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Collectivité de corse : une majorité absolue et très convenable

C’est au monarque républicain du « Pays ami » de jouer et d’ainsi saisir la chance que les électeurs corses lui ont donné de devenir l’un des deux artisans d’une solution durable.
Collectivité de Corse : une majorité absolue et très convenable


C’est au monarque républicain du « Pays ami » de jouer et d’ainsi saisir la chance que les électeurs corses lui ont donné de devenir l’un des deux artisans d’une solution durable.

Aucun suspense n’était envisageable !

Fort que sa liste soit arrivée en tête avec plus de 40 % des suffrages, ce qui lui assurait la majorité absolue à l'Assemblée de Corse, et conformément à la tonalité de sa campagne, Gilles Simeoni n’a sollicité aucune alliance pour composer son équipe exécutive.
On peut comprendre que Jean-Christophe Angelini ait réagi en exprimant du dépit : « Je déplore une famille nationaliste qui n’a jamais été aussi puissante mais qui est plus que jamais divisée. Un parti exclut tous les autres.».
On peut aussi comprendre qu’il ait formalisé ce sentiment en ayant pris le parti, avec son groupe de conseillers, de ne pas participer au vote qui a porté Nanette Maupertuis à la présidence de l’Assemblée de Corse, et ce afin de signifier son opposition à « une volonté de gouverner seul et de manière exclusive
Mais comment ne pas rappeler que le leader du Partitu di a Nazione Corsa et ses amis n’ont été pris ni en traître, ni par surprise. Le scénario d’un cavalier seul siméoniste a été dévoilé dès juin 2019 quand, au boulodrome de Lupinu à Bastia, Gilles Simeoni et Jean-Félix Acquaviva ont indiqué que l’accord ayant conduit à l’union Pè à Corsica ne serait ni automatiquement applicable à l’occasion des élections municipales 2020, ni reconductible à l’identique lors des élections territoriales 2021. Le Président du Conseil exécutif a prévenu : « Cet accord ne dit pas que nous serons ensemble aux prochaines Territoriales au premier tour. » Le député de Haute-Corse et secrétaire national de Femu a Corsica, a expliqué : « Nous pensons que le vrai sujet c’est le rassemblement le plus large. » Quant à la chevauchée solitaire, elle a effectivement débuté quand, quelques semaines avant les élections municipales, Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif, s’en est allé à Portiveghju pour soutenir un candidat nationaliste qui concurrençait Jean-Christophe Angelini, lui -même conseiller exécutif. Corsica Libera n’a pas non plus été pris en traître ou par surprise.
Les médias et les bruits de couloir évoquaient régulièrement des situations de tension dans les rapports entre le Président du Conseil exécutif Gilles Simeoni et le Président de l’Assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni, le premier étant agacé que le second accrédite en le « collant à la culotte » le sentiment de l’existence d’un pouvoir bicéphale n’étant conforme ni à l’esprit ni à la lettre des textes ayant instauré la Collectivité de Corse. Quant aux propos de Gilles Simeoni et Jean-Félix Acquaviva à Lupinu évoqués plus haut, il s’adressaient bien entendu aussi au parti indépendantiste et à ses élus. Ceci était d’autant plus évident que Jean-Félix Acquaviva avait fustigé une conférence de presse Partitu di a Nazione Corsa / Corsica Libera qui avait appelé à la constitution d’une liste Pè a Corsica dans la perspective des élections municipales d’Aiacciu: « On ne contraint pas à deux contre un dans Pè a Corsica. »

Emmanuel Macron sera-t-il à l’écoute ?

Il est criant que Gilles Simeoni a voulu la rupture afin de se défaire de partenaires qu’il jugeait embarrassant et d’avoir les mains libres. A ce jour, son initiative est couronnée de réussite. Les élus issus de la liste Fà Populu Inseme ne devraient pas être une majorité absolue turbulente.
La Présidente de l’Assemblée de Corse n’aura très probablement jamais la tentation d’apparaître comme son égal. Elle a d’ailleurs très clairement affirmé lors de sa première allocution qu’elle saurait rester à sa place : « L’essentiel, dans ce mandat que vous me confiez, c’est le pouvoir qu’un président ou qu’une présidente peut déployer pour faire de cet hémicycle le lieu de la représentation démocratique du peuple corse, le réceptacle mais aussi la caisse de résonance de ses aspirations profondes. La question n’est pas de savoir s’il vaut mieux qu’un homme ou une femme préside cette assemblée. L’important est que nous soyons chacun d’entre nous à la hauteur des mandats qui nous ont été ou qui nous seront donnés. » Enfin, Gilles Simeoni est en mesure de traiter à sa main les grands dossiers économique, sociaux, culturels et linguistiques, et de discuter à sa guise avec Paris. Il a d’ailleurs affirmé qu’il entendait s’y employer rapidement

« Le temps est venu de construire une solution politique négociée » et avec une volonté farouche d’être entendu : « Un statut d’autonomie de plein droit et de plein exercice, ce n’est pas l’indépendance ! Comment l’État pourrait-il continuer à refuser d’ouvrir une négociation sérieuse qui respecte la question corse dans toutes ces dimensions ? Cela doit être fait au plus vite ! » Emmanuel Macron sera-t-il à l’écoute ? Rien n’est moins sûr. Cependant, s’il ne renonce pas à sa ligne politique jacobine et fermée au dialogue, le Président de la République ne pourra pas invoquer être confronté à des interlocuteurs ingérables ou à des chantres de l’indépendantisme. Un éditorial du quotidien Le Monde a d’ailleurs récemment souligné que le chef de l’État avait désormais face à lui des interlocuteurs aussi valables que convenables : « Non seulement l’île n’a pas été touchée par l’abstention massive qui a frappé la métropole, mais ses électeurs ont choisi de clarifier le paysage politique en renforçant les pouvoirs de celui qui en préside le conseil exécutif depuis 2015 (…) La réélection de M. Simeoni change la donne.
Cette fois, l’autonomiste est débarrassé de son alliance parfois encombrante avec le président indépendantiste de l’Assemblée de Corse, M. Talamoni. Il s’est affranchi du carcan des équilibres entre les différentes fractions nationalistes qui ont largement contribué à paralyser l’action de la précédente mandature (…) Le président de la République ne peut balayer d’un revers de main ce score aux élections territoriales, qui accorde près de 70 % des voix au second tour aux listes nationalistes. »

C’est donc au monarque républicain du « Pays ami » de jouer et d’ainsi saisir la chance que les électeurs corses lui ont donné de devenir l’un des deux artisans d’une solution durable.

Pierre Corsi
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