Aéroport de Figari : le tourisme va faire sauter la banque !
La majorité territoriale se retrouve quasiment hors-jeu.
Aéroport de Figari : le tourisme va faire sauter la banque !
La majorité territoriale se retrouve quasiment hors-jeu.
Il lui faut accepter que les portes soient un peu plus ouvertes au tourisme de masse.
Nous sommes le 1er septembre 1970. Ce jour-là, à Figari, se tient une réunion avec à l’ordre du jour l'opportunité de construire un aéroport sue le territoire de la commune pour désenclaver l'extrême sud de la Corse. Quelques jours plus tard, la Chambre de Commerce d'Ajaccio-Sartène fait connaître son accord et demande à l’Etat de commander de premières études visant à confirmer la faisabilité et la pertinence d’une telle réalisation. Cependant ce projet n’est semble-t-il pas uniquement inspiré par une méritoire volonté d’aménagement du territoire.
En effet, durant la même période, un homme d'affaires franco-israélien, Samuel Flatto-Sharon, annonce qu'il envisage de lancer à proximité du futur aéroport, un méga projet touristique de 100 000 lits. Celui-ci serait situé sur le domaine de la Testa-Ventilegna, site naturel d’environ 2500 hectares situé entre Bonifacio et Figari qu’entre 1960 et 1977, trois familles corses, dont une étant héritière de l'ancien ministre François Pietri, ont cédé à des groupes financiers.
Le député-maire de Porto-Vecchio, Jean-Paul de Rocca-Serra, doit énergiquement monter au créneau pour démentir : « Je m'inscris en faux contre l'opinion selon laquelle l'aéroport de Figari a été construit pour les promoteurs. C’est scandaleux ! (…) La région que je représente est une île dans l'île, isolée du continent et du reste de la Corse. » Samuel Flatto-Sharon n’a heureusement pas pu mener son méga projet à bien. Il a d’abord réduit la voilure en affirmant n’envisager en définitive que la réalisation de 35 000 lits.
Puis, quelques années plus tard, il lui a fallu se réfugier en Israël pour fuir la justice française. En revanche, le projet d’aéroport n’a pas été abandonné. Financé par l'État et la Chambre de Commerce d'Ajaccio-Sartène, « Figari-Sud-Corse » est entré en service au milieu des années 1970. Les premières années d’activité ont cependant été plus que décevantes.
Au début des années 1980, 100 000 passagers n’avaient pas encore été reçus alors que les estimations tablaient sur 90 000 passagers / an. Le fiasco étaient tellement énorme et flagrant que l’on se répétait alors à l’envi une boutade adressée par l’ancien ministre et député Alexandre Sanguinetti à son ami Jean-Paul de Rocca-Serra : « Tu vas faire un aéroport pour les chèvres ! ». Les chose ont depuis beaucoup changé. Profitant de la vague touristique, « Figari-Sud-Corse » reçoit plus de 750 000 passagers / an alors qu’il est formaté pour en accueillir 500 000.
En conséquence, ses responsables demandent que des travaux soient entrepris pour tenir compte de cette évolution. Le coût estimatif des travaux envisagé est de 65 M€ dont 35 seraient consacré à l’extension de l'aérogare. Depuis quelques jours, il semble probable que l’extension de « Figari -Sud-Corse » passera de la phase souhait à la phase projet.
65 M€ sur le tarmac
En effet, dernièrement, une visite de l’aéroport a mis en présence le préfet de Corse Pascal Lelarge et le président du Conseil exécutif Gilles Simeoni. Ils étaient entourés d’élus de l'Extrême-Sud, dont Jean-Christophe Angelini qui arborait pour l’occasion la casquette de président de la Communauté de Communes Sud-Corse, ainsi que de responsables consulaires. Une fois n’est pas coutume, le représentant de l’Etat et le patron de la Collectivité de Corse ont affiché des positions presque convergentes.
Pascal Lelarge a fait part d’un avis favorable de l’Etat concernant l’extension et émis l’idée que les travaux pourraient être financés au moins en partie par le PTIC (Plan de Transformation et d'Investissement en Corse). Gilles Simeoni, même s’il s’est montré prudent concernant le financement, n’a pas dit non à l’extension : « Il faudra donc analyser la situation avec l'ensemble des partenaires pour voir quels travaux, avec quel calendrier et selon quels financements. »
De son côté, Jean-Christophe Angelini s’est empressé de tweeter son accord et sa satisfaction : « La modernisation de l’aéroport de Figari est un impératif économique et stratégique pour notre territoire autant que pour la Corse tout entière. Heureux et fier de voir cette conviction partagée par l’ensemble des décideurs, autour d’un projet global de plus de 60M d’€. » Tout ceci a suscité des réactions d’inquiétude ou de mécontentement. Cela peut se comprendre. La perspective d’une extension de « Figari-Sud-Corse » ne peut qu’inciter à penser qu’un pas de plus va être fait vers le tourisme de masse par l’ensemble des décideurs.
