L’espace, la Corse et le cor des Alpes ! " Cosmolitude 2021 "
Toujours interdits au public les théâtres. Mais les artistes répètent, mettent au point leurs spectacles de rentrée. Ainsi les créateurs du Space Opera, « Cosmolitude 2021 ».
L’espace, la Corse et le cor des Alpes !
« Cosmolitude 2021 »
Toujours interdits au public les théâtres. Mais les artistes répètent, mettent au point leurs spectacles de rentrée. Ainsi les créateurs du Space Opera, « Cosmolitude 2021 ». Quelques « pros » de la culture et de la presse ont pu assis-ter à une de leurs séances de travail durant leur résidence à Bastia. Chance… j’y étais !
Équipiers de cet « Odyssée de l’espace » newlook Celia Picciocchi au violon, Paul-Antoine de Rocca Serra au violoncelle, Laurent Gueirard à la batterie, Jacky Le Menn à la guitare et au chant. Instruments acoustiques et électro mêlés pour cette aventure musicale. En prime, inédite et stupéfiante la présence dans cette œuvre du cor des Alpes. Un invité improbable et archaïque, inventé par des bergers (on dit « armaillis » en Suisse) pour communiquer leurs états d’esprit et états d’âmes à leurs homologues perchés sur des hauteurs leur faisant face ou même plus lointaines grâce aux ricochets de l’écho.
L’instrument, creusé dans de bois d’épicéa, est imposant avec ses quatre mètres de long. Il peut porter à sept ou huit kilomètres de distance. Ses caractéristiques : une totale sobriété et une rusticité sophistiquée. Christian Humbert Droz excelle à en jouer. Il vient juste d’arriver de Genève. Ses explications sont passionnantes et son jeu remarquable. Le cor fait entendre un son très clair, mélodieux, enveloppant. Particularité de l’instrument on en obtient des tonalités différentes en modulant sa longueur. Un exercice obligé si on veut en jouer à plusieurs. On comprend vite en écoutant Humbert Droz, combien il n’a pas été simple pour Celia Picciocchi, arrangeuse, d’écrire une partition pour ce cor des Alpes !
Autre surprise : l’otamaton. Profil de note de musique pour cet instrument qui tient dans une main. Electronique il a été conçu au Japon. Sa résonance ? Elle pourrait s’apparenter à celle de la scie musicale, teintée de sons graves ou légèrement ridicules. En tous cas le résultat est plutôt étrange et inhabituel. Après les préliminaires, place au filage, autrement dit à la représentation sans spectateurs destinée à peaufiner le travail artistique global. La musique alterne des atmosphères âpres, tumultueuses avec des parenthèses où percent l’inquiétude, l’angoisse même, surlignées par la voix du chanteur qui s’élève en un torrent d’intranquillité. On peut soudain être emporter par une nostalgie qui se voit balayer par une colère qui va sembler se diluer par quelque chose rimant à une désespérance. Puis survient une respiration apportant un certain apaisement. Tour à tour, on vibre. On plane. On est dans un outre-terre.
Elément acteur de la perturbation ambiante le violoncelle sait également être d’une puissance rassurante. Son duo avec le cor des Alpes est une réussite d’une savante beauté qui ouvre sur une part de rêve.
« Cosmolitude 2021 » n’est pas seulement musique et chansons c’est encore une narration visuelle qui s’inscrit au fil de l’histoire sur une série d’écrans en fond de scène. Ecrans illuminés de fuchsia, de vert, de jaune fluo, touches portées par la sérigraphie de Christian Humbert Droz mariée aux dessins de Yann Le Borgne qui superposent silhouettes de cosmonaute et de menhirs sculptés évoquant Filitosa… Temps aboli ?..
•
◦ Projet porté par le Jakez Orkestra
Pourquoi votre fascination pour l’espace ? Depuis quand ? Le cinéma y joue-t-il un rôle ?
C’est en regardant « Et », à six ans, que j’ai ressenti ma première émotion pour l’espace. J’étais terrorisé et j’ai passé la moitié de la projection sous mon siège. Un vrai choc… mais pas effrayant. Pas traumatisant. Un choc, tout simplement, qui m’a poussé à continuer à m’intéresser à l’univers spatial, un peu à la manière d’un collectionneur sans cesse en quête de trouvailles. Toujours à l’affût pour découvrir des films, des séries sur l’exploration de l’espace y compris si c’était des navets ! De toutes façons l’espace est un axe fort de la pop culture. David Bowie nous en fournit un exemple. Des courants de la bande dessinée abordent aussi ce genre.
