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Coup de gueule contre certaines pratiques d'U Levante

U Levantu est chez nous une vache sacrée voire un totem.
U Levante est chez nous une vache sacrée voire un totem. Interdit de critiquer sauf à risquer l’accusation d’être un suppôt des grands propriétaires et un destructeur de la nature. J’ai déjà écrit avoir le plus profond respect pour les militants, ceux qui prennent des risques en défendant des causes honorables. Il n’empêche qu’une société se construit à partir d’équilibres et qu’il suffit que l’un des éléments de ladite société flanche pour que les autres se disputent tout aussitôt la place libérée.

Eh bien, je pense qu’aujourd’hui, à cause des défaillances de l’État, de l’apathie des citoyens, les associations occupent un espace qui dépasse largement les frontières de celui qui devrait être le leur. Très récemment, U Levante s’est attaqué à deux cas bien différents. Et j’ai trouvé leurs méthodes intrusives, inquisitoriales et leur jugement injuste.

Le domaine Peretti : des constructions illégitimes ?

Je précise pour éviter tout faux procès que je ne connais pas Julien Peretti pas plus que Maddalena Serpentini. J’ai lu les dossiers produits par U Levante dans le Journal de la Corse, des dossiers au contenu très technique et à la présentation franchement désastreuse. Le dossier Peretti traite d’une affaire qui traîne depuis des années. En 2011, trois permis ont été accordés par la préfecture en accord avec la commune de Coti Chjavari à Julien Peretti afin de construire sur le domaine de sa famille des infrastructures à but touristique. Les permis ont été attaqués par U Levante et le Garde qui demandaient la remise en état arguant que l’endroit se trouvait en zone littorale inconstructible. Julien Peretti a fait construire fort de ses autorisations. Le 11 mars dernier, le tribunal d’Ajaccio, dix ans après l’obtention des permis, a fait droit à la demande des deux associations et ordonné la démolition des constructions. Julien Peretti a quatre mois pour procéder à la destruction de ses biens faute de quoi il devra payer 400 euros par mois. Les deux associations ont été dans leur rôle qui est celui de la dénonciation d’infractions en jouant sur le long terme. Mais on peut néanmoins s’étonner de ce que la justice infirme les décisions du représentant de l’État dix ans plus tard. Julien Peretti a pu croire qu’il était dans son bon droit et entamer son projet. D’autant qu’il n’a construit que sur une propriété où sa famille a travaillé et vécu depuis des générations.

Un cri de victoire indécent Le cri de victoire d’U Levante a quelque chose d’indécent.

En admettant que sa plainte ait été justifiée, il faut avoir un bien curieux état d’esprit pour se réjouir d’avoir causé la ruine d’un jeune Corse qui a décidé d’entreprendre dans cette île où on préfère trop souvent travailler dans la fonction publique (ce qui n’a rien de déshonorant, mais qui est nettement moins risqué) ou mieux d’être assisté. Bref en un mot comme en mille, U Levante et le Garde auraient été bien inspirés d’avoir le triomphe modeste voire silencieux. Quant à Julien Peretti, il me semble qu’il a été bien mal conseillé pour en arriver à un tel résultat. Je ne connais pas suffisamment bien le droit pour dire s’il pourra s’en tirer. Mais je lui souhaite de tout mon cœur d’y arriver. Je reviendrai plus loin sur l’impression que laisse la lecture du dossier d’U Levante.

U Levante contre la légalité

Autre cas d’espèce que celui des ombrières photovoltaïques de Pinia. Là, pour le coup, tout est légal. Mieux tout est écologique puisqu’il s’agit d’aider à la croissance d’agrumes grâce à des panneaux photovoltaïques. Le dossier d’U Levante semble avoir été écrit de petits tabellions tatillons guidés par une forme d’aigreur inquisitoriale. Une jeune agricultrice, Maddalena Serpentini et ses associés ont eu l’idée de construire cent trente ombrières de 1 000 m2 chacune, qui abriteront 40 plants d’orangers, de citronniers, de clémentiniers et de bigaradiers à fleurs. C’est un projet qui a reçu tous les agréments nécessaires : une production innovante et expérimentale d’argrivoltaïsme à laquelle est associé l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) de San Giuliano, dont les agronomes ont accepté de suivre l’évolution de ces arbres fruitiers qui poussent habituellement à ciel ouvert, dixit Corse-Matin. Panneaux solaires, plus d’engrais… cela devrait plaire à nos Torquemada environnementalistes se dit-on. Encore raté. Nos grincheux dénoncent le « gigantisme » du projet, le désir de rentabilité de ses initiateurs. N’importe où ailleurs dans le monde, cela aurait été salué comme une expérience innovante. Pas en Corse où trop souvent on préfère le néant à toute avancée. « U Levante y voit surtout un projet destiné à tirer bénéfice de la production d’énergie photovoltaïque. Pour l’association, l’Inrae serait en quelque sorte la caution, le cheval de Troie pour l’implantation de champs solaires sur la terre de Pinia.» En d’autres termes, ce qui est condamné n’est pas ce qui a été fait, mais l’éventuelle intention de ce qui va être fait.
U Levante devient donc la police de nos possibles rêves. Cela ressemble à du Kadaré dans Le Palais des Rêves.