De plus, cela conduit à s’interroger sur les priorités de l’Etat et d’une partie de la majorité territoriale en matière d’investissements structurants. Ceci a d’ailleurs sans doute poussé, bien que Gilles Simeoni se soit un peu engagé, Femu a Corsica à exprimer des réserves. En effet, dans un communiqué, le parti du président du conseil exécutif a jugé utile de rappeler que : « Le Préfet de Corse ne peut en aucun cas dire ou laisser penser que le PTIC financera l’aéroport de Figari à hauteur de 65 M€. Si ce choix était mis en œuvre, ce serait donc 13% du PTIC qui irait sur un seul aéroport (…) Le PTIC qui prend la suite du PEI doit permettre en priorité absolue un rattrapage effectif en infrastructures et services de base de tous les territoires et de toute la Corse (routes, santé, sport, numérique, chemin de fer, culture…) Il faudra donc analyser la situation avec l'ensemble des partenaires pour voir quels travaux, avec quel calendrier et selon quels financements ».
Cependant, une fois de plus, la majorité territoriale se retrouve quasiment hors-jeu. En effet, tout comme elle semble devoir s’accommoder de la bétonisation, de la spéculation immobilière, de la grande distribution, de l’installation massive de nouveaux arrivants, de la construction d’un port à l’Arinella (Bastia) pour accueillir de grands navires chargés de touristes, il lui faut cette fois accepter que les portes soient un peu plus ouvertes au tourisme de masse. En effet, c’est une évidence, l’augmentation de la capacité d’accueil de « Figari-Sud-Corse » qui se fera, ne sera pas destinée à accueillir une fréquentation étalée sur six ou huit mois.
Pour ce faire, une modernisation suffirait. Les transformations qui seront effectuées, en particulier l’extension de l’aérogare, le seront pour faire face à des pointes estivales. La tourisme va faire sauter la banque à hauteur de 65 M€ alors que pour le nationalisme ou une certaine idée de la Corse, une fois encore, rien n’ira plus.
Pierre Corsi
La majorité territoriale se retrouve quasiment hors-jeu.
Il lui faut accepter que les portes soient un peu plus ouvertes au tourisme de masse.
Nous sommes le 1er septembre 1970. Ce jour-là, à Figari, se tient une réunion avec à l’ordre du jour l'opportunité de construire un aéroport sue le territoire de la commune pour désenclaver l'extrême sud de la Corse. Quelques jours plus tard, la Chambre de Commerce d'Ajaccio-Sartène fait connaître son accord et demande à l’Etat de commander de premières études visant à confirmer la faisabilité et la pertinence d’une telle réalisation. Cependant ce projet n’est semble-t-il pas uniquement inspiré par une méritoire volonté d’aménagement du territoire.
En effet, durant la même période, un homme d'affaires franco-israélien, Samuel Flatto-Sharon, annonce qu'il envisage de lancer à proximité du futur aéroport, un méga projet touristique de 100 000 lits. Celui-ci serait situé sur le domaine de la Testa-Ventilegna, site naturel d’environ 2500 hectares situé entre Bonifacio et Figari qu’entre 1960 et 1977, trois familles corses, dont une étant héritière de l'ancien ministre François Pietri, ont cédé à des groupes financiers.
Le député-maire de Porto-Vecchio, Jean-Paul de Rocca-Serra, doit énergiquement monter au créneau pour démentir : « Je m'inscris en faux contre l'opinion selon laquelle l'aéroport de Figari a été construit pour les promoteurs. C’est scandaleux ! (…) La région que je représente est une île dans l'île, isolée du continent et du reste de la Corse. » Samuel Flatto-Sharon n’a heureusement pas pu mener son méga projet à bien. Il a d’abord réduit la voilure en affirmant n’envisager en définitive que la réalisation de 35 000 lits.
Puis, quelques années plus tard, il lui a fallu se réfugier en Israël pour fuir la justice française. En revanche, le projet d’aéroport n’a pas été abandonné. Financé par l'État et la Chambre de Commerce d'Ajaccio-Sartène, « Figari-Sud-Corse » est entré en service au milieu des années 1970. Les premières années d’activité ont cependant été plus que décevantes.
