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Un bel ouvrage de Nathalie Saint-Cricq sur Georges Clémenceau

Nathalie Saint-Cricq raconte l'ultime liaison amoureuse vécue par Georges Clémenceau
Georges Clémenceau
Le vieux Tigre au cœur tendre



Pour beaucoup de nos compatriotes, Georges Clémenceau demeure l’un des héros les plus prestigieux de la Grande Guerre. Le Père la Victoire, comme on l’appelait familièrement, s’est éteint le 24 novembre 1929, emporté par une crise d’urémie. Il avait 88 ans. De nombreuses biographies et brillantes évocations lui ont été consacrées. Dernière en date, celle de notre consoeur Nathalie Saint-Cricq, journaliste politique sur France2.


De Georges Clémenceau on pense tout savoir. Vu du côté politique c’est vrai … Mais Clémenceau amoureux on a bien du mal à l’imaginer … C’est justement ce Clémenceau intime que Nathalie Saint-Cricq nous révèle dans son ouvrage paru récemment aux Editions de l’Observatoire et intitulé «Je vous aiderai à vivre, vous m’aiderez à mourir ».

Elle s’appelait Marguerite, elle était mariée, avait quatre enfants … Dans son livre Nathalie Saint-Cricq raconte l’ultime liaison amoureuse vécue par Georges Clémenceau, dans les dernières années de sa vie, avec une jeune femme de quarante ans sa cadette. Une histoire romanesque, savoureuse, pleine de tendresse, de fantaisie, d’émotion, passionnant !


Plus de quatre-vingt-dix-ans après sa mort, vous avez donc choisi, Nathalie Saint-Cricq de nous raconter la dernière grande passion amoureuse de Georges Clémenceau, une histoire étonnante. Pourquoi ce choix ?


 Parce qu’en lisant la biographie de Clémenceau de Michel Winock, j’ai découvert cette histoire incroyablement romantique jamais traitée par les historiens, une histoire qui me permettait d’aborder un aspect méconnu de la vie de cet homme d’Etat que j’apprécie depuis toujours. Les 668 lettres qu’il a envoyées à Marguerite sont absolument formidables, originales, d’une poésie et d’une créativité émouvante. Malheureusement, celles de Marguerite ont été brulées à sa demande . Il m’a donc fallu restituer le versant féminin de l’histoire, ce que j’ai choisi de faire sous forme d’un journal intime qu’elle aurait pu tenir. Enfin, j’avais besoin de « m’aérer » un peu en période de COVID étant parfois légèrement lassée par la vie politique contemporaine. Je n’avais jamais écrit de livre, c’était donc aussi l’occasion de relever une sorte de défi.

Que nous apprend cette ultime liaison amoureuse du vieux Clémenceau sur sa personnalité, son caractère, son tempérament ?


Politique, de retraité de la vie tout simplement. Il est souvent misogyne, capricieux mais, malgré tout ses défauts, son instinct de vie, son goût pour le combat, sa drôlerie et son irrespect constant vis-à-vis des convenances font de lui un personnages hors normes. C’est ainsi qu’il redonnera goût à la vie à Marguerite. Il la fera souffrir parfois mais elle lui pardonnera tout ou presque. Il est tellement « vivant », en fait plus juvénile qu’elle dans ses élans.

Votre ouvrage emprunte son titre au serment prononcé par Georges Clémenceau à Marguerite, son ultime dulcinée : « Je vous aiderai à vivre, vous m’aiderez à mourir ». Quel poids accordez-vous à ce serment ?


Ce serment est la clef de leur longue passion. Marguerite est dévastée par la mort de sa fille aînée dans des circonstances tragiques. Elle va raconter à Georges son drame personnel et son peu de goût désormais pour l’existence. Il lui déclarera, alors, qu’il va tout faire, quitte à la rudoyer parfois, pour la sauver ce que que l’on appellerait, aujourd’hui, une profonde dépression.


 La vie de Clémenceau est loin d’être exemplaire. Il est un amoureux galant, il est également un piètre mari infidèle et brutal. Marié à une jeune américaine de dix ans sa cadette, la mère de ses trois enfants, il en divorce sept ans plus tard après l’avoir fait condamner pour adultère ! Elle mourra seule dans la misère, abandonnée de tous ! Est-ce pardonnable ?

Non c’est impardonnable ! C’est un des chapitres qui a été le plus difficile à écrire pour moi tellement j’ai trouvé Clémenceau misérable et injustifiable et, surtout, ne correspondant pas à son caractère ni aux théories qu’il défendait !

 – On ne peut parler de Clémenceau sans rappeler son immense passion pour la politique à laquelle il voua sa vie. Tour à tour député de Paris, ministre de l’intérieur et de la Guerre, Président du Conseil, écarté de l’Elysée en 1920 au profit d’un certain Deschanel qui sombrera dans la folie moins de dix mois après son élection. Pe-on dire que Clémenceau fut un militant d’extrême gauche ?

 Clémenceau était pragmatique et individualiste. Même s’il a commencé sa carrière à l’extrême gauche, il était « radical » au sens plein du terme, il s’est maintes fois, par la suite, opposé et, violemment, aux socialistes. Il détestait le collectivisme. Aimant l’ordre, il se méfiait des mouvements syndicaux, des grèves, il a beaucoup combattu la CGT, c’est pour cela, notamment, qu’il a été longtemps mal vu par une bonne partie de la gauche française qui voyait en lui un briseur de grève. Après la guerre de 14/18, il continuera à dénoncer le pacifisme, le désarmement moral et militaire face aux Allemands, ce qui n’était pas dans l’air du temps à gauche. Il est intéressant de noter qu’en 1929, Clémenceau confie à son secrétaire particulier : « avant dix ans nous aurons la guerre ».

 Si Clémenceau était aujourd’hui encore aux affaires quelle place, selon vous, occuperait-il sur l’échiquier politique ?


S’il était aux affaires aujourd’hui, son caractère, ses traits d’esprit, son intransigeance feraient qu’il ne survivrait pas un mois aux chaines d’infos, aux réseaux sociaux ou aux sondages. Clémenceau se moquait d’être populaire, ne décidait qu’en fonction de ce qu’il croyait bon pour la France sans ménager son entourage ou l’opinion dominante. Je le vois mal faire de la politique aujourd’hui. Il ne supporterait pas les codes de notre époque. Un dernier mot : son bienfaiteur, Nicolas Piétri qui l’aidait souvent, car Clémenceau était souvent endetté en raison du financement de ses journaux, était corse. Et le Tigre adorait l’Ile de Beauté.

Entretien réalisé par Jean-Claude de Thandt

Clémenceau son dernier amour, ses derniers combats. « Je vous aiderai à vivre, vous m’aiderez à mourir » récit par Nathalie Saint-Cricq –
Editions de l’Observatoire.
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