Palmarès des Nuits Med 2021
La Méditerranée en vrai !
La Méditerranée en vrai !
Primés à la 14 è édition du festival des « Nuits Med » huit courts-métrages qui nous emmènent d’Israël à la Tunisie, d’Italie à la Corse, de l’Egypte à la France en passant par des escales particulières auprès d’immigrations turques et maghrébines dans l’hexagone. Thèmes forts : les femmes, les pesanteurs sociétales, les gosses, les tensions politiques. Des images captivantes. Des narrations aux propos et au ton très divers. Une richesse d’approches et de questionnements. Des cinémas très méditerranéens.
« Œil blanc » de Tomer Shushan nous débarque, de nuit, dans une rue crade de Tel Aviv aux murs couverts de graffitis banals, à la chaussée douteuse, dans un endroit d’entrepôts, en l’occurrence devant une boucherie en gros. Couronné par le Grand Prix des Nuits Meds, « Œil blanc » avec son côté néoréaliste conte l’histoire d’un vélo volé à son propriétaire, qui retrouve par hasard son deux-roues garée dans le coin, mais ne peut le récupérer car un nouvel antivol le bloque. S’en suit des démêlés absurdes avec la flicaille : le volé ne peut apporter la preuve légale que la bicyclette lui appartient tandis que le pseudo voleur, lui, n’a pas de reçu montrant qu’il a acquis l’engin de seconde main. La situation pourrait tourner à la loufoquerie totale si le cinéaste n’embrayait une autre vitesse. Dans l’affaire il y a un blanc et un noir. Un blanc, type monsieur « Tout le monde », israélien pur jus. Un noir, immigré Erythréen, au permis de travail périmé depuis peu et donc menacé d’expulsion. Rien ne serait d’office perdu pour l’un et l’autre si n’était le contexte obtus imposé par la loi et l’ordre.
Au final, c’est le vélo qui est immolé sur l’autel de l’idiotie ! « Œil blanc », de l’art… et de la déprime.
Drôles de touristes
Dans l’est de la France, le foyer d’une famille turque, il y a vingt ou vingt-cinq ans. La mère est quasiment ligotée à sa machine à coudre à façonner des pièces à destination d’un grossiste, lui aussi originaire de Turquie. La famille croule sous les dettes et simultanément ne parvient pas à se faire payer son travail. « Partir en poussière » de Hüseyin Aydin Gürsay a reçu le prix attribué par le cinéma parisien, « Grand Action ».
Le film est d’une grande intensité dramatique et d’une émotion vibrante grâce à des prises de vue subtiles qui savent s’attarder délicatement sur visages et gestes. Sa fin tragique et libératrice reflète extrême maîtrise et sensibilité. Cette mère et son fils on y croit. Ils sont si justes.
Dans un registre de comédie, bien venue par les temps qui courent, « Come a Miconos » d’Alessandro Porzio (Italie) est une satire villageoise tempérée de désespérance. Le maire d’une bourgade paumée constate qu’il y aura autour de lui plus de morts que de vivants. Sa recette salvatrice ? Faire comme à Mykonos : jouer le tourisme. Les habitants coachés par leur élu entrent dans le bal : le pêcheur pêche, le cuisinier cuisine, le cafetier sert des verres, le barbier rase… tout cela face à une caméra vidéo présumée avoir des retombées publicitaires indispensables au sauvetage du village. Résultat : un pittoresque de carte postale et un flot de clichés folkloriques.
Reste à recevoir les touristes… qui seront –on s’en doute mais on sourit – des migrants en perdition sur leur rafiot. Après une surprise à peine feinte ils sont accueillis à bras ouverts. En effet ne représentent-ils pas une force vive au milieu des habitants du cru plus proches du cimetière que des fonds baptismaux ! Ainsi va la vie – ou reprend-t-elle – sous l’objectif d’un Porzio qui allie le fiel et le miel. Le film a emporté le Prix du Jury Talents. Le foot bat de djihadisme Lauréat de la Mention Jury Talents, « Les champs magnétiques » de Romain Daudet-Jahan (Corse-France). Deux gamins, une fille et un garçon, dans un univers de forêts, de montagnes, de torrents. Elle a échappé à des parents tarés. Il cherche sa mère qui s’est évaporée. Enlevée par des extraterrestres ? Des bruits d’avions, des sifflements suraigus pour une dimension de fantastique. Il se trimballe avec un énorme magnétomètre supposé capter des signaux en provenance d’une autre planète. Etrange duo confronté soudain à la fureur des éléments qui se solde par la disparition du garçon. Dans la solitude d’une nature – peut-être moins inhospitalière qu’il n’y parait –l’adolescente va prendre le relais de celui qui a rejoint sa mère dans les étoiles.
