Crise sanitaire : l'année d'aprés
Bianca Fazi " Il faudra vacciner l'ensemble de la population mon diale pour gagner cette course contre le virus "
Crise sanitaire : l’année d’après
Un an s’est passé depuis le début d’une crise sanitaire qui a bouleversé la planète entière. À l’heure où la vaccination-bien que parfois controversée- se développe, le combat contre la pandémie où de nombreux variants surgissent, continue. En Corse, région moins impactée que d’autres, la mobilisation se poursuit. Mais l’île a payé un très lourd tribut sanitaire, économique, social, culturel et sportif. Et ce n’est malheureusement pas terminé. Pourra-t-elle s’en remettre ?
Comme dans un mauvais cauchemar, la Corse, comme la planète toute entière, a été frappée de plein fouet par la pandémie en 2020. Tout a commencé début mars avec la fermeture, pour une durée de quinze jours, des établissements scolaires ( quelques jours avant que la mesure ne s’étende sur tout le territoire national). Dans le même temps, les premiers cas dépistés de Coronavirus sont recensés sur Ajaccio. Soit, un mois et demi après les premiers à l’échelle nationale (à Paris et Bordeaux). Les trois cas authentifiés dans l’île (des retraités partis à un rassemblement évangélique à Mulhouse) seront à l’origine de la vague d’épidémie qui va se répandre dans toute l’île.
À Ajaccio, septième foyer d’épidémie recensé en France, un premier cluster est authentifié. Le 9 mars, soit quelques jours à peine, après le début de cette crise, un premier décès lié au Coronavirus survient dans l’île. À compter du 16 mars et ce pour quasiment deux mois, la Corse comme l’ensemble du pays est à l’arrêt avec le premier confinement.
16 mars : la Corse à l’arrêt
En avril, on note déjà 520 cas positifs dans l’île. D’où une inquiétude majeure. Les services de réanimation affichent complet. En même temps, les premiers masques arrivent. La culture, l’économie, le social sont à l’arrêt. Tout comme le sport qui au niveau insulaire paye un lourd tribut avec l’arrêt des compétitions. Si un retour progressif à une vie normale est envisagé à partir de mai après quasiment deux mois d’arrêt, la gronde se poursuit du côté des personnels soignants. Plus de 2500 personnes descendent dans la rue à Ajaccio courant juin pour demander de l’aide et surtout dénoncer une politique sanitaire catastrophique ces dernières années à l’échelle nationale.
Outre le domaine sanitaire, l’économie est largement impactée. Commerçants, hôteliers, restaurateurs, cafetiers craignent pour leur avenir même si la saison touristique, que l’on annonçait catastrophique permet, in fine, de limiter la casse avec une fréquentation moindre par rapport à 2019 (-25 % dans l’aérien et 30 % dans le maritime). Le pire a été évité. Mais cette surpopulation temporaire cumulée à un trop grand laxisme des Corses, voit le baromètre des cas positifs remonter (une vingtaine en juillet, plus de 50 en août).
Avant l’été, la proposition de Gilles Simeoni, Président de l’Exécutif, de mettre en place un green pass afin « de sauver la saison et de garantir, dans le même temps, la sécurité de la Corse », n’est pas retenue par le Gouvernement. Dans l’ensemble, ce retour à une vie normale n’est qu’un feu de paille malgré l’obligation de porter le masque sur le tout le territoire. Les craintes d’une deuxième vague se confirment très vite durant l’automne.
Le Gouvernement annonce un nouveau confinement à compter du 28 octobre. Nouveau coup dur pour l’économie, la culture et le sport (fermeture des salles, matchs en extérieur à huis clos pour les professionnels).
Vers un retour à une vie « normale » ?
L’île sera, comme partout, confinée (exception faite des établissements scolaires) jusqu’au 15 décembre. Un confinement plus souple remplacé par le couvre-feu à 20h. Peu à peu, et de par son insularité, la Corse, plutôt « bon élève » au niveau du respect des gestes barrières, se démarque en devenant l’une des régions les moins impactées.
À compter du 16 janvier 2021, le couvre-feu passe de 18h à 6h du matin sur l’ensemble du territoire national. Les commerces doivent s’adapter et ceux de plus 20000m2 de superficie réduits à l’essentiel. Début février, les premiers vaccins arrivent dans l’île...en même temps que le variant britannique. Le bilan de cette année douloureuse à plus d’un titre fait état de 178 morts, des milliers de personnes testées, des centaines de patients hospitalisés (54 au 9 mars) et, de l’autre côté, plus de 30000 personnes ayant subi la première injection du vaccin et 13500 la seconde.
