"5 MAI" de Corinne Mattei un court-métrage de fiction
Catastrophe de Furiani, Impossible oubli.
« 5 mai » de Corinne Mattei
Au nom de son frère et des victimes !
5 mais 1992. Catastrophe de Furiani. Impossible oubli. Plus jamais ça…. La fête tant attendue. Et la tragédie. La Corse en deuil. Des documentaires sur cet événement de douleurs et de larmes on en a vu. Corinne Mattei, elle, nous propose de réaliser une fiction qui rappelle combien ce jour, à l’origine joyeux, enthousiaste, festif, sombra dans le malheur.
Corinne Mattei.
On la connait comme comédienne. On la voit souvent jouer avec U Teatrinu ou dans des films. Elle enseigne aussi à l’université et met en scène. Elle est sur les planches depuis l’âge de seize ans. Ce 5 mais 1992, une part d’elle est pulvérisée. Il lui faudra des années et des années pour remonter la pente.
En ce mois de mai du début de la décennie 90 Corinne Mattei est apprentie actrice à Paris. Le 5, elle est clouée au lit par une anémie. Le matin, sa mère lui téléphone : des cortèges de voitures, des concerts de Klaxon mettent de l’entrain dans Bastia. C’est le bonheur, le Sporting va rencontrer l’Olympique de Marseille et son frère, Christian, est de la partie. Le foot, il adore. Il a 27 ans.
Corinne, elle n’est pas footeuse. Mais là, Bastia contre l’OM, elle va regarder. A l’heure dite, elle allume la télévision. Soudain : la sidération. Sentiment de s’effondrer en même temps que la tribune élevée à la hâte, en faisant fi des questions de sécurité. Tribune où s’est pressé un nombreux public. Trop nombreux pour ce qui n’est qu’un frêle échafaudage. Instinctivement elle prend le téléphone. Lignes saturées. La nuit entière à essayer d’avoir des nouvelles de chez elle. Quand on lui répond enfin, c’est déjà le matin du 6… on lui apprend que son frère est dans le coma.
Cerveau en vrac, elle prend le premier avion. Il n’y en a qu’un quotidiennement et c’est tard le soir. A son arrivée, son père lui annonce que Christian est mort sous le choc. C’est d’une telle violence qu’elle a l’impression d’être précipitée dans le vide. Dans le chaos. Une lancinante interrogation vient la ronger : « Comment peut-on mourir lorsqu’on va à une fête ? Lorsqu’il fait si beau, si agréablement chaud ? Lorsqu’on est jeune et en bonne santé ? »
Son traumatisme est immense. La comédienne va reprendre le collier du métier. Mais la Corinne qu’elle est au fond d’elle-même, ne s’en sort pas. Ne se retrouve pas. Elle est bloquée. Ne s’autorise pas à vivre. A être… Comme dissociée.
Elle va d’abord rejeter toute idée d’aide psychologique. Finalement, bien longtemps après, elle y consentira. Peu à peu le processus de deuil s’enclenchera. Long processus. Dans l’intervalle elle rejoint le Collectif du 5 mai et mobilise ses forces pour le procès. Il ouvre un 4 janvier date de son anniversaire et de celui de Christian ! La sentence la déçoit : les peines sont légères et surtout les accusés n’ont pas daigné assumer leurs responsabilités. « Je me suis figée dans ma douleur ».
Ce film de fiction intitulé, « 5 mai », Corinne Mattei le veut au nom de son frère et des toutes les victimes.
18 tués. 2357 blessés.
Cagnotte participative
Pour tourner dans de bonnes conditions la réalisatrice fait appel à tous. Sur internet se rendre sur la plateforme : move.corsica. On tombe sur projet « 5 mai 1992 ». Il suffit de se laisser guider !
« La tragédie ne se résume pas à une comptabilité macabre. Derrière la sécheresse des chiffres il y a l’humain. »
Corinne Mattei
Quel est le fil rouge de votre court-métrage de fiction ?
Je mets l’accent sur les heures qui ont précédé la catastrophe. Sur l’ambiance de fête, de ferveur collective, de bonheur fou qui s’est emparé de Bastia avant le match. Sur ces moments d’emballements qui ont saisi les supporters et même les gens qui n’étaient pas amateurs de foot et n’allaient généralement pas au stade.
Votre film répond-t-il à un devoir de mémoire ?
Il est devoir de mémoire et hommage à toutes les victimes. La tragédie ne se résume pas à une comptabilité macabre. Derrière la sécheresse des chiffres il y a l’humain. Voilà ce que je veux montrer.