Au début des années 1980, 100 000 passagers n’avaient pas encore été reçus alors que les estimations tablaient sur 90 000 passagers / an. Le fiasco étaient tellement énorme et flagrant que l’on se répétait alors à l’envi une boutade adressée par l’ancien ministre et député Alexandre Sanguinetti à son ami Jean-Paul de Rocca-Serra : « Tu vas faire un aéroport pour les chèvres ! ». Les chose ont depuis beaucoup changé. Profitant de la vague touristique, « Figari-Sud-Corse » reçoit plus de 750 000 passagers / an alors qu’il est formaté pour en accueillir 500 000.
En conséquence, ses responsables demandent que des travaux soient entrepris pour tenir compte de cette évolution. Le coût estimatif des travaux envisagé est de 65 M€ dont 35 seraient consacré à l’extension de l'aérogare. Depuis quelques jours, il semble probable que l’extension de « Figari -Sud-Corse » passera de la phase souhait à la phase projet.
65 M€ sur le tarmac
En effet, dernièrement, une visite de l’aéroport a mis en présence le préfet de Corse Pascal Lelarge et le président du Conseil exécutif Gilles Simeoni. Ils étaient entourés d’élus de l'Extrême-Sud, dont Jean-Christophe Angelini qui arborait pour l’occasion la casquette de président de la Communauté de Communes Sud-Corse, ainsi que de responsables consulaires. Une fois n’est pas coutume, le représentant de l’Etat et le patron de la Collectivité de Corse ont affiché des positions presque convergentes.
Pascal Lelarge a fait part d’un avis favorable de l’Etat concernant l’extension et émis l’idée que les travaux pourraient être financés au moins en partie par le PTIC (Plan de Transformation et d'Investissement en Corse). Gilles Simeoni, même s’il s’est montré prudent concernant le financement, n’a pas dit non à l’extension : « Il faudra donc analyser la situation avec l'ensemble des partenaires pour voir quels travaux, avec quel calendrier et selon quels financements. »
De son côté, Jean-Christophe Angelini s’est empressé de tweeter son accord et sa satisfaction : « La modernisation de l’aéroport de Figari est un impératif économique et stratégique pour notre territoire autant que pour la Corse tout entière. Heureux et fier de voir cette conviction partagée par l’ensemble des décideurs, autour d’un projet global de plus de 60M d’€. » Tout ceci a suscité des réactions d’inquiétude ou de mécontentement. Cela peut se comprendre. La perspective d’une extension de « Figari-Sud-Corse » ne peut qu’inciter à penser qu’un pas de plus va être fait vers le tourisme de masse par l’ensemble des décideurs.
De plus, cela conduit à s’interroger sur les priorités de l’Etat et d’une partie de la majorité territoriale en matière d’investissements structurants. Ceci a d’ailleurs sans doute poussé, bien que Gilles Simeoni se soit un peu engagé, Femu a Corsica à exprimer des réserves. En effet, dans un communiqué, le parti du président du conseil exécutif a jugé utile de rappeler que : « Le Préfet de Corse ne peut en aucun cas dire ou laisser penser que le PTIC financera l’aéroport de Figari à hauteur de 65 M€. Si ce choix était mis en œuvre, ce serait donc 13% du PTIC qui irait sur un seul aéroport (…) Le PTIC qui prend la suite du PEI doit permettre en priorité absolue un rattrapage effectif en infrastructures et services de base de tous les territoires et de toute la Corse (routes, santé, sport, numérique, chemin de fer, culture…) Il faudra donc analyser la situation avec l'ensemble des partenaires pour voir quels travaux, avec quel calendrier et selon quels financements ».
Cependant, une fois de plus, la majorité territoriale se retrouve quasiment hors-jeu. En effet, tout comme elle semble devoir s’accommoder de la bétonisation, de la spéculation immobilière, de la grande distribution, de l’installation massive de nouveaux arrivants, de la construction d’un port à l’Arinella (Bastia) pour accueillir de grands navires chargés de touristes, il lui faut cette fois accepter que les portes soient un peu plus ouvertes au tourisme de masse. En effet, c’est une évidence, l’augmentation de la capacité d’accueil de « Figari-Sud-Corse » qui se fera, ne sera pas destinée à accueillir une fréquentation étalée sur six ou huit mois.
Pour ce faire, une modernisation suffirait. Les transformations qui seront effectuées, en particulier l’extension de l’aérogare, le seront pour faire face à des pointes estivales. La tourisme va faire sauter la banque à hauteur de 65 M€ alors que pour le nationalisme ou une certaine idée de la Corse, une fois encore, rien n’ira plus.
Pierre Corsi