Flore de Corse : Une Ile aux trésors
Il suffit de feuilleter "L' Atlas biogéographique de la flore de Corse"
Flore de Corse
Une île aux trésors !
Il suffit de feuilleter « L’Atlas biogéographique de la flore de Corse » pour s’en convaincre : nous sommes sur une île aux trésors !... Le Conservatoire botanique national de Corse vient de publier cet ouvrage aussi beau que sérieux collationnant photographies de fleurs et textes les concernant. Des rivages aux cimes montagnardes c’est un émerveillement constant avec en prime du savoir.
A la coordination de ce livre Alain Delage et Laetitia Hugot, responsables du Conservatoire botanique national de Corse, qui ont chapeauté l’équipe de seize botanistes ayant assumé la rédaction et l’illustration des fiches concernant 545 espèces traitées en monographie. Pour chacune d’elles : les noms scientifiques, français, corses. Mais l’ouvrage n’est pas qu’une énumération de végétaux, il en fait la description, mentionne fleurs et fruits s’il y a lieu. Et encore et surtout il précise où pousse cette plante, ce végétal : fissures, éboulis, prairies, montagnes ou littoral. Il indique son aire de répartition en Corse et montre sur des cartes de l’île où se situe ses sites. Fréquence ou rareté, état de conservations ou menaces planant sur ces végétations autant de découvertes qui aiguisent la curiosité. Au fil des pages on apprend également où se rencontre cette flore en dehors de Corse. Parfois de l’Islande à l’Oura. Parfois uniquement en un point du territoire insulaire.
Lecture très enrichissante que celle offerte par cet atlas qui donne une idée du travail du Conservatoire botanique national de Corse qui est un service de l’Office de l’Environnement. Ce conservatoire est agréé par le ministère de l’Ecologie et travaille en collaboration avec l’Office français de la Biodiversité. En France on compte douze conservatoires de ce type dont un en Martinique et un autre à la Réunion tandis que sont en préparation ceux de Nouvelle Calédonie, de Guyane, de Guadeloupe. Ces structures ont des rôles d’inventaire des espèces et des végétations, de conservation de la flore et des habitas menacés, de ressources documentaires, de communication et de sensibilisation du public.
La flore de Corse c’est 2724 taxons dont 2411 espèces avec 2238 taxons indigènes favorisés par l’isolement de longue date du milieu insulaire, par l’éloignement du continent, par une histoire paléogéographique et paléoenvironnementale singulière. Tous ces éléments conjugués font de la Corse un réservoir exceptionnel de variétés floristique.
La topographie de l’île très diverses et contrastée transforme souvent le travail des botanistes en chasse aux trésors : accès problématiques fréquents, densité du maquis, bouleversements suite à des excès climatiques, il peut s’avérer difficile de retrouver des stations décrites il y a un demi-siècle ou plus. Ainsi la forêt a-t-elle multiplié par trois sa superficie en cent ans !
L’observation de la flore est donc… un perpétuel recommencement !
« Avoir un herbier reconnu est un enjeu pour l’île. Tant que nous en serons dépourvus, nous serons obligés de déposer ailleurs les fruits de nos trouvailles » …
Laetitia Hugot, Conservatoire botanique national de Corse.
Pourquoi la Corse ne possède-t-elle pas d’herbier officiel et pour quelles raisons le plus important concernant l’île est-il à Genève ?
Cet herbier très conséquent et complet est conservé dans l’abri antiatomique situé sous le Jardin botanique de la Ville de Genève. Il y a eu, en effet, beaucoup de botanistes suisses du XIX è et du XX è siècles qui se sont intéressés à la flore corse… Jusqu’à aujourd’hui il n’y a pas d’herbier corse reconnu internationalement ici et c’est un manque, car nous en avons besoin pour notre travail.
Mais un herbier digne de ce nom exige d’avoir des locaux adaptés. Quand se sera le cas, Genève nous donnera des doubles, entre autres ! Les herbiers historiques sont des témoins de la flore à une époque donnée et doivent être accessibles aux scientifiques. Ce sont des outils indispensables et dont nous devons pouvoir nous servir au quotidien. Avoir un herbier reconnu est un enjeu pour l’île. Tant que nous en serons dépourvus, nous serons obligés de déposer ailleurs les fruits de nos trouvailles, ce qui n’est guère heureux, même si nous nous adossons de plus en plus sur l’outil génétique.
