Le phoenix clanique
Récemment, des amis nationalistes ( eh oui j'en ai ) m'interrogeaient sur ce qu'ils désignaient comme un acharnement anti-nationaliste.
Le phœnix clanique
Récemment, des amis nationalistes (eh oui j’en ai !) m’interrogeaient sur ce qu’ils désignaient comme un acharnement anti-nationaliste. Et il est exact que je consacre à la majorité beaucoup de pages.
Je leur ai donné deux raisons majeures.
La première est que ce sont les nationalistes dirigent la Corse et qu’il me paraît plus logique de discuter des mesures prises par la majorité que de celles que proposent la minorité. Mais surtout, ajoutai-je, comment écrire sur le néant. Car enfin, qu’on regarde à droite ou à gauche, rien n’existe si ce n’est des personnalités souvent très attachantes, mais incapables de se regrouper.
Je vais donc récidiver et traiter cette fois-ci de ce qui est pour moi le péché originel du nationalisme : la négation de la personnalité profonde du peuple corse, son clanisme originel.
La contestation des clans
L’autonomisme corse est né entre les deux uerres après avoir balbutié au début du 20e siècle avec A Cispra et A Tramuntana. Ses initiateurs ont malhonnêtement et volontairement ignoré le combat essentiel des Paolistes, celui qui les opposait à Gênes. Les corsistes ont mis l’accent sur la conquête française puis, au fil des années, ont rejoint les positions fascistes et irrédentistes. Leur organe A Muvra, outre ses positions mussoliniennes, a affirmé un antisémitisme répugnant, contribuant ainsi à dévaloriser une idée qui se défendait sur le plan idéologique. Mais déjà étaient désignés comme ennemis « secondaires », les partis traditionnels aussi appelés « clans » depuis l’ouvrage du journaliste continental Paul Bourde, En Corse, feuilletonné pour le quotidien Le Temps à la fin du XIXe siècle.
Les muvristes puis les autonomistes modernes se sont attaqués aux « clans » comme à une tumeur exogène qu’il suffirait de retirer pour que le peuple corse retrouve une pureté originelle. À mon humble avis, cela revient à ignorer ou à nier la véritable nature de la totalité des sociétés méditerranéennes qui ont toujours fonctionné sur le mode tribal et troqué la lutte des classes contre l’échange de services.
Autrefois, on se mettait au service d’un seigneur ou d’un capurali qui, contre sa protection, exigeaient des bras capables de manier des arbalètes ou des fusils. Avec la démocratie, c’est le bulletin de vote qui est devenu une denrée d’échange. Il suffit d’étudier les archives des siècles passés, de suivre la vie démocratique à Marseille, à Toulon, à Nice pour constater que ce type de relations perdure non par le fait d’une autorité dictatoriale, mais parce que chacun pense y trouve son content : le capizzonu parce qu’il conserve ou gagne le pouvoir, le petit parce qu’il obtient un poste, une pension, un arrangement. Et les nationalistes pourront faire ce qu’ils voudront : ils devront passer sous les fourches caudines de ce système ou disparaître.
Avoir ses fidèles ou ne plus être visible
L’une des grandes mutations de cette dernière décennie n’a pas été la disparition du phénomène clanique, mais son adaptation mieux sa modernisation. Les vieux partis qui s’appuyaient sur une base rurale ou néorurale ou à Bastia sur une clientèle ouvrière, ont disparu. Les raisons ? Ces catégories socio-professionnelles sont, elles aussi, en voie d’extinction. Nous nous trouvons aujourd’hui dans une période transitoire. Le phénomène nationaliste est né d’une frustration sociale.
De très nombreux jeunes Corses qui avaient étudié sur le continent, estimaient dans les années 70 être en droit d’obtenir une part du pouvoir ce qui leur a été refusé par les vieux caciques partidaires avec l’assentiment d’un état français qui ne concevait la Corse que comme un territoire d’où émergeaient essentiellement de valeureux combattants aux ordres.
La réussite nationaliste correspond au début de déclin de l’état fort c’est-à-dire l’arrivée de la gauche au pouvoir. Dès lors, les clans, courroies de transmission du centre vers la périphérie corse, ont perdu de leur vigueur, mouvement accéléré par la mutation sociologique d’une France qui elle aussi perdait sa paysannerie et son prolétariat traditionnel. Or c’est justement en période de crise que les petites gens ont besoin de protection. Mais cette protection ne peut être assurée économiquement que par l’état et donc exige que les responsables corses aient de bonnes relations avec lui. Cherchez l’erreur.
Conclusion de l’équation corse : les nationalistes corses ne parviendront à se maintenir durablement au pouvoir que s’ils épousent le moule clanique et contribuent à la renaissance du système traditionnel ce d’ailleurs vers quoi ils s’orientent. Un papillon ne peut donner qu’un papillon même s’il passe par l’étape chenillaire.
