Au nom de l'histoire
Alors qu'il n'y a pas si longtemps, on voulait déboulonner les statues, ......
Au nom de l’Histoire
Alors qu’il n’y a pas si longtemps, on voulait déboulonner les statues, le mois de mai offre des occasions de commémoration. Le 5 mai, on célébrait le bicentenaire de la mort de Napoléon, le 8 mai, c’est la fête de la victoire de 1945. De quoi remettre l’Histoire au goût du jour.
Devoir de mémoire
Selon la définition, le devoir de mémoire est une expression qui désigne « l'obligation morale de se souvenir d'un événement historique tragique et de ses victimes, afin de faire en sorte qu'un événement de ce type ne se reproduise pas ».
Cette expression remonte aux années 1990, notamment à propos de la Shoah et de la Seconde Guerre mondiale.
Avant cette date, des mémoriaux avaient été créés pour honorer la mémoire de ceux qui s’étaient battus pour notre liberté. Ce devoir de mémoire contribue à l'unité de la nation. Il est aussi devenu important autant pour les victimes que pour les reconnaissances des responsabilités des régimes politiques passés. Il ne s’agit pas de faire le procès des États, ni de culpabiliser les populations, et encore moins de laisser à des communautés un pouvoir d’accusation ou de judiciarisation, mais plutôt de reconnaître les faits historiques.
Parfois cela prend plus de temps, comme pour la guerre d’Algérie ou pour l’abolition de l’esclavage. La première journée nationale de commémoration des mémoires de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions a eu lieu le 10 mai 2006. Aujourd’hui, le devoir de mémoire englobe l’expérience des résistants, la mémoire de la Première Guerre mondiale, le génocide arménien, l’esclavage et la traite négrière, le génocide des Tutsis au Rwanda, ou encore les mémoires dites postcoloniales comme celle de la guerre d’Algérie. En France, quatre lois mémorielles en ont découlé : la loi Gayssot de 1990, la loi du 29 janvier 2001, la loi Taubira de 2001, et la loi Alliot-Marie de 2005.
Fragmentation des mémoires
Cela n’empêche pas les polémiques.
Celles sur le bicentenaire de la mort de Napoléon montrent combien l’Histoire et son héritage ne laissent pas indifférents. En 2004 et 2005, Jacques Chirac, alors président, avait choisi de ne pas commémorer ni le sacre de Napoléon ni la victoire d'Austerlitz pour ne pas heurter la communauté antillaise qui considère que Napoléon est avant tout un esclavagiste.
En 2021, Emmanuel Macron fait le choix de commémorer le bicentenaire de la mort de Napoléon, rappelant dans son discours les avancées comme les durcissements de cet empereur autoritaire.
Toutefois, honorer ne signifie ni être bonapartiste, ni être royaliste. Car Napoléon est l'homme du Code civil, des préfets et des « masses de granit », des lycées et du baccalauréat, de la méritocratie, de la banque de France, de la Cour des comptes, du Conseil d’État, des grandes batailles, mais aussi des dérives d’un État tout puissant, esclavagiste.
Pour autant, le « petit Corse » est bien une figure tutélaire, un socle pour l’identité française, car il est un symbole pour l’intégration. N’en déplaise à ses détracteurs et à ceux qui préfèrent avoir une lecture culpabilisante de l’Histoire. Cela participe à la déconstruction nationale et à la victoire de la société de la victimisation.
Quelle histoire !
Il semblerait qu’aujourd’hui, toute minorité, s'estimant désormais victime, se juge en droit d'exiger sa réparation. Tremble politique, les victimes ont pris le pouvoir ! L’an passé, alors que le monde s’enflammait après l’affaire George Floyd, la lutte contre le racisme a pris des allures de révolution en déboulonnant les statues de ceux qui avaient fait commerce des esclaves. Comme à Bristol, où la statue d’Edward Colston, un marchand d’esclaves de la fin du XVIIe siècle, a été jetée à l’eau.
` Le déboulonnage des statues et leur vandalisme sont un comportement très ancien. Pendant les changements de régime, il est « traditionnel » de se débarrasser des représentations liées au régime précédent. Mais effacer les traces ou les noms de l’Histoire, c’est une autre façon de donner à lire le passé. L’Histoire n’est pas objective, c’est une discipline (reconnue et enseignée dans les universités en France depuis la IIIeRépublique). Les statues sont des œuvres d’art et le nom des rues participe aux politiques d’urbanisme. Détruire les statues ne changera pas le passé, mais réécrire l’Histoire à une sauce édulcorée trahit la mémoire.
Or l’Histoire, c’est aussi porter un regard lucide sur le passé, pour éclairer le présent et construire un futur.
