Au delà des Territoriales : vers de nouvelles gauches ?
Il est possible que les partis de la gauche traditionnelle ne se relèvent pas d’une défaite cuisante ou d’une absence aux élections territoriales, et que s’ouvrent de belle perspective pour celles et ceux qui auront osé incarner deux nouvelles gauches.
Au-delà des Territoriales : vers de nouvelles gauches ?
Il est possible que les partis de la gauche traditionnelle ne se relèvent pas d’une défaite cuisante ou d’une absence aux élections territoriales, et que s’ouvrent de belle perspective pour celles et ceux qui auront osé incarner deux nouvelles gauches.
Que reste-t-il à ce jour de la gauche traditionnelle ?
Le Parti socialiste et les derniers notables de ce que furent les gauches zuccarelliste, giacobbiste, renucciste ou alfonsiste, ne donnent quasiment plus signe de vie. Seul le Parti communiste reste en piste et se fait entendre. Il semble être la seule composante de la gauche d’hier qui puisse devenir une gauche de demain.
Cependant, pour espérer surnager et redevenir un jour une force qui compte, le Parti communiste va devoir au moins franchir la barre des 5% à l’occasion du scrutin territorial. Y parvenir ne lui ouvrira bien entendu pas la porte de l’hémicycle de l’Assemblée de Corse, mais les quelques milliers de voix recueillies signifieraient que, chez nous, le communisme conserve un socle électoral et militant l’autorisant à espérer.
Se relancer sera toutefois difficile car ses deux têtes révèlent que la constitution de la liste communiste (« Campà megliu in Corsica, Vivre mieux en Corse ») a été marquée par un compromis entre refuser de tourner la page et évoluer. Avoir choisi Michel Stefani pour conduire les opérations n’est en effet pas le signe d’un renouveau. Ce dernier, dirigeant, permanent et élu depuis plus de 40 ans, qui a été un fer de lance de toutes les orthodoxies et des combats rejetant les évolutions institutionnelles, apparaît comme un communiste investi et sincère mais aussi comme un apparatchik hors de la « vrai vie », rechignant aux évolution idéologique et hostile à une prise en compte des problématiques spécifiques de la Corse.
Il aurait sans doute été plus judicieux pour crédibiliser la volonté de construire l’avenir, que soit mise en première ligne la deuxième de liste. En effet, par sa jeunesse, ses origines (kabyle et corse), son attachement aux problématiques environnementales, son ancrage professionnel dans le monde associatif et son accession récente à la tête de la fédération de la Corse du Sud de son parti, Anissa Flore Amziane apparaît être à l’image et au diapason de la Corse du présent et du futur.
Cependant, même s’il parvient à se renouveler, le Parti communiste ne pourra occuper tout l’espace à gauche. Aussi, à moins que la partie gauche de l’échiquier politique soit entrée dans une phase longue de rachitisme, l’apparition de nouvelles gauches est inévitable.
Corsisme et retour à la social-démocratie rocardienne
La conception d’une première nouvelle gauche pourrait résulter d du dépit et de la résilience. Il y a quelques semaines, à Bunifaziu, en recevant la ministre Marlène Schiappa qui l’avait assuré du soutien de la République en marche, Jean-Charles Orsucci avait laissé paraître qu’arborer le choix de rapports exigeants mais toujours constructifs avec l’Etat et brandir l’option du « en même temps » macronien suffiraient à faire son bonheur de tête de liste durant la campagne des élections territoriales. Après que la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales Jacqueline Gourault, lors de sa venue à Bastia, ait plus que ménagé Gilles Simeoni, après aussi des refus polis de personnalités sans étiquette ou de centre droit de figurer sur sa liste, Jean-Charles Orsucci a jugé nécessaire de rectifier son positionnement.
Il a choisi de remettre en avant ses convictions : un réalisme corsiste et un attachement à la social-démocratie rocardienne. En ce sens, sa liste affiche une ouverture à des évolutions institutionnelles, la nécessité de coconstruire la Corse avec l’Etat et un progressisme de centre-gauche ayant pour ambition première de travailler à résoudre les problèmes quotidiens des Corses. Ce qui donne du sens au choix du nom de cette liste.