Vous passionnez-vous également pour l’astrophysique ?
Je ne suis pas trop scientifique mais j’aime les livres de vulgarisation sur la recherche en astrophysique parce qu’elle soulève des questions philosophiques de base. C’est là une mesure de la démesure qui soulève plus d’interrogations que de réponses… « Cosmolitude 2021 » représente notre première création abordant cet univers.
Votre spectacle correspond à un regain de curiosité pour l’espace avec l’envoi d’engins sur la Lune et sur Mars ?
Actuellement des sommes astronomiques sont consacrées à nouveau par des militaires et des scientifiques à l’exploration spatiale. Comme ce robot atterri sur Mars qui nous a permis aux terriens d’entendre le vent souffler sur la planète rouge. Effet de surprise totale pour nous musiciens. Stupéfaction aussi de constater autant de moyens déployés par rapport à la pauvreté, à l’aridité des paysages martiens. En fait ces images diffusées ne donnaient rien à voir… et tout à imaginer.
Musicalement présentez-nous « Cosmolitude 2021 » ?
Ce spectacle se compose d’enchaînements de bout en bout. Il n’y a rien de parlé entre les chansons. Pas d’humour. Pas de sketches type Jakez Orkestra. Pas de veine festive. Contrairement à notre habitude, à notre style on s’autorise des choses assez sombres, des morceaux assez longs. Tout repose sur une belle émotion et sur une belle intensité. J’ai composé le texte et la musique, Celia Picciocchi s’est chargé des arrangements ce qui a exigé beaucoup de temps.
Votre définition du Space Opera ?
Le Space Opera a ses schémas narratifs propres : départ de la terre, histoire centrée sur un personnage ou une équipe, aventures dans l’espace, retour ou non sur notre planète. Ce genre est doublé de questions philosophiques qui interroge souvent la solitude. « Cosmolitude 2021 » se rapproche pour moi de « Robinson Crusoé » avec pour axe : peut-on vivre seul ?
Les caractéristiques de l’histoire qui nous est contée ?
Elle n’est pas linéaire mais kaléidoscopique avec de nombreuses facettes, pas forcément dans l’ordre. Notre idée étant plutôt qu’il revienne au spectateur de faire sa narration personnelle.
Les thématiques qui traversent morceaux et chansons ?
S’il y a quelques passages gais, ce sont des parenthèses. L’ensemble est plus sobre que sombre. Les principales thématiques sont : le temps, le vieillissement, les films sur l’espace qui se sont épanouis dans les années 80, la solitude, les doutes que peut avoir un individu sur la société qui est la sienne. Ça commence d’ailleurs par : « Ont-ils fait le plein d’essence » au démarrage de la fusée ?
Peut-on se hasarder à dire que votre spectacle fait le récit d’un cosmonaute qui veut échapper à l’enfer terrestre ?
Ça pourrait ressembler à ça. Ce serait en quelque sorte une fuite obligée due au stress écologique. Ou parce que la terre est devenue invivable. Ou encore parce que le cosmonaute ne supporte plus ses congénères… Malgré tout on cherche à rassurer les jeunes par notre approche musicale et poétique qui incite à continuer à faire société.
« Tout repose sur une belle émotion
et une belle intensité. »
Jacky Le Menn
Comment avez-vous articulé le travail avec les autres participants à la création du spectacle ?
Après la phase de composition et d’arrangements nous avons débuté les répétitions à trois avec le violoncelliste, Paul Antoine de Rocca Serra. Ensuite lors de la première résidence d’artistes, Yann Le Borgne, plasticien-batteur, est venu se joindre à nous. Pendant le spectacle, outre dessins et percussions, il joue d’un instrument à vent et chante une chanson. A Bastia où se déroule notre avant-dernière résidence c’est Christian Humbert Droz, sérigraphe et joueur de cor des Alpes, qui est venu nous rejoindre. Juste avant le festival, « BD à Bastia », aura lieu notre ultime résidence et ce sera à Cargèse, en septembre.
Comment le Jakez Orkestra vit-il la bizarre période qui est la nôtre ?
« Cosmilitude 21 » est un projet à long terme qui a nécessité beaucoup de dossiers et plusieurs résidences d’artistes. Nous avons reçu des avis favorables au moment même où commençait le premier confinement. Conséquence : nous n’avons jamais autant travaillé, sans nous produire en public, bien sûr… Bref, nous n’avons pas chômé, absorbés par toutes les préparations et tout ce qu’il fallait régler sur scène… Un paradoxe dû au hasard !