Récemment, des amis nationalistes (eh oui j’en ai !) m’interrogeaient sur ce qu’ils désignaient comme un acharnement anti-nationaliste. Et il est exact que je consacre à la majorité beaucoup de pages.
Je leur ai donné deux raisons majeures.
La première est que ce sont les nationalistes dirigent la Corse et qu’il me paraît plus logique de discuter des mesures prises par la majorité que de celles que proposent la minorité. Mais surtout, ajoutai-je, comment écrire sur le néant. Car enfin, qu’on regarde à droite ou à gauche, rien n’existe si ce n’est des personnalités souvent très attachantes, mais incapables de se regrouper.
Je vais donc récidiver et traiter cette fois-ci de ce qui est pour moi le péché originel du nationalisme : la négation de la personnalité profonde du peuple corse, son clanisme originel.
La contestation des clans
L’autonomisme corse est né entre les deux uerres après avoir balbutié au début du 20e siècle avec A Cispra et A Tramuntana. Ses initiateurs ont malhonnêtement et volontairement ignoré le combat essentiel des Paolistes, celui qui les opposait à Gênes. Les corsistes ont mis l’accent sur la conquête française puis, au fil des années, ont rejoint les positions fascistes et irrédentistes. Leur organe A Muvra, outre ses positions mussoliniennes, a affirmé un antisémitisme répugnant, contribuant ainsi à dévaloriser une idée qui se défendait sur le plan idéologique. Mais déjà étaient désignés comme ennemis « secondaires », les partis traditionnels aussi appelés « clans » depuis l’ouvrage du journaliste continental Paul Bourde, En Corse, feuilletonné pour le quotidien Le Temps à la fin du XIXe siècle.
Les muvristes puis les autonomistes modernes se sont attaqués aux « clans » comme à une tumeur exogène qu’il suffirait de retirer pour que le peuple corse retrouve une pureté originelle. À mon humble avis, cela revient à ignorer ou à nier la véritable nature de la totalité des sociétés méditerranéennes qui ont toujours fonctionné sur le mode tribal et troqué la lutte des classes contre l’échange de services.
Autrefois, on se mettait au service d’un seigneur ou d’un capurali qui, contre sa protection, exigeaient des bras capables de manier des arbalètes ou des fusils. Avec la démocratie, c’est le bulletin de vote qui est devenu une denrée d’échange. Il suffit d’étudier les archives des siècles passés, de suivre la vie démocratique à Marseille, à Toulon, à Nice pour constater que ce type de relations perdure non par le fait d’une autorité dictatoriale, mais parce que chacun pense y trouve son content : le capizzonu parce qu’il conserve ou gagne le pouvoir, le petit parce qu’il obtient un poste, une pension, un arrangement. Et les nationalistes pourront faire ce qu’ils voudront : ils devront passer sous les fourches caudines de ce système ou disparaître.
Avoir ses fidèles ou ne plus être visible
L’une des grandes mutations de cette dernière décennie n’a pas été la disparition du phénomène clanique, mais son adaptation mieux sa modernisation. Les vieux partis qui s’appuyaient sur une base rurale ou néorurale ou à Bastia sur une clientèle ouvrière, ont disparu. Les raisons ? Ces catégories socio-professionnelles sont, elles aussi, en voie d’extinction. Nous nous trouvons aujourd’hui dans une période transitoire. Le phénomène nationaliste est né d’une frustration sociale.
De très nombreux jeunes Corses qui avaient étudié sur le continent, estimaient dans les années 70 être en droit d’obtenir une part du pouvoir ce qui leur a été refusé par les vieux caciques partidaires avec l’assentiment d’un état français qui ne concevait la Corse que comme un territoire d’où émergeaient essentiellement de valeureux combattants aux ordres.
La réussite nationaliste correspond au début de déclin de l’état fort c’est-à-dire l’arrivée de la gauche au pouvoir. Dès lors, les clans, courroies de transmission du centre vers la périphérie corse, ont perdu de leur vigueur, mouvement accéléré par la mutation sociologique d’une France qui elle aussi perdait sa paysannerie et son prolétariat traditionnel. Or c’est justement en période de crise que les petites gens ont besoin de protection. Mais cette protection ne peut être assurée économiquement que par l’état et donc exige que les responsables corses aient de bonnes relations avec lui. Cherchez l’erreur.
Conclusion de l’équation corse : les nationalistes corses ne parviendront à se maintenir durablement au pouvoir que s’ils épousent le moule clanique et contribuent à la renaissance du système traditionnel ce d’ailleurs vers quoi ils s’orientent. Un papillon ne peut donner qu’un papillon même s’il passe par l’étape chenillaire.