Qu’est-ce qui vous a poussé à opter pour la fiction ?
La fiction est mon domaine et la meilleure façon de m’exprimer. Elle permet de raconter une histoire avec des personnages imaginaires auxquels le spectateur peut s’identifier. En outre des documentaires sur ce soir-là il y en a déjà eu un certain nombre. Curieusement d’ailleurs il n’y a pas grand-chose sur les heures qui ont précédé le drame dans les archives télévisuelles.
Dans quel espace-temps se déroule votre récit ?
Le film commence vers 11 heures et suit l’arrivée des journalistes au stade vers 13 heures. Ensuite on fait le décompte du temps restant avant la rencontre et on souligne l’atmosphère d’exaltation qui va crescendo.
En écho à l’événement du 5 mai 1992 votre film prévoit des séquences à tourner en 2020. Pour quelles raisons cette double temporalité ?
Parce que les blessures subsistent encore aujourd’hui et qu’on n’oublie pas… Voilà pourquoi le petit garçon, protagoniste du court-métrage, qui est devenu lui-même papa, ce 5 mai tragique, avec son regard d’adulte.
Une durée de 26 minutes pour votre film. Est-ce un bon format ?
Il colle bien aux festivals. Comme je souhaite que mon film soit vu par de très nombreux spectateurs, il faut qu’il puisse voyager facilement, car il traite d’une question universelle.
Quels sont vos personnages principaux ?
Il y a un papa, qui en tant que journaliste doit couvrir le match. Une maman et leur petit garçon, Romain, qui fête ce 5 mai son huitième anniversaire. Autour d’eux évolue une dizaine de personnages secondaires. Pour le casting nous avons lancé un appel à candidatures sur FaceBook. On a retenu Nicolas Poli, un acteur qui vit à Paris, pour interpréter le père de Romain. Le rôle de sa mère sera tenu par Caroline Fostinelli, qui travaille aussi dans la capitale et dont la famille est cortenaise. A noter que Nicolas Poli a été goal quand il était gamin à Bastia… comme Romain !
Quel est le tempérament de Romain ?
Il est plein de vie et un peu fragile. Son anniversaire tombant le jour de la rencontre de foot contre Marseille, il pense, que le plus beau cadeau qu’on puisse lui faire, est d’assister au match. Au début réticente sa maman va progressivement céder à la pression collective ambiante et autoriser son fils à aller au stade… Actuellement pour le rôle de Romain j’hésite entre deux petits garçons.
Qu’attendez-vous des comédiens ?
Un jeu sincère. Authentique. Pour obtenir ce résultat je prévoie des séances en amont et du travail d’improvisation.
Pourquoi une coécriture du scénario avec Marie Murcia, actrice et réalisatrice ?
C’est une amie dans la vie. J’avais besoin de son expérience, car elle a déjà réalisé des courts-métrages alors que moi je n’ai fait pour le moment que de la mise en scène de théâtre. Pour restituer l’atmosphère de l’époque on a décidé d’un film choral. Au final, nous avons mis quatre ans pour terminer le scénario tant nous avons écrit de versions différentes.
A quelles difficultés pratiques la réalisation va-t-elle être confrontée ?
C’est une reconstitution, nous avons donc des contraintes : trouver des lieux bastiais qui n’ont pas trop changé, un appartement pour Romain et sa famille qui ne soit pas trop moderne. On a également besoin de voitures et de vêtements d’époque. Avec le chef costumier on va s’inspirer de photos d’alors.
Le Collectif du 5 mai vous apporte-t-il son soutien ?
J’en suis membre depuis le début. Nous avons été très actif pour préparer le procès. Après celui-ci on l’a dissous. Nous l’avons reformé pour obtenir que la date du 5 mai soit sacralisée et qu’il n’y ait plus de matchs ce jour-là. Avec sa présidente, Josepha Guidicelli, sa sœur, Lauda, sa mère, Vanina nous nous battons en ce sens pour qu’une loi soit votée et entérinée dans les faits. Le collectif mène aussi des actions de sensibilisation dans les écoles et s’est jumelé avec l’association des victimes du Heysel, tragédie survenue en mai 1985, à Bruxelles.
Votre budget est-il bouclé ?
Nous avons des financements de la CDC ainsi que de partenaires institutionnels et privés. Mais à cause de la reconstitution nécessaire à entreprendre ce court-métrage se révèle coûteux. Afin de compléter notre budget on s’est aussi tourné vers une cagnotte participative en espérant que le public comprenne notre démarche et y adhère.
