IVG : 14 semaines pourquoi pas, mais pas que ça !
Ce mois d'avril , 343 femmes "femmes et personnes pouvant vivre une grossesse" revendique un allongement....
IVG : 14 semaines pourquoi pas, mais pas que ça !
J’éprouve le désagréable ressenti que plutôt que d’engager un combat qui pourrait certes être long et difficile, il est fait le choix d’une solution de l’immédiateté propre à la culture dominante d’aujourd’hui.
En avril 1971, 343 femmes ont signé un manifeste qui a été publié par l’hebdomadaire de gauche Le Nouvel Observateur dans lequel elles affirmaient : « Je déclare avoir avorté ». Parmi elles figuraient de grands noms de la littérature, du cinéma, du barreau, de la cause féministe : Simone de Beauvoir, Catherine Deneuve, Marguerite Duras, Gisèle Halimi, Jeanne Moreau, Yvette Roudy, François Sagan… A cette époque, pour les pauvres ainsi que pour toutes celles qui craignaient ou subissaient le rejet parental, familial ou social, avorter était une pratique clandestine qui était le fait soit de « faiseuses d’anges » intervenant dans des conditions sanitaires déplorables, soit de professionnels de santé ignoblement cupides ou merveilleusement militants.
Pour les riches ou celles qui avaient la chance d’avoir des parents ou une famille à l’esprit ouvert, avorter c’était « des vacances » pour se rendre dans les cliniques ou hôpitaux de pays où était reconnu le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Signer le manifeste était donc un acte de solidarité sociale et de combat pour la dignité car il signifiait refuser des situations d’inégalité et de danger et affirmait le droit de la femme à disposer de son corps. C’était aussi un acte courageux car avorter étant constitutif d’un délit, chacune des signataires risquait une condamnation pénale et encourrait qu’une partie de la société jetât l’opprobre sur elle. Aucune d’entre elles n'a cependant été poursuivie car le courant d’opinion en faveur d’une légalisation de l’IVG s’est affirmé et n’a cessé de se renforcer après la parution du manifeste.
Et, quatre ans plus tard, a été adoptée la Loi Veil qui est apparue comme un compromis entre le respect de la volonté et du corps des femmes, et la prise en compte du respect de la vie.
Faillite de notre société
Ce mois d’avril, 343 femmes « femmes et personnes pouvant vivre une grossesse » ont signé une tribune qui revendique un allongement du délai de recours à l'IVG. Les signataires demandent qu’il soit fixé à 14 semaine et non plus à 12. N’ayant ni des compétences médicales, ni la prétention de m’ériger en gardienne d’une éthique, je me garderai d’approuver ou condamner cette revendication. Sachant que des femmes ont été confrontées à un refus d’avorter car ayant dépassé le cap fatidique des 12 semaines, j’aurais d’ailleurs plutôt tendance à ne pas fermer la porte.
Cependant cette tribune suscite en moi la furieuse envie d’évoquer trois problématiques. D’abord je m’interroge sur la terminologie « femmes et personnes pouvant vivre une grossesse ». Cette terminologie m’inquiète car elle suggère qu’au nom de je ne sais quelle conception d’égalité entre les sexes ou de légitime contestation de la « femme pondeuse », un certain féminisme accepterait qu’une grossesse soit menée à terme hors d’un ventre féminin. J’espère vraiment avoir mal compris…
Autre interrogation, demander une prolongation 14 au lieu de 12 semaines n’est-il pas l’aveu que notre société est en échec ? En effet, cela révèle que près d’un demi-siècle après la loi Veil, nos structures éducatives, d’action sociale et médicales restent défaillantes. D’une part, car elles sont incapables d’informer et sensibiliser suffisamment pour éviter à la femme, jeune ou moins jeune, d’être enceinte sans l’avoir désiré. D’autre part, car les moyens manquent pour que le délai de 12 semaines soit respecté, y compris si une grossesse tardivement décelée ou signalée, impose une intervention urgente. Enfin je me demande si confrontée à une prise de conscience de cette faillite, on ne trouve à opposer qu’une « speed solution ». J’éprouve en effet le désagréable ressenti que les 343 signataires d’avril 2021 plutôt que d’engager un combat qui pourrait certes être long et difficile pour que l’on renforce l’éducation, la sensibilisation et la prise en charge, ont fait le choix d’une solution de l’immédiateté propre à la culture dominante d’aujourd’hui ; solution qui, sous couvert d’extension d’un droit accru à disposer de son corps, abandonne la femme aux conséquences douloureuses et traumatisantes de l’incapacité de la société à se doter d’outils de pédagogie, d’accueil, de prise en charge et de soutien.
