renforcé pour nous prévenir contre toute contamination. C’est désagréable mais inévitable, si on n’est raisonnable. Dans la vie courante ça gêne. C’est pas pratique surtout pour parler et se faire entendre ! Mais ça doit éviter de suffoquer, de s’étouffer et d’être faucher par la maladie, alors on se résigne et on fait contre mauvaise fortune bon cœur.
Il ne faut pas pour autant oublier que le masque peut être festif, comme au théâtre, comme pour le carnaval. Ici ou un peu partout dans le monde.
A la médiathèque de Lupino l’exposition pensée et organisée par Orlando Forioso propose des masques de la Commedia dell’arte fabriqués par Giancarlo Santelli pour le Svegliu Calvese à l’occasion d’un Don Ghjuvanni, sous la direction d’Orlando Forioso, interprété par A Filetta, sur une musique de Bruno Coulais, spectacle fabuleux, resté gravé dans les mémoires. Polichinelle, Arlequin, Colombine, des personnages aux masques très expressifs avec leurs traits distinctifs façonnés dans du cuir aux teintes blondes ou brunes.
Sur une autre étagère des masques en papier mâché, délicats, emprunts de nostalgie, nous entrainent au carnaval de Venise tandis qu’une série de masques confectionnés en simples feuilles de papier nous convient à une de ces séances récréatives qu’adorent les petits.
Présents également des masques en latex, de ceux qui parodient plus ou moins allègrement des personnalités à la grande joie des adultes ou des enfants.
Plus inattendus – c’est la surprise de la visite – les masques réalisés en Corse pour le festival de Brandu que Valérie et Jean Yves Casalta ont fait renaître de ses cendres il y a une vingtaine d’années. Des masques faits avec des matériaux du tout-venant puisqu’i s’agit de courges et de liège qui caricaturent des gens ordinaires : curés, demoiselles, chefaillons, vieux et vieilles. Les uns arborant une pipe à la bouche. Les autres avec un nez proéminent ou des poils sur les sourcils ou de la barbe au menton provenant de peaux de moutons. Il y a aussi des masques connotant des ogres ou des chiens qui peuvent s’inspirer de loups ou d’ours.
Du Cap Corse l’exposition « Maschere in festa » nous amène en Sardaigne où quatre villages de l’intérieur ont conservé la tradition d’authentiques carnavals qui célèbrent la fin de l’hiver et le retour des beaux jours, promesse de fleurs et de fruits et qui autorisent le renversement des interdits dans la lignée des saturnales et des bacchanales du monde gréco-latin.
Simultanément à l’exposition se tiennent dans la médiathèque des ateliers à destination des jeunes, manière agréable de stimuler leur créativité.
« Maschere in festa » est un projet d’Orlando Forioso pour TeatrEuropa et Bastia Cultura-Médiathèque Barberine Duriani.
En collaboration avec U Carnavale di Brando, U Svegliu Calvese, la compagnie Trietmas de Rome, le Teatro dei Garzoni de Pescia (Italie) et la Costumeria di Livorno.
« On a décidé de faire renaitre le carnaval de Brandu en 2000 »
Valérie et Jean Yves Casalta
A quelle occasion avez-vous redécouvert la tradition des carnavals et relancé celui de Brandu, dans le hameau de Purettu ?
Lors du cursus d’études corses à Corte on a fait un voyage en Sardaigne pendant le carnaval. C’était en 1996 et c’est là qu’on a redécouvert le sens profond et originel de ces festivités avec leurs côtés rituels qui n’avait rien de commun avec des festivals comme ceux de Nice. On a été touché par l’authenticité qu’on a vu chez les Sardes. On s’est documenté. On a décidé de faire renaitre le carnaval de Brandu en 2000. Auparavant en novembre 1999 on avait commencé en renouant avec la Sant’Andria.
Y-avait-il des traces écrites ou orales d’une telle fête à Brandu ?
Des traces écrites nous n’en avons pas trouvé. Mais on a su qu’à Siscu un ancien en avait parlé à Pierre-Jean Luccioni quand il rédigeait son « Tempi fà ». Sur Brandu on a repris la trame du mariage du roi de carnaval et de la reine dont on avait eu des échos. En fait c’est un pastiche de noce puisque l’homme se déguise en femme et inversement car le carnaval est marqué du sceau de l’inversion. En Corse contrairement aux fêtes religieuses les festivités profanes collectives ont été comme effacés.