Les qualités de « Hors- jeu flagrant » de Sami Tliti ont séduit RCFM, qui a choisi de primer ce court-métrage filmé en Tunisie. Le foot, opium du peuple, aurait pu titrer le réalisateur de cette « drôle » de partie retransmise sur radios, TV et se déroulant aussi sur une route de nuit. Elle mobilise tant de passion cette ardeur footballistique qu’elle en arrive à refouler au second plan politique et terrorisme. La critique de Tliti est cinglante et rappelle le slogan portugais à l’œuvre sous la dictature FFF (Foot-Fatima-Fado) qui exprimait bien la manière de mettre au pas un peuple en déviant son attention de la vie de la cité. La réalisation de Sami Tliti nous amène à penser que le djihadisme a gagné le match ! Une histoire bien menée dans une atmosphère nocturne qui opacifie le mystère. Paradoxe ? La fraîcheur de la compétition des Nuits Med est apportée par une chaude après-midi estivale. « Jeûne d’été » d’Abdenoure Ziane nous administre la preuve que même en Normandie, lieu de son tournage, la canicule peut sévir. Cadre de l’histoire : une banlieue. Protagonistes : deux garçonnets, l’un musulman, l’autre pas. Deux potes pendant le ramadan. L’infidèle – fidèle copain –soutient Kader qui doit jeuner jusqu’à la tombée du jour. Intrigue ultra simple et pourtant ultra prenante. On a soif avec les deux mômes. On a des creux à l’estomac avec eux. Un film empli de fraternité… malgré des empoignades. « Jeûne d’été » fait du bien et se savoure avec ses pointes de piments…ironiques ! A. Ziane a reçu le Prix de la COPEAN « Conférence permanente de l’audiovisuel de Méditerranée) ».
Mariam per sempre
« What we don’t know about Mariam » de Morad Mostafa s’inscrit dans la veine des films féministes égyptiens dont les auteurs sont souvent de sexe masculin – la carrière cinématographiques des femmes en Egypte étant plus qu’aléatoire ! La réalisation de Mostafa a eu le Prix de la Critique. Son scénario pourrait relever des règles du théâtre classique : unité de temps, unité de lieu, unité d’action. On est dans un hôpital du Caire aux multiples couloirs et corridors.
C’est la journée, au moment des consultations externes. Une femme, Mariam est souffrante. Ses saignements problématiques. Quel est son mal ? Sa petite fille et son mari l’accompagnent. D’emblée on ignore qu’ils constituent une seule famille. On le déduit peu à peu ainsi que se révèle le drame qui va se nouer. Le suspense entretenu par le cinéaste est souligné par des images troublantes et touchantes des parents et de la fillette. Sur les épaules de Mariam toute la lourdeur des traditions patriarcales.
Broyée Mariam par les coutumes et par les coups de son mari qui va la tabasser parce qu’elle est responsable, selon lui, d’avortement, à moins que cela soit de fausse couche ou simplement d’être affligée d’un fibrome qui endommage son utérus ! Portrait terrible d’un homme incarnant un machisme absolu sans ressentir aucun état d’âme. Morad Mostafa réussit à rendre palpable l’angoisse, le chagrin puis la rébellion de Mariam, la déstabilisation de l’enfant et pire cette cruauté que « se doit d’exercer » l’homme …
« Pour que rien ne change » de Francescu Artily fait immédiatement songer par son intitulé à la célèbre formule du prince Salina dans « Le Guépard », une référence ambitieuse pour un pari… tenu ! Le film nous plonge dans un milieu insulaire campagnard inaltéré et inaltérable où malgré les siècles les esprits n’ont pas évolué, ni les choses, ni les manière de voir. Une remarquable photographie. Des scènes qui font échos aux photos, aux gravures, aux chromos qui ornent les murs. Tout est tellement daté que tout devient intemporel et c’est flippant ! Le retour de la fille « prodigue » réveille un passé, qui aurait dû continuer à roupiller dans les tréfonds des mémoires et enclenche une déflagration aux conséquences mortelles. « Pour que rien ne change » a obtenu une Mention Spéciale très méritée. Ce récit de repli sur soi dans un immobilisme intangible donne froid dans le dos !
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Michèle Acquaviva-Pache
À l’attention du Conseil Constitutionnel :
veillez au sous-titrage des films étrangers en français et non en anglais approximatif.
