Pé a Corsica, la fin : qui a raison qui a tort ?
Gilles Simeoni et ses amis portent bien plus que d'autres la responsabilité de la fin de la démarche unitaire,......
Pè a Corsica, la fin : qui a raison, qui a tort ?
Même si rien ne les contraignait à accepter de la pérenniser, même si des épisodes de « course à l'échalote » ou de tension au sein de la majorité territoriale ont existé, Gilles Simeoni et ses amis portent bien plus que d’autres la responsabilité de la fin de la démarche unitaire, politique et électorale que représentait Pè à Corsica.
En juin 2014, le FLNC ne se dissout pas mais décide unilatéralement de ne plus recourir à la violence politique et plus globalement à l’action clandestine. Cette décision ouvre grand la porte, à l’occasion du scrutin territorial de décembre 2015, à l’union au second tour et au succès des trois principaux partis nationalistes d’alors : Femu a Corsica, Partitu di a Nazione Corsa, Corsica Libera. Trois ans plus tard, l’union dès le premier tour de ces trois partis crée les conditions de deux victoires éclatantes : élection de trois députés en juin 2017, majorité absolue à l’Assemblée de Corse à l’occasion du scrutin territorial de décembre 2017. Cette union dénommée Pè a Corsica qui a fait ses preuves en rassemblant la plupart des nationalistes et des électeurs venus de tous les horizons du champ politique, est aujourd’hui morte et enterrée et l’heure est aux renvois de responsabilités.
Gilles Simeoni qui a acté cette situation, a tenté de justifier sa décision de faire cavalier seul avec Femu à Corsica. Pour ce faire, le président du Conseil exécutif a invoqué le refus par ses partenaires d’une offre de nouvelle union comportant six points : projet de société ; ouverture à toute personne disant se reconnaître dans ce projet ; accession aux responsabilité d’une nouvelle génération politique ; construction dans le dialogue d’une solution politique ; gouvernance conforme à la lettre et l’esprit des institutions et loyauté entre membres de la future majorité ; répartition des responsabilités et des sensibilités en dehors des logique de quotas et d’esprit de parti.
Difficile de ne pas le relever, les deux derniers de ces principes étaient, à la lumière des propos tenus dernièrement par Jean-Félix Acquaviva, évidemment inacceptables par le Partitu di Nazione Corsa et Corsica Libera. Sur des airs de « pas une tête ne dépassera » ou de « le clou qui dépasse appelle le marteau », le secrétaire national de Femu a Corsica avait déclaré à l’attention des responsables du Partitu di a Nazione Corsa et de Corsica Libera: « Il faut, pour se renouveler, dépasser les logiques d'appareil (…) Çà ne peut pas être la course à l'échalote entre les membres de l'Exécutif (…) Il faut en finir avec les positions discordantes sur de nombreuses questions.»
Nous savons comment, pourquoi, par qui…
Le Partitu di a Nazione Corsa qui, depuis les élections municipale, ne croyait plus à la volonté de Femu a Corsica de reconduire, selon une union de premier tour, les équilibres de Pè a Corsica et s’y préparait en travaillant depuis des mois à la construction d’une offre politique et électorale (Jean-Christophe Angelini conduira la liste Avanzemu, per un populu vivu), n’a pas estimé utile de réagir à chaud et s’est borné, en présentant ce que serait la démarche de sa liste, à déclarer : « Nous savons comment, pourquoi, par qui, le pacte Pè a Corsica a connu un terme. » En revanche, ayant défendu jusqu’au bout auprès de Femu a Corsica l’option d’une reconduction pure et simple de la démarche Pè a Corsica et étant loin d’être en ordre de bataille faute de s’être assez tôt résigné au pire (bien que le choix ait été rapidement fait de confier la tête de liste à Jean-Guy Talamoni et que ses « poids lourds » n’aient pas au chant des sirènes Femu a Corsica), Corsica Libera a jugé nécessaire et urgent de vertement riposter.
Le parti indépendantiste a dénoncé un reniement et un mensonge : « Un de nos partenaires à fait le choix de changer de direction et tente de se dédouaner en rejetant la faute sur les autres. Devant le peuple corse, nous réaffirmons que rien ni personne ne peut, même en utilisant le mensonge, nous faire porter la responsabilité de cette désunion dont les cadres de Femu a Corsica sont les seuls responsables. »
Qui a raison ? Qui a tort ? Faut-il émettre un avis nuancé ? Un premier éclairage est apporté par un retour au texte fondateur de Pè a Corsica. Comme l’a exposé Gilles Simeoni en juin 2019 sous le toit du boulodrome de Lupinu à Bastia, et ce en réponse à l’appel unitaire qu’avaient lancé le Partitu di a Nazione Corsa et Corsica Libera dans la perspective des élections municipales de mars 2020, il n’est effectivement écrit nulle part que l’union au premier tour aille de soi. « Cet accord ne parle pas de la façon de faire les listes aux élections. Ni municipales, ni territoriales. Il ne donne pas de recette. Il ne prescrit pas telle ou telle façon d’avancer et accord ne dit pas « nous serons ensemble aux municipales. Cet accord ne dit pas « nous serons ensemble aux prochaines territoriales au premier tour » a souligné le Président du Conseil exécutif.