Toujours sous le coup du couvre-feu à 18h, l’île attend maintenant la vaccination totale des habitants et une réouverture progressive des cafetiers, hôteliers, restaurateurs, des salles de sport et des lieux dédiés à la culture pour un retour à une vie « normale » pour lequel beaucoup sont sceptiques. Faudra encore patienter longtemps ? Ce retour arrivera-t-il ? L’avenir nous le dira mais avant de crier victoire, il restera sans doute à faire un état des lieux dans tous les domaines concernés afin d’en évaluer les pertes...
Bianca Fazi, conseillère territoriale en charge de la santé
« Il faudra vacciner l’ensemble de la population mondiale pour gagner cette course contre le virus »
Sur le front pour lutter contre la pandémie depuis le début en mars 2020, l’élue en charge, entre autres, de la santé revient sur cette année douloureuse avant d’évoquer les perspectives à court et moyen terme.
Un an s’est écoulé depuis début de la pandémie.
Quel bilan peut-on tirer de cette période ?
D’un point de vue sanitaire, on aurait pu mieux faire. Nous avons enregistré un trop grand nombre de décès et de patients gravement touchés pour une petite région. On ne connaît pas, en outre, cette maladie en totalité, il se peut qu’il y ait des séquelles chez certaines personnes. Et en plus de l’épidémie qui aurait été encore plus dévastatrice en termes de mortalité sans les périodes de confinement, les dommages collatéraux ont été importants.
Dans le cadre du Plan Blanc, tout ce qui relevait de la médecine conventionnelle a été déprogrammé avec pour conséquences, des patients atteints de pathologie grave fortement impactés (retard dans la prise en charge et pronostic péjoratif pour certains)…
Pour autant, beaucoup restent persuadés qu’un retour à une vie dite normale, c’est-à-dire, celle d’avant mars 2020 n’est plus très loin. Qu’en pensez-vous en tant que médecin ?
Il faudra certainement encore vivre quelques mois de cette façon. Nous comptons beaucoup sur la vaccination pour faire avancer les choses. Mais ce virus cherche un hébergeur et si une grande partie de la population n’est pas vaccinée et que nous n’arrivons pas à une immunité collective très vite, nous risquons de devoir faire face à un rebond de l’épidémie avec un virus qui va muter. C’est un danger.
Il y a tout de même un aspect optimiste. L’exemple d’Israël qui en est à 90 % de vaccination et des hospitalisations et contaminations en baisse très nette le démontre.
Où en est la vaccination aujourd’hui ?
Il semblerait qu’il y ait eu des retards au niveau de l’Europe qui est en charge d’approvisionner tous les pays. Mais nous avons été assurés que début avril un deuxième vaccin nécessitant une seule dose sera distribué. L’enjeu des mois à venir sera ensuite d’aller très vite sur la vaccination et sur l’ensemble des personnes. Pour l’heure, 90 % des personnes vivant en epadh ont été vaccinés, il est en quasiment de même pour les personnes dites à risque. À partir d’avril, nous pourrons vacciner progressivement l’ensemble de la population ce qui nous permettra d’arriver à une immunité collective et de gagner cette course contre le virus.
Peut-on craindre les variants, d’autant que la vaccination n’y est pas spécialement adaptée ?
C’est un peu le souci des virologues et des épidémiologistes. C’est la raison pour laquelle la vaccination doit se faire dans le monde entier et pas uniquement sur les pays occidentaux. Il appartient à ces pays d’alimenter les autres continents comme l’Afrique ou les pays les plus reculés d’Asie afin d’arriver à une immunité collective mondiale.
En tant que médecin, vous ne croyez sans doute pas à la théorie du complot ?
Pas le moins du monde ! Le risque de la pandémie est plus important que les risques éventuels d’effets secondaires suite à la vaccination. Quel pays peut avoir un intérêt dans cette pandémie ?
La Corse est-elle un « bon élève » dans le respect des gestes barrières et des protocoles ?
L’insularité nous protège ce qui est déjà un bon filtre. Les tests comme le green-pass en amont également. Enfin, les gestes barrières sont il est vrai très bien respectés malgré certaines fêtes qui n’étaient pas autorisées. Ce n’est pas le moment de se relâcher ! D’autant que le variant anglais est beaucoup plus contagieux. On constate en outre, qu’avec les gestes barrières, les pathologies virales sont en baisse.