En effet, la dénomination « Terre de progrès, Terra di primura » est significative d’au moins trois volontés : affirmer une indépendance par rapport à « La République en marche » ; se différencier de la droite et des jacobins de la majorité présidentielle qui poussent à des mesures libérales et ont été les exécutants du dépôt d’un recours auprès du Conseil constitutionnel ayant récemment conduit à censurer partiellement la loi sur les langues régionales ; s’inscrire dans la démarche du parti national « Territoires de Progrès » créé par des personnalités anciennement socialistes ou apparentées qui souhaitent rééquilibrer à gauche l’action de la majorité présidentielles.
Lancer la campagne des Territoriales à Linguizetta a d’ailleurs indiqué la volonté de Jean-Charles Orsucci de rendre plus visible et lisible son repositionnement. En effet, le maire de cette commun Séverin Medori qui figure au troisième rang de « Terre de progrès, Terra di primura» ne cache ni son appartenance au Parti Socialiste, ni être favorable à des évolutions institutionnelles. Il est probable que s’il réussit son pari de franchir la barre des 7%, Jean-Charles Orsucci, en appelant au rassemblement tous les sociaux-démocrates, les radicaux et les socialistes que compte la Corse, fera en sorte de structurer et rendre pérenne une offre de gauche associant, selon un pragmatisme propre aux rocardiens, la modération, le progressisme et le corsisme.
Un véritable projet de société
Une deuxième nouvelle gauche pourrait découler d’un résultat honorable de la liste Ecologia Sulidaria. Une telle perspective n’a rien d’utopique si celles et ceux qui ont constitué cette liste restent durablement fidèles aux idées et bonnes dispositions qui les ont conduits à se rassembler. D’autant qu’Ecologia Sulidaria a tout pour jeter les bases d’une offre nouvelle. Cette liste associe les représentations insulaires des deux principaux partis de l’écologie politique de gauche (Europe Écologie Les Verts, Génération Ecologie) et de deux petits partis (Genération’s, Nouvelle Donne) qui ont été créés par Benoît Hamon et Pierre Larrouturou, deux anciens cadres dirigeants du Parti Socialiste.
Cette liste s’inscrit dans la lignée d’une modernité politique qui s’affranchit des carcans partisans et est de surcroît en capacité de faire sienne plusieurs enjeux (répondre à l’urgence écologique, aux attentes sociales et aux revendications de prise en compte de spécificités régionales). Cette liste rassemble très large (militants de longue date, jeunes très actifs au sein d’associations, citoyennes engagées au quotidien). Enfin cette liste bénéficie du concours de personnalités qui apportent une forte crédibilité à la démarche qu’elle affiche. Ecologia Sulidaria est menée par Agnès Simonpietri dont le parcours militant atteste d’une force de conviction mais aussi d’une capacité à opter pour l’action concrète.
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En contribuant à la victoire historique de Femu a Corsica en décembre 2015 puis en acceptant de siéger au Conseil exécutif et de présider l'Office de l'environnement (entre 2015 et 2017), l’intéressée a en effet démontré qu’elle savait, pour construire avec d’autres, dépasser la sphère associative écologiste et contestataire. Anne Marie-Luciani, en troisième position sur la liste, après avoir été engagée aux côtés de Simon Renucci et au sein du parti de gauche fondé par ce dernier (Corse Social-Démocrate), porte aujourd’hui les couleurs de Genération’s qui a été constitué par d’anciens cadres et militants du Parti Socialiste qui ont dit refuser une ligne politique devenue selon eux « sociale-libérale ». Ecologia Sulidaria peut également compter sur la force intellectuelle et l’expérience d’une grande figure du Riacquistu. En effet, Toni Casalonga préside l’association citoyenne « I Puntelli » dont le rôle sera d’aider dans leur action les candidats de la liste et d’éventuels élus.
