Juliette Linossier : Quand le chant des oiseaux révèle ce que nous sommes
Biophonia propose des expertises en bioacoustiques et éco-acoustiques.
Quand le chant des oiseaux révèle ce que nous sommes
Biophonia, créée en novembre 2020, propose des expertises en bioacoustique et éco-acoustique. Une terminologie poétique certes mais pointue, qui invite à connaître notre biodiversité.
Casque sur les oreilles, les yeux rivés sur l’écran d’ordinateur, Juliette écoute, scrute les spectrogrammes des chants de puffins enregistrés la veille dans l’Extrême-Sud de l’île.
Juliette Linossier est naturaliste, docteure en biologie et présidente de Biophonia, entreprise de l’Économie sociale et solidaire (ESS) basée au village d’Oletta. L’équipe comprend aussi deux associés également docteurs, Clément Cornec, en biologie également et Léo Papet en acoustique. Leur mission est l’étude de la bioacoustique – qui se concentre sur l’espèce ou l’individu – et l’éco-acoustique qui concerne l’ensemble de l’écosystème. « Ces deux disciplines scientifiques, explique la jeune femme de 32 ans, ont pour objectif l’étude des sons émis par les animaux. Les enregistrements que nous obtenons nous permettent de suivre l’évolution de la biodiversité de manière continue, sur des temps longs, dans divers espaces. »
L’enjeu est ainsi posé : l’étude des sons de l’espèce animale raconte l’état général de la planète ! Et plus précisément celui de la Corse.
Mais avant son installation, il y a quelques années, Juliette Linossier s’envole pour le Canada, après son Master de biologie, afin d’étudier le comportement des phoques, mammifères qu’elle affectionne tout particulièrement.
Première expérience hors-les-murs pour cette Stéphanoise. Elle consacre, ensuite, sa thèse aux fauvettes à tête noire et c’est lors de cette rédaction qu’elle est amenée à se rendre sur l’île en 2012 pour capter les différentes migrations et sédentarités. « Et finalement, une rencontre a provoqué la mienne », avoue-t-elle dans un large sourire.
Pour autant, les voyages ne cessent pas. Direction la Californie où, durant deux années, Juliette étudie, grâce à une bourse d’études, les éléphants de mer. « J’adore les sciences ! Et je suis fascinée par ce que j’appelle… les enquêtes ! On récolte, explique-t-elle, des données, scientifiques, mathématiques et pour autant une grande part de mystère demeure. Il faut alors réfléchir à quel protocole mettre en place pour se rapprocher au plus près de la clef de l’énigme. » Les données recueillies par les enregistreurs recèlent des trésors, facilement transmis, grâce aux moyens technologiques actuels, aux différentes communautés scientifiques. Ils offrent une analyse sensible et des relevés précieux sur l’évolution de la biodiversité, sur les changements environnementaux. « Notre expertise, poursuit Juliette, vise parfois à vocaliser des animaux rares. On s’aperçoit alors qu’il y a encore mille choses à découvrir sur ce qui constitue notre patrimoine sonore.
Leur dernière mission consiste à recueillir les sons émis par les puffins, oiseaux marins. Délicate et éprouvante opération car ces animaux, que l’on pourrait confondre d’apparence avec des albatros, ne viennent à terre que la nuit à des fins de reproduction, dans des recoins parfois inaccessibles. Période à ne pas manquer pour nos spécialistes car la femelle ne pond qu’un œuf par an. Les enregistrements de nuit rendent possibles la compréhension de leurs migrations (ils peuvent parcourir jusqu’à 65000 kilomètres par an), l’estimation de leur nombre et leur présence réelle dans l’écosystème insulaire. »
Dans un même temps, ce travail a pour vocation d’être partagé avec le grand public. « Il s’agit pour nous de sensibiliser les personnes, notamment les plus jeunes, au paysage sonore qui nous entoure et fait partir de notre quotidien. Nous avons cette chance ici d’entendre le chant des oiseaux, véritable langage pour lequel nous nous devons d’être attentifs, conclut-elle, de nouveau concentrée sur les fichiers numériques qui viennent d’apparaître sur son bureau d’ordinateur. »
Plusieurs projets sont en cours de finalisation chez Biophonia dont le plus enthousiasmant pour le public non-initié reste la création d’une carte sonore de la Corse. De quoi commencer à tendre l’oreille et se donner le temps d’écouter.
