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Eric Poli , Président du conseil interprofessionnel des Vins de Corse: "Lutter contre le gel , c'est compliqué et coûteux"

De Patrimonio à Figari, la vague de froid d’il y a deux semaines a causé de gros dégâts sur le vignoble insulaire. Président du Conseil Interprofessionnel des Vins de Corse, Éric Poli revient sur cet épisode de gel qui reste un phénomène rare,...
Éric Poli : « Lutter contre le gel, c’est compliqué et coûteux »

De Patrimonio à Figari, la vague de froid d’il y a deux semaines a causé de gros dégâts sur le vignoble insulaire. Président du Conseil Interprofessionnel des Vins de Corse, Éric Poli revient sur cet épisode de gel qui reste un phénomène rare, difficile à combattre.


Récemment, les températures négatives nocturnes n’ont pas épargné plusieurs viticulteurs insulaires dont les vignes ont été gelées…

Les trois appellations du sud ont été touchées (Sartène, Figari et Porto-Vecchio), ainsi que celle de Patrimonio. Le niellucciu, qui est un peu en avance cette année, est le cépage qui a été le plus touché. Il a gelé à -4 pendant une heure ou deux. A cette température-là, il ne résiste pas et meurt. Pour certains vignerons, il y a 20 à 30 % de dégâts, pour d’autres 50 à 60% de leur production a été impactée.


Ces épisodes sont-ils fréquents ?

Non, et c’est justement pour ça que le gel n’est pas indemnisé par le fonds des calamités. En Corse, les accidents climatiques et les épisodes comme celui-ci sont relativement rares. Ça arrive à peu près tous les vingt ans. Le dernier dont je me rappelle remonte à 2000 ou 2001. Malheureusement, quand nous sommes touchés, nous le sommes vraiment.


Peut-on s’assurer contre ce type d’événement climatique ?

Assurer des vignes, chez nous, c’est à la fois compliqué et relativement cher. Les assurances sont très onéreuses, avec des franchises où, en-deçà de 30% de dégâts, on ne vous indemnise pas. Au niveau national, seulement 25% des vignerons sont assurés. Les clauses sont trop importantes pour que cela soit réellement efficace. Aujourd’hui, nous ne bénéficions plus des aides du fonds des calamités agricoles car le gel est considéré comme un dégât assurable. Ce qui est problématique pour les vignerons touchés qui ne pourront pas fournir leur marché.


Quels sont les moyens pour lutter contre le gel ?

Il y en a beaucoup : fils chauffants, bougies, brûler de la paille pour faire un nuage de fumée ; il y a également les asperseurs qui permettent d’enrober le bourgeon du raisin. L’ODARC propose de nous aider là-dessus mais les outils sont très coûteux, et il faut savoir les maîtriser. Après, on peut se poser la question de savoir si ça vaut le coup quand ça arrive tous les vingt ans. Si ça devient répétitif, il faut vraiment étudier la chose. Certaines vignes sont peut-être gelées un peu plus souvent que d’autres. Lutter contre le gel, c’est compliqué et coûteux, même avec ces outils-là. D’autant qu’il y a des surfaces à couvrir.


Mi-avril, une réunion a eu lieu entre l’ODARC et les représentants de la filière viticole. Qu’avez-vous demandé ?

Nous avons fait part à l’ODARC de nos difficultés et de nos besoins. Il faut que ceux qui ont été véritablement touchés par cet épisode de gel puissent bénéficier d’une aide directe afin d’avoir un peu de trésorerie pour être encore là l’année prochaine. On a aussi évoqué de modifier le cahier des charges pour pouvoir acheter du raisin d’une autre appellation. Mais le jeune agriculteur qui a perdu sa récolte et qui, en plus, doit sortir une somme d’argent importante pour racheter son stock de raisin, ça lui fait double peine. On a donc proposé à l’ODARC d’étudier au cas par cas.


La crise sanitaire, le gel, les vignerons ne sont pas épargnés en ce moment. Comment voyez-vous l’avenir ?

Si je regarde ce qui passe de l’autre côté de la mer, je me dis qu’on n’est pas si mal lotis. Le coût est moins important chez nous qu’ailleurs. Il est vrai que le Covid puis maintenant le gel, ça fait beaucoup. Mais je pense qu’il faut en tirer les leçons. Il faut segmenter les marchés et ne pas en avoir qu’un seul. Il faut que tout le monde puisse avoir des marchés sur le continent et à l’étranger. Et peut-être aussi dans la grande distribution qui, malgré tout, tourne un petit peu. On survit avec ça. Il faut se réinventer un peu, apprendre à communiquer et à vendre différemment. Sans oublier que dans notre région, la solidarité peut fonctionner aussi entre les coopératives. On reste quand même une région assez dynamique, avec de bons produits. Il va aussi falloir qu’on ait de la clientèle cet été pour sortir de l’ornière. Pour l’instant, on tient le coup.
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