Comment expliquer cette disparition des festivités profanes qui réunissaient la collectivité ?
Après la saignée de 14 – 18 les villages ont perdu leurs forces vives, celles qui portaient ces fêtes profanes. Le deuxième conflit mondial suivi de l’exode massif de l’intérieur a été le coup de grâce. Sans jeunesse, sans relève le fil de la transmission s’est rompu, en outre les mentalités ont évolué et les goûts changé. Les fêtes religieuses, elles, ont subsisté… il fallait bien prier pour les morts !
N’y-a-t-il pas eu d’autres causes ?
Le carnaval est tout droit issu de la tradition gréco-latine. L’Eglise n’a jamais bien vu ces fêtes d’origines païennes. Elle a ainsi interdit les masques, les tambours… Gênes a également jeté l’interdit sur les masques, sur la cetera, sur la cialamella. La musique festive n’était guère tolérée.
Où l’existence de carnavals traditionnels est-elle attestée dans des sources avérées ?
Paul Maestracci a détaillé celui de Castiglione, Gisèle Poli celui de Poggio-di-Nazza, Antoine Trojani celui d’Ascu. Il y a aussi des éléments, mais plus fragmentaires, concernant celui de Bastelica.
Quel est votre fil conducteur à Brandu ?
Nous reprenons à notre compte l’esprit du carnaval ancien mais en optant pour une évolution car une tradition ne doit pas être figée. Elle doit être vivante si elle veut parler aux gens du XXI è siècle.
Pourquoi votre roi s’appelle-t-il Rampuffu ?
C’est un nom qui nous vient du Fium’Orbu et qu’on a repris pour sa sonorité… Il nous évoque notre buffone ! Avec sa reine, Porcellina, il renforce l’aspect irrévérencieux du Carnaval, moment où des interdits sont levés, où règne le désordre pour in fine rétablir l’ordre, où la sexualité est associée à la fertilité.
Quelle est la singularité de votre carnaval ?
Il est le seul qui est issu de la tradition. Le seul qui se célèbre à la date voulue et non aux beaux jours. Le seul où sont portés des masques fabriqués au village. Le seul où les violoneux jouent de la musique.
Qu’en est-il des costumes et des personnages ?
Pour les costumes on utilise des haillons, des vieux habits. On chine. On récupère. Côté personnages outre le roi et la reine il y a le prêtre, des vieux, u cane qu’on a préféré à l’ours si présent dans les carnavals des Pyrénées. On peut encore citer l’orcu, le maure blanc, et le maure noir qui danse un duel.
Que viennent faire ces personnages de maures ?
On sait que durant les carnavals d’antan on dansait la mauresque. « Nos » maures en sont une survivance…
Quels matériaux pour les masques ?
On emploie des courges car elles sont faciles à travailler et donnent de beaux arrondis. Le liège est également un matériau intéressant par les plis et replis qu’il offre et dont on peut décliner des grimaces.
Comment se déroule ce jour de carnaval ?
On sort les masques. On processionne avec interaction auprès du public. On fait le tour du village en s’arrêtant pour danser au son des violoneux. Le maure blanc et le maure noir interviennent. On voudrait étoffer leur nombre pour constituer un véritable groupe de danseurs. Leurs costumes ont été fabriqués par des spécialistes. Sur la place de l’église on procède au mariage du roi et de la reine. Les masques entament une ronde qui prend forme d’une granitula. Au cours de la journée l’orcu ne se prive pas de jeter de la farine sur les gens, la farine étant signe fertilité. Pour les enfants on propose le jeu traditionnel des trois marmites. On boit. On mange. Le soir se déroule le procès de Rampuffu et sa condamnation au bûcher. Ce feu, c’est l’annonce du renouveau.
Combien de participants ? Combien de spectateurs ?
Une cinquantaine de membres de notre association participe activement à la fête devant un public d’un demi-millier de personnes.
Propos recueillis par Michèle Acquaviva -Pache
Maschere in festa
Il y a masque et masque. L’exposition à la Médiathèque Barberine Duriani de l’Alb’Oru est là pour nous le rappeler. L’initiative en revient à Orlando Forioso, metteur en scène dont les créations sont toujours d’un égal bonheur.