Propos recueillis par M.A-P
Au nom de son frère et des victimes !
5 mais 1992. Catastrophe de Furiani. Impossible oubli. Plus jamais ça…. La fête tant attendue. Et la tragédie. La Corse en deuil. Des documentaires sur cet événement de douleurs et de larmes on en a vu. Corinne Mattei, elle, nous propose de réaliser une fiction qui rappelle combien ce jour, à l’origine joyeux, enthousiaste, festif, sombra dans le malheur.
Corinne Mattei.
On la connait comme comédienne. On la voit souvent jouer avec U Teatrinu ou dans des films. Elle enseigne aussi à l’université et met en scène. Elle est sur les planches depuis l’âge de seize ans. Ce 5 mais 1992, une part d’elle est pulvérisée. Il lui faudra des années et des années pour remonter la pente.
En ce mois de mai du début de la décennie 90 Corinne Mattei est apprentie actrice à Paris. Le 5, elle est clouée au lit par une anémie. Le matin, sa mère lui téléphone : des cortèges de voitures, des concerts de Klaxon mettent de l’entrain dans Bastia. C’est le bonheur, le Sporting va rencontrer l’Olympique de Marseille et son frère, Christian, est de la partie. Le foot, il adore. Il a 27 ans.
Corinne, elle n’est pas footeuse. Mais là, Bastia contre l’OM, elle va regarder. A l’heure dite, elle allume la télévision. Soudain : la sidération. Sentiment de s’effondrer en même temps que la tribune élevée à la hâte, en faisant fi des questions de sécurité. Tribune où s’est pressé un nombreux public. Trop nombreux pour ce qui n’est qu’un frêle échafaudage. Instinctivement elle prend le téléphone. Lignes saturées. La nuit entière à essayer d’avoir des nouvelles de chez elle. Quand on lui répond enfin, c’est déjà le matin du 6… on lui apprend que son frère est dans le coma.
Cerveau en vrac, elle prend le premier avion. Il n’y en a qu’un quotidiennement et c’est tard le soir. A son arrivée, son père lui annonce que Christian est mort sous le choc. C’est d’une telle violence qu’elle a l’impression d’être précipitée dans le vide. Dans le chaos. Une lancinante interrogation vient la ronger : « Comment peut-on mourir lorsqu’on va à une fête ? Lorsqu’il fait si beau, si agréablement chaud ? Lorsqu’on est jeune et en bonne santé ? »
Son traumatisme est immense. La comédienne va reprendre le collier du métier. Mais la Corinne qu’elle est au fond d’elle-même, ne s’en sort pas. Ne se retrouve pas. Elle est bloquée. Ne s’autorise pas à vivre. A être… Comme dissociée.
Elle va d’abord rejeter toute idée d’aide psychologique. Finalement, bien longtemps après, elle y consentira. Peu à peu le processus de deuil s’enclenchera. Long processus. Dans l’intervalle elle rejoint le Collectif du 5 mai et mobilise ses forces pour le procès. Il ouvre un 4 janvier date de son anniversaire et de celui de Christian ! La sentence la déçoit : les peines sont légères et surtout les accusés n’ont pas daigné assumer leurs responsabilités. « Je me suis figée dans ma douleur ».
Ce film de fiction intitulé, « 5 mai », Corinne Mattei le veut au nom de son frère et des toutes les victimes.
18 tués. 2357 blessés.
Cagnotte participative
Pour tourner dans de bonnes conditions la réalisatrice fait appel à tous. Sur internet se rendre sur la plateforme : move.corsica. On tombe sur projet « 5 mai 1992 ». Il suffit de se laisser guider !
« La tragédie ne se résume pas à une comptabilité macabre. Derrière la sécheresse des chiffres il y a l’humain. »
Corinne Mattei
Quel est le fil rouge de votre court-métrage de fiction ?
Je mets l’accent sur les heures qui ont précédé la catastrophe. Sur l’ambiance de fête, de ferveur collective, de bonheur fou qui s’est emparé de Bastia avant le match. Sur ces moments d’emballements qui ont saisi les supporters et même les gens qui n’étaient pas amateurs de foot et n’allaient généralement pas au stade.
Votre film répond-t-il à un devoir de mémoire ?
Il est devoir de mémoire et hommage à toutes les victimes. La tragédie ne se résume pas à une comptabilité macabre. Derrière la sécheresse des chiffres il y a l’humain. Voilà ce que je veux montrer.