Primés à la 14 è édition du festival des « Nuits Med » huit courts-métrages qui nous emmènent d’Israël à la Tunisie, d’Italie à la Corse, de l’Egypte à la France en passant par des escales particulières auprès d’immigrations turques et maghrébines dans l’hexagone. Thèmes forts : les femmes, les pesanteurs sociétales, les gosses, les tensions politiques. Des images captivantes. Des narrations aux propos et au ton très divers. Une richesse d’approches et de questionnements. Des cinémas très méditerranéens.
« Œil blanc » de Tomer Shushan nous débarque, de nuit, dans une rue crade de Tel Aviv aux murs couverts de graffitis banals, à la chaussée douteuse, dans un endroit d’entrepôts, en l’occurrence devant une boucherie en gros. Couronné par le Grand Prix des Nuits Meds, « Œil blanc » avec son côté néoréaliste conte l’histoire d’un vélo volé à son propriétaire, qui retrouve par hasard son deux-roues garée dans le coin, mais ne peut le récupérer car un nouvel antivol le bloque. S’en suit des démêlés absurdes avec la flicaille : le volé ne peut apporter la preuve légale que la bicyclette lui appartient tandis que le pseudo voleur, lui, n’a pas de reçu montrant qu’il a acquis l’engin de seconde main. La situation pourrait tourner à la loufoquerie totale si le cinéaste n’embrayait une autre vitesse. Dans l’affaire il y a un blanc et un noir. Un blanc, type monsieur « Tout le monde », israélien pur jus. Un noir, immigré Erythréen, au permis de travail périmé depuis peu et donc menacé d’expulsion. Rien ne serait d’office perdu pour l’un et l’autre si n’était le contexte obtus imposé par la loi et l’ordre.
Au final, c’est le vélo qui est immolé sur l’autel de l’idiotie ! « Œil blanc », de l’art… et de la déprime.
Drôles de touristes
Dans l’est de la France, le foyer d’une famille turque, il y a vingt ou vingt-cinq ans. La mère est quasiment ligotée à sa machine à coudre à façonner des pièces à destination d’un grossiste, lui aussi originaire de Turquie. La famille croule sous les dettes et simultanément ne parvient pas à se faire payer son travail. « Partir en poussière » de Hüseyin Aydin Gürsay a reçu le prix attribué par le cinéma parisien, « Grand Action ».
Le film est d’une grande intensité dramatique et d’une émotion vibrante grâce à des prises de vue subtiles qui savent s’attarder délicatement sur visages et gestes. Sa fin tragique et libératrice reflète extrême maîtrise et sensibilité. Cette mère et son fils on y croit. Ils sont si justes.
Dans un registre de comédie, bien venue par les temps qui courent, « Come a Miconos » d’Alessandro Porzio (Italie) est une satire villageoise tempérée de désespérance. Le maire d’une bourgade paumée constate qu’il y aura autour de lui plus de morts que de vivants. Sa recette salvatrice ? Faire comme à Mykonos : jouer le tourisme. Les habitants coachés par leur élu entrent dans le bal : le pêcheur pêche, le cuisinier cuisine, le cafetier sert des verres, le barbier rase… tout cela face à une caméra vidéo présumée avoir des retombées publicitaires indispensables au sauvetage du village. Résultat : un pittoresque de carte postale et un flot de clichés folkloriques.
Reste à recevoir les touristes… qui seront –on s’en doute mais on sourit – des migrants en perdition sur leur rafiot. Après une surprise à peine feinte ils sont accueillis à bras ouverts. En effet ne représentent-ils pas une force vive au milieu des habitants du cru plus proches du cimetière que des fonds baptismaux ! Ainsi va la vie – ou reprend-t-elle – sous l’objectif d’un Porzio qui allie le fiel et le miel. Le film a emporté le Prix du Jury Talents. Le foot bat de djihadisme Lauréat de la Mention Jury Talents, « Les champs magnétiques » de Romain Daudet-Jahan (Corse-France). Deux gamins, une fille et un garçon, dans un univers de forêts, de montagnes, de torrents. Elle a échappé à des parents tarés. Il cherche sa mère qui s’est évaporée. Enlevée par des extraterrestres ? Des bruits d’avions, des sifflements suraigus pour une dimension de fantastique. Il se trimballe avec un énorme magnétomètre supposé capter des signaux en provenance d’une autre planète. Etrange duo confronté soudain à la fureur des éléments qui se solde par la disparition du garçon. Dans la solitude d’une nature – peut-être moins inhospitalière qu’il n’y parait –l’adolescente va prendre le relais de celui qui a rejoint sa mère dans les étoiles.
