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La boulette linguistique des jacobins

La décision du vendredi 21 mai 2021 énoncée par le Conseil constitutionnel sur les langues régionales a quelque chose d'historique.
La boulette linguistique des jacobins

La décision du vendredi 21 mai 2021 énoncée par le Conseil constitutionnel sur les langues régionales a quelque chose d’historique. C’est en apparence la plus bête, la plus simpliste des décisions dont cette assemblée ait accouché. Saisie d’une façon par 60 députés d’une majorité qui venait de voter le texte d’une loi portant sur les langues régionales, elle n’a pas répondu sur l’article désigné par les « rebelles » mais a renvoyé à la responsabilité du gouvernement deux autres articles qu’elle a retoqués.
Le Conseil a donc remis en cause le principe même de l’apprentissage immersif. Et cerise sur ce gâteau à la crème jacobine, il interdit l’usage de signes diacritiques dans les documents officiels ce qui tendrait à rendre impossible dans des documents officiels la transcription de passages en espagnol, en portugais etc., etc.

Une omelette brouillée


Remarquez bien que les générations passent et la bêtise jacobine reste inchangée. On se souviendra opportunément que ce même Conseil avait en 1991 censuré le concept de « peuple corse » compris dans le projet Joxe pour le remplacer par « peuple corse composante du peuple français ». Cette fois-ci deux articles se trouvaient dans la ligne de mire des « Sages » du Conseil, parce que jugés contraires à l’article 2 de la Constitution établissant que « la langue de la République est le français ». Il s’agissait de l’article 4 de la loi qui étendait à l’école publique l’enseignement immersif et de l’article 9 autorisant l’usage de signes diacritiques dans des documents officiels.
Le Conseil a tranché : le bébé Fanch ne sera jamais le bébé Fañch. Absurde me dira-t-on. Non simplement très lâche car il est précisé que l’autorité pourra l’autoriser par voie de décret. Autre article censuré, celui qui autorisait l’apprentissage immersif des langues dites minoritaires. Or l’usage s’est installé depuis un demi-siècle au moins dans les écoles associatives Diwan en Bretagne ou les ikastolas basques ou encore certains lieux d’apprentissage du corse dans le cadre de l’éducation nationale.
C’est donc une décision hors réalité qui est tout simplement inapplicable. Visiblement les Sages ont tout simplement oublié de se renseigner sur ce qui existait déjà. Paradoxalement, l’article 6, le seul que visait en réalité la saisine parlementaire, a été jugé conforme. Il oblige les communes qui ne disposent pas d’enseignement en langue régionale à contribuer, pour les enfants résidant sur leur territoire, aux frais de scolarité des écoles privées sous contrat proposant un enseignement bilingue.
Autant dire que dans bien des cas, faute de subventions l’opération sera impossible. À moins que les départements et les régions ne se substituent aux contrats avec le ministère et que l’état n’abonde leurs finances. Car, au bout du compte, on a bien l’impression que le Conseil constitutionnel, jouant les Ponce Pilate, a renvoyé la balle dans le camp du gouvernement.

Petit retour en arrière


Le texte au complet datait de fin 2019 et avait été déposé par le groupe Libertés et territoires, cet étrange attelage parlementaire, au sein duquel cohabitent les trois députés nationalistes corses et un Charles de Courson. Après une première lecture et un débat houleux, la loi sur les langues régionales était arrivée en piètre état au Sénat qui lui avait redonné du muscle grâce au travail exemplaire des sénateurs corses, basques, bretons ou occitans. La loi a fini par être adoptée en avril dernier au grand dam de l’aile jacobine des députés. I
l faut dire que les partisans de la loi avaient approché chaque député pour le convaincre que le texte n’était en aucun cas une remise en cause de l’unité nationale. Comprenons que le simple fait que cette loi soit passée est une victoire historique pour les défenseurs des langues régionales. C’était évidemment trop pour le ministre de l’Éducation nationale qui a motivé une soixantaine de députés pour saisir le Conseil constitutionnel. François Bayrou, lui-même, grand défenseur du béarnais, a déclaré : « Langues régionales, alerte gravissime ! Je n’emploie pas souvent des mots alarmistes, mais si le sens de la décision du Conseil constitutionnel est de mettre en cause le principe des écoles Diwan, ikastolas, calandretas, etc., alors la situation sera explosive. » Le groupe Régions et peuples solidaires, qui rassemble des élus régionalistes, s’est élevé contre l’« argumentaire archijacobin » du Conseil constitutionnel et toutes les associations linguistiques occitanes, basques, bretonnes et corses ont protesté de manière unanime.

Il se dit que dans l’entourage du président de la République on réfléchit à la façon de corriger cette boulette créée par l’aile la plus réactionnaire de la LREM. Nul doute que le président n’a pas envie de se mettre à dos son aile progressiste.

GXC
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