La période Covid nous impose le port du masque… chirurgical, FFP2 ou en tissu renforcé pour nous prévenir contre toute contamination. C’est désagréable mais inévitable, si on n’est raisonnable. Dans la vie courante ça gêne. C’est pas pratique surtout pour parler et se faire entendre ! Mais ça doit éviter de suffoquer, de s’étouffer et d’être faucher par la maladie, alors on se résigne et on fait contre mauvaise fortune bon cœur.
Il ne faut pas pour autant oublier que le masque peut être festif, comme au théâtre, comme pour le carnaval. Ici ou un peu partout dans le monde.
A la médiathèque de Lupino l’exposition pensée et organisée par Orlando Forioso propose des masques de la Commedia dell’arte fabriqués par Giancarlo Santelli pour le Svegliu Calvese à l’occasion d’un Don Ghjuvanni, sous la direction d’Orlando Forioso, interprété par A Filetta, sur une musique de Bruno Coulais, spectacle fabuleux, resté gravé dans les mémoires. Polichinelle, Arlequin, Colombine, des personnages aux masques très expressifs avec leurs traits distinctifs façonnés dans du cuir aux teintes blondes ou brunes.
Sur une autre étagère des masques en papier mâché, délicats, emprunts de nostalgie, nous entrainent au carnaval de Venise tandis qu’une série de masques confectionnés en simples feuilles de papier nous convient à une de ces séances récréatives qu’adorent les petits.
Présents également des masques en latex, de ceux qui parodient plus ou moins allègrement des personnalités à la grande joie des adultes ou des enfants.
Plus inattendus – c’est la surprise de la visite – les masques réalisés en Corse pour le festival de Brandu que Valérie et Jean Yves Casalta ont fait renaître de ses cendres il y a une vingtaine d’années. Des masques faits avec des matériaux du tout-venant puisqu’i s’agit de courges et de liège qui caricaturent des gens ordinaires : curés, demoiselles, chefaillons, vieux et vieilles. Les uns arborant une pipe à la bouche. Les autres avec un nez proéminent ou des poils sur les sourcils ou de la barbe au menton provenant de peaux de moutons. Il y a aussi des masques connotant des ogres ou des chiens qui peuvent s’inspirer de loups ou d’ours.
Du Cap Corse l’exposition « Maschere in festa » nous amène en Sardaigne où quatre villages de l’intérieur ont conservé la tradition d’authentiques carnavals qui célèbrent la fin de l’hiver et le retour des beaux jours, promesse de fleurs et de fruits et qui autorisent le renversement des interdits dans la lignée des saturnales et des bacchanales du monde gréco-latin.
Simultanément à l’exposition se tiennent dans la médiathèque des ateliers à destination des jeunes, manière agréable de stimuler leur créativité.
« Maschere in festa » est un projet d’Orlando Forioso pour TeatrEuropa et Bastia Cultura-Médiathèque Barberine Duriani.
En collaboration avec U Carnavale di Brando, U Svegliu Calvese, la compagnie Trietmas de Rome, le Teatro dei Garzoni de Pescia (Italie) et la Costumeria di Livorno.
« On a décidé de faire renaitre le carnaval de Brandu en 2000 »
Valérie et Jean Yves Casalta
A quelle occasion avez-vous redécouvert la tradition des carnavals et relancé celui de Brandu, dans le hameau de Purettu ?
Lors du cursus d’études corses à Corte on a fait un voyage en Sardaigne pendant le carnaval. C’était en 1996 et c’est là qu’on a redécouvert le sens profond et originel de ces festivités avec leurs côtés rituels qui n’avait rien de commun avec des festivals comme ceux de Nice. On a été touché par l’authenticité qu’on a vu chez les Sardes. On s’est documenté. On a décidé de faire renaitre le carnaval de Brandu en 2000. Auparavant en novembre 1999 on avait commencé en renouant avec la Sant’Andria.
Y-avait-il des traces écrites ou orales d’une telle fête à Brandu ?