Les qualités de « Hors- jeu flagrant » de Sami Tliti ont séduit RCFM, qui a choisi de primer ce court-métrage filmé en Tunisie. Le foot, opium du peuple, aurait pu titrer le réalisateur de cette « drôle » de partie retransmise sur radios, TV et se déroulant aussi sur une route de nuit. Elle mobilise tant de passion cette ardeur footballistique qu’elle en arrive à refouler au second plan politique et terrorisme. La critique de Tliti est cinglante et rappelle le slogan portugais à l’œuvre sous la dictature FFF (Foot-Fatima-Fado) qui exprimait bien la manière de mettre au pas un peuple en déviant son attention de la vie de la cité. La réalisation de Sami Tliti nous amène à penser que le djihadisme a gagné le match ! Une histoire bien menée dans une atmosphère nocturne qui opacifie le mystère. Paradoxe ? La fraîcheur de la compétition des Nuits Med est apportée par une chaude après-midi estivale. « Jeûne d’été » d’Abdenoure Ziane nous administre la preuve que même en Normandie, lieu de son tournage, la canicule peut sévir. Cadre de l’histoire : une banlieue. Protagonistes : deux garçonnets, l’un musulman, l’autre pas. Deux potes pendant le ramadan. L’infidèle – fidèle copain –soutient Kader qui doit jeuner jusqu’à la tombée du jour. Intrigue ultra simple et pourtant ultra prenante. On a soif avec les deux mômes. On a des creux à l’estomac avec eux. Un film empli de fraternité… malgré des empoignades. « Jeûne d’été » fait du bien et se savoure avec ses pointes de piments…ironiques ! A. Ziane a reçu le Prix de la COPEAN « Conférence permanente de l’audiovisuel de Méditerranée) ».
Mariam per sempre
« What we don’t know about Mariam » de Morad Mostafa s’inscrit dans la veine des films féministes égyptiens dont les auteurs sont souvent de sexe masculin – la carrière cinématographiques des femmes en Egypte étant plus qu’aléatoire ! La réalisation de Mostafa a eu le Prix de la Critique. Son scénario pourrait relever des règles du théâtre classique : unité de temps, unité de lieu, unité d’action. On est dans un hôpital du Caire aux multiples couloirs et corridors.
C’est la journée, au moment des consultations externes. Une femme, Mariam est souffrante. Ses saignements problématiques. Quel est son mal ? Sa petite fille et son mari l’accompagnent. D’emblée on ignore qu’ils constituent une seule famille. On le déduit peu à peu ainsi que se révèle le drame qui va se nouer. Le suspense entretenu par le cinéaste est souligné par des images troublantes et touchantes des parents et de la fillette. Sur les épaules de Mariam toute la lourdeur des traditions patriarcales.
Broyée Mariam par les coutumes et par les coups de son mari qui va la tabasser parce qu’elle est responsable, selon lui, d’avortement, à moins que cela soit de fausse couche ou simplement d’être affligée d’un fibrome qui endommage son utérus ! Portrait terrible d’un homme incarnant un machisme absolu sans ressentir aucun état d’âme. Morad Mostafa réussit à rendre palpable l’angoisse, le chagrin puis la rébellion de Mariam, la déstabilisation de l’enfant et pire cette cruauté que « se doit d’exercer » l’homme …
« Pour que rien ne change » de Francescu Artily fait immédiatement songer par son intitulé à la célèbre formule du prince Salina dans « Le Guépard », une référence ambitieuse pour un pari… tenu ! Le film nous plonge dans un milieu insulaire campagnard inaltéré et inaltérable où malgré les siècles les esprits n’ont pas évolué, ni les choses, ni les manière de voir. Une remarquable photographie. Des scènes qui font échos aux photos, aux gravures, aux chromos qui ornent les murs. Tout est tellement daté que tout devient intemporel et c’est flippant ! Le retour de la fille « prodigue » réveille un passé, qui aurait dû continuer à roupiller dans les tréfonds des mémoires et enclenche une déflagration aux conséquences mortelles. « Pour que rien ne change » a obtenu une Mention Spéciale très méritée. Ce récit de repli sur soi dans un immobilisme intangible donne froid dans le dos !
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Michèle Acquaviva-Pache
À l’attention du Conseil Constitutionnel :
veillez au sous-titrage des films étrangers en français et non en anglais approximatif.