Enfin Ecologia Sulidaria dispose d’un véritable projet de société (dont les valeurs fortes, la philosophie globales, les orientations à long terme et les propositions concrètes sont consultables sur le site web remarquablement pédagogique : https://ecologia-sulidaria.corsica
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Pierre Corsi
Il est possible que les partis de la gauche traditionnelle ne se relèvent pas d’une défaite cuisante ou d’une absence aux élections territoriales, et que s’ouvrent de belle perspective pour celles et ceux qui auront osé incarner deux nouvelles gauches.
Que reste-t-il à ce jour de la gauche traditionnelle ?
Le Parti socialiste et les derniers notables de ce que furent les gauches zuccarelliste, giacobbiste, renucciste ou alfonsiste, ne donnent quasiment plus signe de vie. Seul le Parti communiste reste en piste et se fait entendre. Il semble être la seule composante de la gauche d’hier qui puisse devenir une gauche de demain.
Cependant, pour espérer surnager et redevenir un jour une force qui compte, le Parti communiste va devoir au moins franchir la barre des 5% à l’occasion du scrutin territorial. Y parvenir ne lui ouvrira bien entendu pas la porte de l’hémicycle de l’Assemblée de Corse, mais les quelques milliers de voix recueillies signifieraient que, chez nous, le communisme conserve un socle électoral et militant l’autorisant à espérer.
Se relancer sera toutefois difficile car ses deux têtes révèlent que la constitution de la liste communiste (« Campà megliu in Corsica, Vivre mieux en Corse ») a été marquée par un compromis entre refuser de tourner la page et évoluer. Avoir choisi Michel Stefani pour conduire les opérations n’est en effet pas le signe d’un renouveau. Ce dernier, dirigeant, permanent et élu depuis plus de 40 ans, qui a été un fer de lance de toutes les orthodoxies et des combats rejetant les évolutions institutionnelles, apparaît comme un communiste investi et sincère mais aussi comme un apparatchik hors de la « vrai vie », rechignant aux évolution idéologique et hostile à une prise en compte des problématiques spécifiques de la Corse.
Il aurait sans doute été plus judicieux pour crédibiliser la volonté de construire l’avenir, que soit mise en première ligne la deuxième de liste. En effet, par sa jeunesse, ses origines (kabyle et corse), son attachement aux problématiques environnementales, son ancrage professionnel dans le monde associatif et son accession récente à la tête de la fédération de la Corse du Sud de son parti, Anissa Flore Amziane apparaît être à l’image et au diapason de la Corse du présent et du futur.
Cependant, même s’il parvient à se renouveler, le Parti communiste ne pourra occuper tout l’espace à gauche. Aussi, à moins que la partie gauche de l’échiquier politique soit entrée dans une phase longue de rachitisme, l’apparition de nouvelles gauches est inévitable.
Corsisme et retour à la social-démocratie rocardienne
La conception d’une première nouvelle gauche pourrait résulter d du dépit et de la résilience. Il y a quelques semaines, à Bunifaziu, en recevant la ministre Marlène Schiappa qui l’avait assuré du soutien de la République en marche, Jean-Charles Orsucci avait laissé paraître qu’arborer le choix de rapports exigeants mais toujours constructifs avec l’Etat et brandir l’option du « en même temps » macronien suffiraient à faire son bonheur de tête de liste durant la campagne des élections territoriales. Après que la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales Jacqueline Gourault, lors de sa venue à Bastia, ait plus que ménagé Gilles Simeoni, après aussi des refus polis de personnalités sans étiquette ou de centre droit de figurer sur sa liste, Jean-Charles Orsucci a jugé nécessaire de rectifier son positionnement.
Il a choisi de remettre en avant ses convictions : un réalisme corsiste et un attachement à la social-démocratie rocardienne. En ce sens, sa liste affiche une ouverture à des évolutions institutionnelles, la nécessité de coconstruire la Corse avec l’Etat et un progressisme de centre-gauche ayant pour ambition première de travailler à résoudre les problèmes quotidiens des Corses. Ce qui donne du sens au choix du nom de cette liste.