Formalisme difficilement recevable
Ce formalisme est cependant en opposition avec la nature et l’esprit du texte fondateur de Pè a Corsica qui a été adopté et signé en septembre 2017 à Corti, sous l’olivier du campus Mariani, par Femu a Corsica, le Partitu di a Nazione Corsa et Corsica Libera. Ayant été intitulé « Un Paese da fà ! Accordu strategicu » et comportant dix points dont au moins un représente un objectif à long terme (obtention dans les 3 ans un statut d’autonomie et mise en œuvre en 10 ans), l’accord sur ce texte impliquait tacitement de se plier à une démarche longue. Ce qui, a priori, induisait l’acceptation d’une pérennité des équilibres entre les trois signataires et donc des unions de premier tour à l’occasion des rendez-vous électoraux. Ce formalisme est par ailleurs difficilement recevable car de nombreux électeurs qui ont accordé leur confiance à Pè a Corsica en décembre 2017, portent un regard critique sur les cinq années de gestion de l’actuelle majorité territoriale et attendaient que celle-ci reparte unie au combat pour faire mieux.
Alors, même si rien ne les contraignait à accepter de la pérenniser, et même si, comme l’a déploré Jean-Félix Acquaviva, des épisodes de « course à l'échalote » ou de tension au sein de la majorité territoriale ont existé, il est permis d’avancer que Gilles Simeoni et ses amis Gilles Simeoni et ses amis portent bien plus que d’autres la responsabilité de la fin de la démarche unitaire, politique et électorale que représentait Pè à Corsica. On dit souvent que « Les paroles s’envolent, les écrits restent. » En l’occurrence, il est peut-être plus pertinent de citer ces mots de Fénelon (Les aventures de Télémaque, 1699) : « Un esprit épuisé par le détail est comme la lie du vin, qui n'a plus ni force, ni délicatesse. »
Pierre Corsi
Même si rien ne les contraignait à accepter de la pérenniser, même si des épisodes de « course à l'échalote » ou de tension au sein de la majorité territoriale ont existé, Gilles Simeoni et ses amis portent bien plus que d’autres la responsabilité de la fin de la démarche unitaire, politique et électorale que représentait Pè à Corsica.
En juin 2014, le FLNC ne se dissout pas mais décide unilatéralement de ne plus recourir à la violence politique et plus globalement à l’action clandestine. Cette décision ouvre grand la porte, à l’occasion du scrutin territorial de décembre 2015, à l’union au second tour et au succès des trois principaux partis nationalistes d’alors : Femu a Corsica, Partitu di a Nazione Corsa, Corsica Libera. Trois ans plus tard, l’union dès le premier tour de ces trois partis crée les conditions de deux victoires éclatantes : élection de trois députés en juin 2017, majorité absolue à l’Assemblée de Corse à l’occasion du scrutin territorial de décembre 2017. Cette union dénommée Pè a Corsica qui a fait ses preuves en rassemblant la plupart des nationalistes et des électeurs venus de tous les horizons du champ politique, est aujourd’hui morte et enterrée et l’heure est aux renvois de responsabilités.
Gilles Simeoni qui a acté cette situation, a tenté de justifier sa décision de faire cavalier seul avec Femu à Corsica. Pour ce faire, le président du Conseil exécutif a invoqué le refus par ses partenaires d’une offre de nouvelle union comportant six points : projet de société ; ouverture à toute personne disant se reconnaître dans ce projet ; accession aux responsabilité d’une nouvelle génération politique ; construction dans le dialogue d’une solution politique ; gouvernance conforme à la lettre et l’esprit des institutions et loyauté entre membres de la future majorité ; répartition des responsabilités et des sensibilités en dehors des logique de quotas et d’esprit de parti.
Difficile de ne pas le relever, les deux derniers de ces principes étaient, à la lumière des propos tenus dernièrement par Jean-Félix Acquaviva, évidemment inacceptables par le Partitu di Nazione Corsa et Corsica Libera. Sur des airs de « pas une tête ne dépassera » ou de « le clou qui dépasse appelle le marteau », le secrétaire national de Femu a Corsica avait déclaré à l’attention des responsables du Partitu di a Nazione Corsa et de Corsica Libera: « Il faut, pour se renouveler, dépasser les logiques d'appareil (…) Çà ne peut pas être la course à l'échalote entre les membres de l'Exécutif (…) Il faut en finir avec les positions discordantes sur de nombreuses questions.»