Alors 14 semaines pourquoi pas, mais pas que çà…
• Alexandra Sereni
J’éprouve le désagréable ressenti que plutôt que d’engager un combat qui pourrait certes être long et difficile, il est fait le choix d’une solution de l’immédiateté propre à la culture dominante d’aujourd’hui.
En avril 1971, 343 femmes ont signé un manifeste qui a été publié par l’hebdomadaire de gauche Le Nouvel Observateur dans lequel elles affirmaient : « Je déclare avoir avorté ». Parmi elles figuraient de grands noms de la littérature, du cinéma, du barreau, de la cause féministe : Simone de Beauvoir, Catherine Deneuve, Marguerite Duras, Gisèle Halimi, Jeanne Moreau, Yvette Roudy, François Sagan… A cette époque, pour les pauvres ainsi que pour toutes celles qui craignaient ou subissaient le rejet parental, familial ou social, avorter était une pratique clandestine qui était le fait soit de « faiseuses d’anges » intervenant dans des conditions sanitaires déplorables, soit de professionnels de santé ignoblement cupides ou merveilleusement militants.
Pour les riches ou celles qui avaient la chance d’avoir des parents ou une famille à l’esprit ouvert, avorter c’était « des vacances » pour se rendre dans les cliniques ou hôpitaux de pays où était reconnu le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Signer le manifeste était donc un acte de solidarité sociale et de combat pour la dignité car il signifiait refuser des situations d’inégalité et de danger et affirmait le droit de la femme à disposer de son corps. C’était aussi un acte courageux car avorter étant constitutif d’un délit, chacune des signataires risquait une condamnation pénale et encourrait qu’une partie de la société jetât l’opprobre sur elle. Aucune d’entre elles n'a cependant été poursuivie car le courant d’opinion en faveur d’une légalisation de l’IVG s’est affirmé et n’a cessé de se renforcer après la parution du manifeste.
Et, quatre ans plus tard, a été adoptée la Loi Veil qui est apparue comme un compromis entre le respect de la volonté et du corps des femmes, et la prise en compte du respect de la vie.
Faillite de notre société
Ce mois d’avril, 343 femmes « femmes et personnes pouvant vivre une grossesse » ont signé une tribune qui revendique un allongement du délai de recours à l'IVG. Les signataires demandent qu’il soit fixé à 14 semaine et non plus à 12. N’ayant ni des compétences médicales, ni la prétention de m’ériger en gardienne d’une éthique, je me garderai d’approuver ou condamner cette revendication. Sachant que des femmes ont été confrontées à un refus d’avorter car ayant dépassé le cap fatidique des 12 semaines, j’aurais d’ailleurs plutôt tendance à ne pas fermer la porte.
Cependant cette tribune suscite en moi la furieuse envie d’évoquer trois problématiques. D’abord je m’interroge sur la terminologie « femmes et personnes pouvant vivre une grossesse ». Cette terminologie m’inquiète car elle suggère qu’au nom de je ne sais quelle conception d’égalité entre les sexes ou de légitime contestation de la « femme pondeuse », un certain féminisme accepterait qu’une grossesse soit menée à terme hors d’un ventre féminin. J’espère vraiment avoir mal compris…
Autre interrogation, demander une prolongation 14 au lieu de 12 semaines n’est-il pas l’aveu que notre société est en échec ? En effet, cela révèle que près d’un demi-siècle après la loi Veil, nos structures éducatives, d’action sociale et médicales restent défaillantes. D’une part, car elles sont incapables d’informer et sensibiliser suffisamment pour éviter à la femme, jeune ou moins jeune, d’être enceinte sans l’avoir désiré. D’autre part, car les moyens manquent pour que le délai de 12 semaines soit respecté, y compris si une grossesse tardivement décelée ou signalée, impose une intervention urgente. Enfin je me demande si confrontée à une prise de conscience de cette faillite, on ne trouve à opposer qu’une « speed solution ». J’éprouve en effet le désagréable ressenti que les 343 signataires d’avril 2021 plutôt que d’engager un combat qui pourrait certes être long et difficile pour que l’on renforce l’éducation, la sensibilisation et la prise en charge, ont fait le choix d’une solution de l’immédiateté propre à la culture dominante d’aujourd’hui ; solution qui, sous couvert d’extension d’un droit accru à disposer de son corps, abandonne la femme aux conséquences douloureuses et traumatisantes de l’incapacité de la société à se doter d’outils de pédagogie, d’accueil, de prise en charge et de soutien.
Alors 14 semaines pourquoi pas, mais pas que çà…
• Alexandra Sereni