•
Anna Massari
Photographies : Puffin©DR / OEC
Portrait ©DR
www.biophonia.fr
Biophonia, créée en novembre 2020, propose des expertises en bioacoustique et éco-acoustique. Une terminologie poétique certes mais pointue, qui invite à connaître notre biodiversité.
Casque sur les oreilles, les yeux rivés sur l’écran d’ordinateur, Juliette écoute, scrute les spectrogrammes des chants de puffins enregistrés la veille dans l’Extrême-Sud de l’île.
Juliette Linossier est naturaliste, docteure en biologie et présidente de Biophonia, entreprise de l’Économie sociale et solidaire (ESS) basée au village d’Oletta. L’équipe comprend aussi deux associés également docteurs, Clément Cornec, en biologie également et Léo Papet en acoustique. Leur mission est l’étude de la bioacoustique – qui se concentre sur l’espèce ou l’individu – et l’éco-acoustique qui concerne l’ensemble de l’écosystème. « Ces deux disciplines scientifiques, explique la jeune femme de 32 ans, ont pour objectif l’étude des sons émis par les animaux. Les enregistrements que nous obtenons nous permettent de suivre l’évolution de la biodiversité de manière continue, sur des temps longs, dans divers espaces. »
L’enjeu est ainsi posé : l’étude des sons de l’espèce animale raconte l’état général de la planète ! Et plus précisément celui de la Corse.
Mais avant son installation, il y a quelques années, Juliette Linossier s’envole pour le Canada, après son Master de biologie, afin d’étudier le comportement des phoques, mammifères qu’elle affectionne tout particulièrement.
Première expérience hors-les-murs pour cette Stéphanoise. Elle consacre, ensuite, sa thèse aux fauvettes à tête noire et c’est lors de cette rédaction qu’elle est amenée à se rendre sur l’île en 2012 pour capter les différentes migrations et sédentarités. « Et finalement, une rencontre a provoqué la mienne », avoue-t-elle dans un large sourire.
Pour autant, les voyages ne cessent pas. Direction la Californie où, durant deux années, Juliette étudie, grâce à une bourse d’études, les éléphants de mer. « J’adore les sciences ! Et je suis fascinée par ce que j’appelle… les enquêtes ! On récolte, explique-t-elle, des données, scientifiques, mathématiques et pour autant une grande part de mystère demeure. Il faut alors réfléchir à quel protocole mettre en place pour se rapprocher au plus près de la clef de l’énigme. » Les données recueillies par les enregistreurs recèlent des trésors, facilement transmis, grâce aux moyens technologiques actuels, aux différentes communautés scientifiques. Ils offrent une analyse sensible et des relevés précieux sur l’évolution de la biodiversité, sur les changements environnementaux. « Notre expertise, poursuit Juliette, vise parfois à vocaliser des animaux rares. On s’aperçoit alors qu’il y a encore mille choses à découvrir sur ce qui constitue notre patrimoine sonore.
Leur dernière mission consiste à recueillir les sons émis par les puffins, oiseaux marins. Délicate et éprouvante opération car ces animaux, que l’on pourrait confondre d’apparence avec des albatros, ne viennent à terre que la nuit à des fins de reproduction, dans des recoins parfois inaccessibles. Période à ne pas manquer pour nos spécialistes car la femelle ne pond qu’un œuf par an. Les enregistrements de nuit rendent possibles la compréhension de leurs migrations (ils peuvent parcourir jusqu’à 65000 kilomètres par an), l’estimation de leur nombre et leur présence réelle dans l’écosystème insulaire. »
Dans un même temps, ce travail a pour vocation d’être partagé avec le grand public. « Il s’agit pour nous de sensibiliser les personnes, notamment les plus jeunes, au paysage sonore qui nous entoure et fait partir de notre quotidien. Nous avons cette chance ici d’entendre le chant des oiseaux, véritable langage pour lequel nous nous devons d’être attentifs, conclut-elle, de nouveau concentrée sur les fichiers numériques qui viennent d’apparaître sur son bureau d’ordinateur. »
Plusieurs projets sont en cours de finalisation chez Biophonia dont le plus enthousiasmant pour le public non-initié reste la création d’une carte sonore de la Corse. De quoi commencer à tendre l’oreille et se donner le temps d’écouter.
•
Anna Massari
Photographies : Puffin©DR / OEC
Portrait ©DR
www.biophonia.fr