Pour U Levante mieux vaut le laid légal que le beau en dehors des clous Résumons :

U Levante
attaque ce qui n’est pas légal. Soit. Même si le filet protecteur de l’association comporte des tolérances pour certains amis. Mais admettons pour la forme. Mais il y a tout de même la question de fond qui est celle de quelle Corse nous voulons. U Levante ne connaît qu’un bréviaire, celui le texte de la loi littoral. Des années durant, elle l’a brandie comme un prêtre brandirait un crucifix devant le Diable. Le résultat est pour le moins paradoxal et attristant. La rive sud ajaccienne par exemple, celle qui côtoie le domaine de Julien Peretti, est en train de devenir le mur de l’Atlantique. Depuis l’arrêt des plasticages, ce ne sont plus des maisons qui succèdent aux maisons, mais des barres d’immeubles en file indienne. Mais c’est légal grâce au mitage. Donc on ne touche pas.
Prenons ensuite le domaine de Murtoli que j’estime être une véritable réussite en matière environnementale et esthétique mais une matérialisation de l’enfer sur terre pour U Levante. À quelques encablures se trouve la baie de Tizzanu défigurée par d’affreuses constructions légalement édifiées sur les ruines d’anciennes bergeries comme d’ailleurs celles de Peretti. Jamais U Levante ne les a simplement citées, peut-être parce qu’elles sont la propriété des nationalistes pur sucre et bien entendu « grands défenseurs de l’environnement » devant l’Éternel.

Un regard inquisitorial


On ne peut nier le caractère positif du travail des organisations environnementales. Elles ont notamment été le substitut heureux à la régulation par l’explosif. Dans une île où les puissants se croient trop souvent tout permis, il est bon que des citoyens se lèvent avec courage pour dire « ça suffit comme ça ». Mais encore faudrait-il que derrière ces actions il y ait un dessein, un projet qui soit autre chose que les caprices d’animateurs souvent fort éloignés d’une dynamique visionnaire. Encore faudrait-il qu’il y ait réellement une levée citoyenne et non le travail de quelques spécialistes guidés par une forme de ressentiment. U Levante étaye trop souvent ses dossiers de récriminations qui n’ont rien à y faire. Ses explications concernant Pinia sont tout simplement scandaleuses et témoignent d’une mégalomanie dérangeante. Que ceux qui bâtissent un bien aient envie de le rentabiliser et d’en vivre est une préoccupation on ne peut plus compréhensible. Cela ne regarde en aucune façon les associations. Il faut même espérer qu’en Corse, des entrepreneurs audacieux et honnêtes puissent créer et faire fructifier leurs affaires. Sinon cela voudrait dire que seuls les voyous couverts par des promoteurs sans scrupule, arriveront à leurs fins.
Les associations doivent rester à leur place, rien qu’à leur place. Elles ne sauraient être tout à la fois enquêtrices, juges et bourreaux.

Un état défaillant

Trop souvent U Levante m’a paru mû par la jalousie et l’envie plutôt que par l’intérêt global de la Corse qui ne peut être que celui de son développement harmonieux, un équilibre entre novation et esthétique. Ses dossiers sont tellement techniques qu’ils donnent l’impression de vouloir rester dans le cénacle de spécialistes. Or l’avenir de la Corse se jouera grâce à l’esprit citoyen et non à l’existence de « sauveurs suprêmes » qu’ils fussent cagoulés ou visibles (je préfère bien entendu cette dernière catégorie). Je tiens à préciser que je serai toujours aux côtés des militants associatifs dès lors qu’ils subiront menaces verbales ou physiques. Mais je m’octroie le droit de leur dire en face ce que je pense. Mais la dérive associative ne survient que grâce aux carences de l’état. Je pense à la paillote de la plage d’argent, aux dix ans nécessaires pour statuer sur la propriété Peretti qui devrait être indemnisé par cet état incapable d’agir sans les dénonciations associatives. Pour ma part, je me prononce pour le beau contre le laid, pour l’esprit entrepreneurial contre toute logique qui entretient notre lascia corre séculaire.

Enfin, je conclurai en constatant que malheureusement la profusion de béton sur notre littoral signe l’échec des associations et pourrait malheureusement donner raison aux plastiqueurs. Et cela est catastrophique.

GXC
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