En effet, la dénomination « Terre de progrès, Terra di primura » est significative d’au moins trois volontés : affirmer une indépendance par rapport à « La République en marche » ; se différencier de la droite et des jacobins de la majorité présidentielle qui poussent à des mesures libérales et ont été les exécutants du dépôt d’un recours auprès du Conseil constitutionnel ayant récemment conduit à censurer partiellement la loi sur les langues régionales ; s’inscrire dans la démarche du parti national « Territoires de Progrès » créé par des personnalités anciennement socialistes ou apparentées qui souhaitent rééquilibrer à gauche l’action de la majorité présidentielles.
Lancer la campagne des Territoriales à Linguizetta a d’ailleurs indiqué la volonté de Jean-Charles Orsucci de rendre plus visible et lisible son repositionnement. En effet, le maire de cette commun Séverin Medori qui figure au troisième rang de « Terre de progrès, Terra di primura» ne cache ni son appartenance au Parti Socialiste, ni être favorable à des évolutions institutionnelles. Il est probable que s’il réussit son pari de franchir la barre des 7%, Jean-Charles Orsucci, en appelant au rassemblement tous les sociaux-démocrates, les radicaux et les socialistes que compte la Corse, fera en sorte de structurer et rendre pérenne une offre de gauche associant, selon un pragmatisme propre aux rocardiens, la modération, le progressisme et le corsisme.
Un véritable projet de société
Une deuxième nouvelle gauche pourrait découler d’un résultat honorable de la liste Ecologia Sulidaria. Une telle perspective n’a rien d’utopique si celles et ceux qui ont constitué cette liste restent durablement fidèles aux idées et bonnes dispositions qui les ont conduits à se rassembler. D’autant qu’Ecologia Sulidaria a tout pour jeter les bases d’une offre nouvelle. Cette liste associe les représentations insulaires des deux principaux partis de l’écologie politique de gauche (Europe Écologie Les Verts, Génération Ecologie) et de deux petits partis (Genération’s, Nouvelle Donne) qui ont été créés par Benoît Hamon et Pierre Larrouturou, deux anciens cadres dirigeants du Parti Socialiste.
Cette liste s’inscrit dans la lignée d’une modernité politique qui s’affranchit des carcans partisans et est de surcroît en capacité de faire sienne plusieurs enjeux (répondre à l’urgence écologique, aux attentes sociales et aux revendications de prise en compte de spécificités régionales). Cette liste rassemble très large (militants de longue date, jeunes très actifs au sein d’associations, citoyennes engagées au quotidien). Enfin cette liste bénéficie du concours de personnalités qui apportent une forte crédibilité à la démarche qu’elle affiche. Ecologia Sulidaria est menée par Agnès Simonpietri dont le parcours militant atteste d’une force de conviction mais aussi d’une capacité à opter pour l’action concrète.
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En contribuant à la victoire historique de Femu a Corsica en décembre 2015 puis en acceptant de siéger au Conseil exécutif et de présider l'Office de l'environnement (entre 2015 et 2017), l’intéressée a en effet démontré qu’elle savait, pour construire avec d’autres, dépasser la sphère associative écologiste et contestataire. Anne Marie-Luciani, en troisième position sur la liste, après avoir été engagée aux côtés de Simon Renucci et au sein du parti de gauche fondé par ce dernier (Corse Social-Démocrate), porte aujourd’hui les couleurs de Genération’s qui a été constitué par d’anciens cadres et militants du Parti Socialiste qui ont dit refuser une ligne politique devenue selon eux « sociale-libérale ». Ecologia Sulidaria peut également compter sur la force intellectuelle et l’expérience d’une grande figure du Riacquistu. En effet, Toni Casalonga préside l’association citoyenne « I Puntelli » dont le rôle sera d’aider dans leur action les candidats de la liste et d’éventuels élus.
Enfin Ecologia Sulidaria dispose d’un véritable projet de société (dont les valeurs fortes, la philosophie globales, les orientations à long terme et les propositions concrètes sont consultables sur le site web remarquablement pédagogique : https://ecologia-sulidaria.corsica
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Pierre Corsi