Des traces écrites nous n’en avons pas trouvé. Mais on a su qu’à Siscu un ancien en avait parlé à Pierre-Jean Luccioni quand il rédigeait son « Tempi fà ». Sur Brandu on a repris la trame du mariage du roi de carnaval et de la reine dont on avait eu des échos. En fait c’est un pastiche de noce puisque l’homme se déguise en femme et inversement car le carnaval est marqué du sceau de l’inversion. En Corse contrairement aux fêtes religieuses les festivités profanes collectives ont été comme effacés.
Comment expliquer cette disparition des festivités profanes qui réunissaient la collectivité ?
Après la saignée de 14 – 18 les villages ont perdu leurs forces vives, celles qui portaient ces fêtes profanes. Le deuxième conflit mondial suivi de l’exode massif de l’intérieur a été le coup de grâce. Sans jeunesse, sans relève le fil de la transmission s’est rompu, en outre les mentalités ont évolué et les goûts changé. Les fêtes religieuses, elles, ont subsisté… il fallait bien prier pour les morts !
N’y-a-t-il pas eu d’autres causes ?
Le carnaval est tout droit issu de la tradition gréco-latine. L’Eglise n’a jamais bien vu ces fêtes d’origines païennes. Elle a ainsi interdit les masques, les tambours… Gênes a également jeté l’interdit sur les masques, sur la cetera, sur la cialamella. La musique festive n’était guère tolérée.
Où l’existence de carnavals traditionnels est-elle attestée dans des sources avérées ?
Paul Maestracci a détaillé celui de Castiglione, Gisèle Poli celui de Poggio-di-Nazza, Antoine Trojani celui d’Ascu. Il y a aussi des éléments, mais plus fragmentaires, concernant celui de Bastelica.
Quel est votre fil conducteur à Brandu ?
Nous reprenons à notre compte l’esprit du carnaval ancien mais en optant pour une évolution car une tradition ne doit pas être figée. Elle doit être vivante si elle veut parler aux gens du XXI è siècle.
Pourquoi votre roi s’appelle-t-il Rampuffu ?
C’est un nom qui nous vient du Fium’Orbu et qu’on a repris pour sa sonorité… Il nous évoque notre buffone ! Avec sa reine, Porcellina, il renforce l’aspect irrévérencieux du Carnaval, moment où des interdits sont levés, où règne le désordre pour in fine rétablir l’ordre, où la sexualité est associée à la fertilité.
Quelle est la singularité de votre carnaval ?
Il est le seul qui est issu de la tradition. Le seul qui se célèbre à la date voulue et non aux beaux jours. Le seul où sont portés des masques fabriqués au village. Le seul où les violoneux jouent de la musique.
Qu’en est-il des costumes et des personnages ?
Pour les costumes on utilise des haillons, des vieux habits. On chine. On récupère. Côté personnages outre le roi et la reine il y a le prêtre, des vieux, u cane qu’on a préféré à l’ours si présent dans les carnavals des Pyrénées. On peut encore citer l’orcu, le maure blanc, et le maure noir qui danse un duel.
Que viennent faire ces personnages de maures ?
On sait que durant les carnavals d’antan on dansait la mauresque. « Nos » maures en sont une survivance…
Quels matériaux pour les masques ?
On emploie des courges car elles sont faciles à travailler et donnent de beaux arrondis. Le liège est également un matériau intéressant par les plis et replis qu’il offre et dont on peut décliner des grimaces.
Comment se déroule ce jour de carnaval ?
On sort les masques. On processionne avec interaction auprès du public. On fait le tour du village en s’arrêtant pour danser au son des violoneux. Le maure blanc et le maure noir interviennent. On voudrait étoffer leur nombre pour constituer un véritable groupe de danseurs. Leurs costumes ont été fabriqués par des spécialistes. Sur la place de l’église on procède au mariage du roi et de la reine. Les masques entament une ronde qui prend forme d’une granitula. Au cours de la journée l’orcu ne se prive pas de jeter de la farine sur les gens, la farine étant signe fertilité. Pour les enfants on propose le jeu traditionnel des trois marmites. On boit. On mange. Le soir se déroule le procès de Rampuffu et sa condamnation au bûcher. Ce feu, c’est l’annonce du renouveau.
Combien de participants ? Combien de spectateurs ?
Une cinquantaine de membres de notre association participe activement à la fête devant un public d’un demi-millier de personnes.
Propos recueillis par Michèle Acquaviva -Pache