Qu’est-ce qui vous a poussé à opter pour la fiction ?
La fiction est mon domaine et la meilleure façon de m’exprimer. Elle permet de raconter une histoire avec des personnages imaginaires auxquels le spectateur peut s’identifier. En outre des documentaires sur ce soir-là il y en a déjà eu un certain nombre. Curieusement d’ailleurs il n’y a pas grand-chose sur les heures qui ont précédé le drame dans les archives télévisuelles.
Dans quel espace-temps se déroule votre récit ?
Le film commence vers 11 heures et suit l’arrivée des journalistes au stade vers 13 heures. Ensuite on fait le décompte du temps restant avant la rencontre et on souligne l’atmosphère d’exaltation qui va crescendo.
En écho à l’événement du 5 mai 1992 votre film prévoit des séquences à tourner en 2020. Pour quelles raisons cette double temporalité ?
Parce que les blessures subsistent encore aujourd’hui et qu’on n’oublie pas… Voilà pourquoi le petit garçon, protagoniste du court-métrage, qui est devenu lui-même papa, ce 5 mai tragique, avec son regard d’adulte.
Une durée de 26 minutes pour votre film. Est-ce un bon format ?
Il colle bien aux festivals. Comme je souhaite que mon film soit vu par de très nombreux spectateurs, il faut qu’il puisse voyager facilement, car il traite d’une question universelle.
Quels sont vos personnages principaux ?
Il y a un papa, qui en tant que journaliste doit couvrir le match. Une maman et leur petit garçon, Romain, qui fête ce 5 mai son huitième anniversaire. Autour d’eux évolue une dizaine de personnages secondaires. Pour le casting nous avons lancé un appel à candidatures sur FaceBook. On a retenu Nicolas Poli, un acteur qui vit à Paris, pour interpréter le père de Romain. Le rôle de sa mère sera tenu par Caroline Fostinelli, qui travaille aussi dans la capitale et dont la famille est cortenaise. A noter que Nicolas Poli a été goal quand il était gamin à Bastia… comme Romain !
Quel est le tempérament de Romain ?
Il est plein de vie et un peu fragile. Son anniversaire tombant le jour de la rencontre de foot contre Marseille, il pense, que le plus beau cadeau qu’on puisse lui faire, est d’assister au match. Au début réticente sa maman va progressivement céder à la pression collective ambiante et autoriser son fils à aller au stade… Actuellement pour le rôle de Romain j’hésite entre deux petits garçons.
Qu’attendez-vous des comédiens ?
Un jeu sincère. Authentique. Pour obtenir ce résultat je prévoie des séances en amont et du travail d’improvisation.
Pourquoi une coécriture du scénario avec Marie Murcia, actrice et réalisatrice ?
C’est une amie dans la vie. J’avais besoin de son expérience, car elle a déjà réalisé des courts-métrages alors que moi je n’ai fait pour le moment que de la mise en scène de théâtre. Pour restituer l’atmosphère de l’époque on a décidé d’un film choral. Au final, nous avons mis quatre ans pour terminer le scénario tant nous avons écrit de versions différentes.
A quelles difficultés pratiques la réalisation va-t-elle être confrontée ?
C’est une reconstitution, nous avons donc des contraintes : trouver des lieux bastiais qui n’ont pas trop changé, un appartement pour Romain et sa famille qui ne soit pas trop moderne. On a également besoin de voitures et de vêtements d’époque. Avec le chef costumier on va s’inspirer de photos d’alors.
Le Collectif du 5 mai vous apporte-t-il son soutien ?
J’en suis membre depuis le début. Nous avons été très actif pour préparer le procès. Après celui-ci on l’a dissous. Nous l’avons reformé pour obtenir que la date du 5 mai soit sacralisée et qu’il n’y ait plus de matchs ce jour-là. Avec sa présidente, Josepha Guidicelli, sa sœur, Lauda, sa mère, Vanina nous nous battons en ce sens pour qu’une loi soit votée et entérinée dans les faits. Le collectif mène aussi des actions de sensibilisation dans les écoles et s’est jumelé avec l’association des victimes du Heysel, tragédie survenue en mai 1985, à Bruxelles.
Votre budget est-il bouclé ?
Nous avons des financements de la CDC ainsi que de partenaires institutionnels et privés. Mais à cause de la reconstitution nécessaire à entreprendre ce court-métrage se révèle coûteux. Afin de compléter notre budget on s’est aussi tourné vers une cagnotte participative en espérant que le public comprenne notre démarche et y adhère.
Propos recueillis par M.A-P