• Propos recueillis par M.A-P
« Cosmolitude 2021 »
Toujours interdits au public les théâtres. Mais les artistes répètent, mettent au point leurs spectacles de rentrée. Ainsi les créateurs du Space Opera, « Cosmolitude 2021 ». Quelques « pros » de la culture et de la presse ont pu assis-ter à une de leurs séances de travail durant leur résidence à Bastia. Chance… j’y étais !
Équipiers de cet « Odyssée de l’espace » newlook Celia Picciocchi au violon, Paul-Antoine de Rocca Serra au violoncelle, Laurent Gueirard à la batterie, Jacky Le Menn à la guitare et au chant. Instruments acoustiques et électro mêlés pour cette aventure musicale. En prime, inédite et stupéfiante la présence dans cette œuvre du cor des Alpes. Un invité improbable et archaïque, inventé par des bergers (on dit « armaillis » en Suisse) pour communiquer leurs états d’esprit et états d’âmes à leurs homologues perchés sur des hauteurs leur faisant face ou même plus lointaines grâce aux ricochets de l’écho.
L’instrument, creusé dans de bois d’épicéa, est imposant avec ses quatre mètres de long. Il peut porter à sept ou huit kilomètres de distance. Ses caractéristiques : une totale sobriété et une rusticité sophistiquée. Christian Humbert Droz excelle à en jouer. Il vient juste d’arriver de Genève. Ses explications sont passionnantes et son jeu remarquable. Le cor fait entendre un son très clair, mélodieux, enveloppant. Particularité de l’instrument on en obtient des tonalités différentes en modulant sa longueur. Un exercice obligé si on veut en jouer à plusieurs. On comprend vite en écoutant Humbert Droz, combien il n’a pas été simple pour Celia Picciocchi, arrangeuse, d’écrire une partition pour ce cor des Alpes !
Autre surprise : l’otamaton. Profil de note de musique pour cet instrument qui tient dans une main. Electronique il a été conçu au Japon. Sa résonance ? Elle pourrait s’apparenter à celle de la scie musicale, teintée de sons graves ou légèrement ridicules. En tous cas le résultat est plutôt étrange et inhabituel. Après les préliminaires, place au filage, autrement dit à la représentation sans spectateurs destinée à peaufiner le travail artistique global. La musique alterne des atmosphères âpres, tumultueuses avec des parenthèses où percent l’inquiétude, l’angoisse même, surlignées par la voix du chanteur qui s’élève en un torrent d’intranquillité. On peut soudain être emporter par une nostalgie qui se voit balayer par une colère qui va sembler se diluer par quelque chose rimant à une désespérance. Puis survient une respiration apportant un certain apaisement. Tour à tour, on vibre. On plane. On est dans un outre-terre.
Elément acteur de la perturbation ambiante le violoncelle sait également être d’une puissance rassurante. Son duo avec le cor des Alpes est une réussite d’une savante beauté qui ouvre sur une part de rêve.
« Cosmolitude 2021 » n’est pas seulement musique et chansons c’est encore une narration visuelle qui s’inscrit au fil de l’histoire sur une série d’écrans en fond de scène. Ecrans illuminés de fuchsia, de vert, de jaune fluo, touches portées par la sérigraphie de Christian Humbert Droz mariée aux dessins de Yann Le Borgne qui superposent silhouettes de cosmonaute et de menhirs sculptés évoquant Filitosa… Temps aboli ?..
•
◦ Projet porté par le Jakez Orkestra
Pourquoi votre fascination pour l’espace ? Depuis quand ? Le cinéma y joue-t-il un rôle ?
C’est en regardant « Et », à six ans, que j’ai ressenti ma première émotion pour l’espace. J’étais terrorisé et j’ai passé la moitié de la projection sous mon siège. Un vrai choc… mais pas effrayant. Pas traumatisant. Un choc, tout simplement, qui m’a poussé à continuer à m’intéresser à l’univers spatial, un peu à la manière d’un collectionneur sans cesse en quête de trouvailles. Toujours à l’affût pour découvrir des films, des séries sur l’exploration de l’espace y compris si c’était des navets ! De toutes façons l’espace est un axe fort de la pop culture. David Bowie nous en fournit un exemple. Des courants de la bande dessinée abordent aussi ce genre.
Vous passionnez-vous également pour l’astrophysique ?