Nous savons comment, pourquoi, par qui…
Le Partitu di a Nazione Corsa qui, depuis les élections municipale, ne croyait plus à la volonté de Femu a Corsica de reconduire, selon une union de premier tour, les équilibres de Pè a Corsica et s’y préparait en travaillant depuis des mois à la construction d’une offre politique et électorale (Jean-Christophe Angelini conduira la liste Avanzemu, per un populu vivu), n’a pas estimé utile de réagir à chaud et s’est borné, en présentant ce que serait la démarche de sa liste, à déclarer : « Nous savons comment, pourquoi, par qui, le pacte Pè a Corsica a connu un terme. » En revanche, ayant défendu jusqu’au bout auprès de Femu a Corsica l’option d’une reconduction pure et simple de la démarche Pè a Corsica et étant loin d’être en ordre de bataille faute de s’être assez tôt résigné au pire (bien que le choix ait été rapidement fait de confier la tête de liste à Jean-Guy Talamoni et que ses « poids lourds » n’aient pas au chant des sirènes Femu a Corsica), Corsica Libera a jugé nécessaire et urgent de vertement riposter.
Le parti indépendantiste a dénoncé un reniement et un mensonge : « Un de nos partenaires à fait le choix de changer de direction et tente de se dédouaner en rejetant la faute sur les autres. Devant le peuple corse, nous réaffirmons que rien ni personne ne peut, même en utilisant le mensonge, nous faire porter la responsabilité de cette désunion dont les cadres de Femu a Corsica sont les seuls responsables. »
Qui a raison ? Qui a tort ? Faut-il émettre un avis nuancé ? Un premier éclairage est apporté par un retour au texte fondateur de Pè a Corsica. Comme l’a exposé Gilles Simeoni en juin 2019 sous le toit du boulodrome de Lupinu à Bastia, et ce en réponse à l’appel unitaire qu’avaient lancé le Partitu di a Nazione Corsa et Corsica Libera dans la perspective des élections municipales de mars 2020, il n’est effectivement écrit nulle part que l’union au premier tour aille de soi. « Cet accord ne parle pas de la façon de faire les listes aux élections. Ni municipales, ni territoriales. Il ne donne pas de recette. Il ne prescrit pas telle ou telle façon d’avancer et accord ne dit pas « nous serons ensemble aux municipales. Cet accord ne dit pas « nous serons ensemble aux prochaines territoriales au premier tour » a souligné le Président du Conseil exécutif.
Formalisme difficilement recevable
Ce formalisme est cependant en opposition avec la nature et l’esprit du texte fondateur de Pè a Corsica qui a été adopté et signé en septembre 2017 à Corti, sous l’olivier du campus Mariani, par Femu a Corsica, le Partitu di a Nazione Corsa et Corsica Libera. Ayant été intitulé « Un Paese da fà ! Accordu strategicu » et comportant dix points dont au moins un représente un objectif à long terme (obtention dans les 3 ans un statut d’autonomie et mise en œuvre en 10 ans), l’accord sur ce texte impliquait tacitement de se plier à une démarche longue. Ce qui, a priori, induisait l’acceptation d’une pérennité des équilibres entre les trois signataires et donc des unions de premier tour à l’occasion des rendez-vous électoraux. Ce formalisme est par ailleurs difficilement recevable car de nombreux électeurs qui ont accordé leur confiance à Pè a Corsica en décembre 2017, portent un regard critique sur les cinq années de gestion de l’actuelle majorité territoriale et attendaient que celle-ci reparte unie au combat pour faire mieux.
Alors, même si rien ne les contraignait à accepter de la pérenniser, et même si, comme l’a déploré Jean-Félix Acquaviva, des épisodes de « course à l'échalote » ou de tension au sein de la majorité territoriale ont existé, il est permis d’avancer que Gilles Simeoni et ses amis Gilles Simeoni et ses amis portent bien plus que d’autres la responsabilité de la fin de la démarche unitaire, politique et électorale que représentait Pè à Corsica. On dit souvent que « Les paroles s’envolent, les écrits restent. » En l’occurrence, il est peut-être plus pertinent de citer ces mots de Fénelon (Les aventures de Télémaque, 1699) : « Un esprit épuisé par le détail est comme la lie du vin, qui n'a plus ni force, ni délicatesse. »
Pierre Corsi