Maria Mariana
Alors qu’il n’y a pas si longtemps, on voulait déboulonner les statues, le mois de mai offre des occasions de commémoration. Le 5 mai, on célébrait le bicentenaire de la mort de Napoléon, le 8 mai, c’est la fête de la victoire de 1945. De quoi remettre l’Histoire au goût du jour.
Devoir de mémoire
Selon la définition, le devoir de mémoire est une expression qui désigne « l'obligation morale de se souvenir d'un événement historique tragique et de ses victimes, afin de faire en sorte qu'un événement de ce type ne se reproduise pas ».
Cette expression remonte aux années 1990, notamment à propos de la Shoah et de la Seconde Guerre mondiale.
Avant cette date, des mémoriaux avaient été créés pour honorer la mémoire de ceux qui s’étaient battus pour notre liberté. Ce devoir de mémoire contribue à l'unité de la nation. Il est aussi devenu important autant pour les victimes que pour les reconnaissances des responsabilités des régimes politiques passés. Il ne s’agit pas de faire le procès des États, ni de culpabiliser les populations, et encore moins de laisser à des communautés un pouvoir d’accusation ou de judiciarisation, mais plutôt de reconnaître les faits historiques.
Parfois cela prend plus de temps, comme pour la guerre d’Algérie ou pour l’abolition de l’esclavage. La première journée nationale de commémoration des mémoires de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions a eu lieu le 10 mai 2006. Aujourd’hui, le devoir de mémoire englobe l’expérience des résistants, la mémoire de la Première Guerre mondiale, le génocide arménien, l’esclavage et la traite négrière, le génocide des Tutsis au Rwanda, ou encore les mémoires dites postcoloniales comme celle de la guerre d’Algérie. En France, quatre lois mémorielles en ont découlé : la loi Gayssot de 1990, la loi du 29 janvier 2001, la loi Taubira de 2001, et la loi Alliot-Marie de 2005.
Fragmentation des mémoires
Cela n’empêche pas les polémiques.
Celles sur le bicentenaire de la mort de Napoléon montrent combien l’Histoire et son héritage ne laissent pas indifférents. En 2004 et 2005, Jacques Chirac, alors président, avait choisi de ne pas commémorer ni le sacre de Napoléon ni la victoire d'Austerlitz pour ne pas heurter la communauté antillaise qui considère que Napoléon est avant tout un esclavagiste.
En 2021, Emmanuel Macron fait le choix de commémorer le bicentenaire de la mort de Napoléon, rappelant dans son discours les avancées comme les durcissements de cet empereur autoritaire.
Toutefois, honorer ne signifie ni être bonapartiste, ni être royaliste. Car Napoléon est l'homme du Code civil, des préfets et des « masses de granit », des lycées et du baccalauréat, de la méritocratie, de la banque de France, de la Cour des comptes, du Conseil d’État, des grandes batailles, mais aussi des dérives d’un État tout puissant, esclavagiste.
Pour autant, le « petit Corse » est bien une figure tutélaire, un socle pour l’identité française, car il est un symbole pour l’intégration. N’en déplaise à ses détracteurs et à ceux qui préfèrent avoir une lecture culpabilisante de l’Histoire. Cela participe à la déconstruction nationale et à la victoire de la société de la victimisation.
Quelle histoire !
Il semblerait qu’aujourd’hui, toute minorité, s'estimant désormais victime, se juge en droit d'exiger sa réparation. Tremble politique, les victimes ont pris le pouvoir ! L’an passé, alors que le monde s’enflammait après l’affaire George Floyd, la lutte contre le racisme a pris des allures de révolution en déboulonnant les statues de ceux qui avaient fait commerce des esclaves. Comme à Bristol, où la statue d’Edward Colston, un marchand d’esclaves de la fin du XVIIe siècle, a été jetée à l’eau.
` Le déboulonnage des statues et leur vandalisme sont un comportement très ancien. Pendant les changements de régime, il est « traditionnel » de se débarrasser des représentations liées au régime précédent. Mais effacer les traces ou les noms de l’Histoire, c’est une autre façon de donner à lire le passé. L’Histoire n’est pas objective, c’est une discipline (reconnue et enseignée dans les universités en France depuis la IIIeRépublique). Les statues sont des œuvres d’art et le nom des rues participe aux politiques d’urbanisme. Détruire les statues ne changera pas le passé, mais réécrire l’Histoire à une sauce édulcorée trahit la mémoire.
Or l’Histoire, c’est aussi porter un regard lucide sur le passé, pour éclairer le présent et construire un futur.
Maria Mariana