Je ne suis pas trop scientifique mais j’aime les livres de vulgarisation sur la recherche en astrophysique parce qu’elle soulève des questions philosophiques de base. C’est là une mesure de la démesure qui soulève plus d’interrogations que de réponses… « Cosmolitude 2021 » représente notre première création abordant cet univers.
Votre spectacle correspond à un regain de curiosité pour l’espace avec l’envoi d’engins sur la Lune et sur Mars ?
Actuellement des sommes astronomiques sont consacrées à nouveau par des militaires et des scientifiques à l’exploration spatiale. Comme ce robot atterri sur Mars qui nous a permis aux terriens d’entendre le vent souffler sur la planète rouge. Effet de surprise totale pour nous musiciens. Stupéfaction aussi de constater autant de moyens déployés par rapport à la pauvreté, à l’aridité des paysages martiens. En fait ces images diffusées ne donnaient rien à voir… et tout à imaginer.
Musicalement présentez-nous « Cosmolitude 2021 » ?
Ce spectacle se compose d’enchaînements de bout en bout. Il n’y a rien de parlé entre les chansons. Pas d’humour. Pas de sketches type Jakez Orkestra. Pas de veine festive. Contrairement à notre habitude, à notre style on s’autorise des choses assez sombres, des morceaux assez longs. Tout repose sur une belle émotion et sur une belle intensité. J’ai composé le texte et la musique, Celia Picciocchi s’est chargé des arrangements ce qui a exigé beaucoup de temps.
Votre définition du Space Opera ?
Le Space Opera a ses schémas narratifs propres : départ de la terre, histoire centrée sur un personnage ou une équipe, aventures dans l’espace, retour ou non sur notre planète. Ce genre est doublé de questions philosophiques qui interroge souvent la solitude. « Cosmolitude 2021 » se rapproche pour moi de « Robinson Crusoé » avec pour axe : peut-on vivre seul ?
Les caractéristiques de l’histoire qui nous est contée ?
Elle n’est pas linéaire mais kaléidoscopique avec de nombreuses facettes, pas forcément dans l’ordre. Notre idée étant plutôt qu’il revienne au spectateur de faire sa narration personnelle.
Les thématiques qui traversent morceaux et chansons ?
S’il y a quelques passages gais, ce sont des parenthèses. L’ensemble est plus sobre que sombre. Les principales thématiques sont : le temps, le vieillissement, les films sur l’espace qui se sont épanouis dans les années 80, la solitude, les doutes que peut avoir un individu sur la société qui est la sienne. Ça commence d’ailleurs par : « Ont-ils fait le plein d’essence » au démarrage de la fusée ?
Peut-on se hasarder à dire que votre spectacle fait le récit d’un cosmonaute qui veut échapper à l’enfer terrestre ?
Ça pourrait ressembler à ça. Ce serait en quelque sorte une fuite obligée due au stress écologique. Ou parce que la terre est devenue invivable. Ou encore parce que le cosmonaute ne supporte plus ses congénères… Malgré tout on cherche à rassurer les jeunes par notre approche musicale et poétique qui incite à continuer à faire société.
« Tout repose sur une belle émotion
et une belle intensité. »
Jacky Le Menn
Comment avez-vous articulé le travail avec les autres participants à la création du spectacle ?
Après la phase de composition et d’arrangements nous avons débuté les répétitions à trois avec le violoncelliste, Paul Antoine de Rocca Serra. Ensuite lors de la première résidence d’artistes, Yann Le Borgne, plasticien-batteur, est venu se joindre à nous. Pendant le spectacle, outre dessins et percussions, il joue d’un instrument à vent et chante une chanson. A Bastia où se déroule notre avant-dernière résidence c’est Christian Humbert Droz, sérigraphe et joueur de cor des Alpes, qui est venu nous rejoindre. Juste avant le festival, « BD à Bastia », aura lieu notre ultime résidence et ce sera à Cargèse, en septembre.
Comment le Jakez Orkestra vit-il la bizarre période qui est la nôtre ?
« Cosmilitude 21 » est un projet à long terme qui a nécessité beaucoup de dossiers et plusieurs résidences d’artistes. Nous avons reçu des avis favorables au moment même où commençait le premier confinement. Conséquence : nous n’avons jamais autant travaillé, sans nous produire en public, bien sûr… Bref, nous n’avons pas chômé, absorbés par toutes les préparations et tout ce qu’il fallait régler sur scène… Un paradoxe dû au hasard !
• Propos recueillis par M.A-P