Quel est le facteur prépondérant concernant la flore corse ?
Il n’y en a pas qu’un !... Par sa topographie très singulière la Corse est une zone refuge. Ile – entourée d’eau – elle n’est pas le seul espace de montagnes en Méditerranée, mais elle est l’unique à posséder un étage alpin.
Les particularités botaniques de l’île ?
Elle est un carrefour d’influences du nord et du sud, de l’est et de l’ouest. On trouve ici ce qu’on a ailleurs… mais pas tout ! Par ailleurs il y a des espèces endémiques et des combinaisons d’espèces entre elles très originales. On peut noter qu’en botanique la Corse et la Crète sont des îles sœurs avec un fort caractère montagnard. L’île a aussi un patrimoine commun important avec la Sardaigne et l’archipel toscan.
Les botanistes parlent souvent d’espèces ou de taxons. Quelles différences entre les deux ?
Taxon peut être employé pour désigner des espèces, des sous-espèces, des variétés… Prenons l’exemple du ciste de Crète dont il existe une sous-espèce corse, qu’on peut appeler taxon.
Une plante endémique est-elle forcément rare ?
Précisons qu’une plante est endémique quand elle existe en un lieu géographique qui peut être étroit ou large. Il n’y a pas de lien à faire entre endémie et rareté. Ici, l’hellébore est une plante endémique corso-sarde répandue sur toute l’île. Mais certaines endémiques ne poussent que dans une, deux ou trois stations insulaires !
Quelle découverte vous a-t-elle procuré la plus grande satisfaction ?
Lors d’un travail de terrain Alain Delage et moi avons eu une belle joie en découvrant un genêt de l’Etna. Cet arbre était resté inaperçu en Corse jusqu’à ce qu’une personne nous signale sa présence. Cette découverte spectaculaire nous l’avons faite à 600 mètres d’altitude sur une rive de la Solenzara, dans un endroit escarpé. C’était il y a 5 ans. L’arbre, une sous-espèce endémique corso-sardo-sicilienne, mesure 15 mètres de haut et porte de fleurs jaunes en juillet.
Pourquoi Bonifacio et ses alentours présentent-ils une si grande diversité floristique ?
C’est lié au substrat calcaire de Bonifacio, qui présente une indéniable rareté. Sur Saint Florent le calcaire n’a pas les mêmes particularités et l’évolution des végétaux a été différente… En l’occurrence Bonifacio détient la palme de la diversité de la flore en Corse. L’île compte aussi 115 îlots végétalisés où n’existent que certaines espèces.
D’où proviennent les menaces les plus réelles sur la flore insulaire ?
Essentiellement de l’urbanisation qui est de plus en plus pressante et qui doit susciter une totale vigilance… Les espèces exotiques importées font également planer un risque car leur dissémination par l’homme, l’animal, les pluies et le ruissellement peuvent être incontrôlée… Pour renforcer les précautions à observer nous allons reformuler des propositions auprès de la CDC.
Les plantes achetées en jardineries peuvent-elles avoir un impact négatif sur notre environnement naturel ?
Quand on introduit une plante en Corse c’est avec de la terre et donc avec des virus… Ce qui serait fantastique c’est de produire localement tout ce qui est local. On a dressé une liste en ce sens et on travaille avec « Corsica Grana » qui a un site sur internet qui aide à se repérer en la matière. Pour ne citer que des plantes très courantes comme les géraniums et le basilique, elles devraient être des productions locales.
Beaucoup de découvertes demeurent-elles à faire ?
Tous les 5 ou 10 ans il se peut qu’on fasse des découvertes tant la topographie est belle et diverse, tant la végétation peut évoluer… Il y a encore des coins à creuser. A interroger.
Dans l’atlas biogéographique de la flore en Corse on est frappé par les superbes teintes de bleu, de violine, de rose pâle ou de violet des fleurs photographiées…
Ces belles couleurs ne sont pas les plus fréquentes, les plus répandues. Peut-être les a-t-on privilégiées pour leur délicatesse ou leur somptuosité. Mais dans la nature c’est le jaune que l’on rencontre le plus !
Actuellement sur quoi travaille le Conservatoire botanique national de Corse ?
Sur l’inventaire permanent de la flore, sur des cartes au 1 : 25 000 è, sur l’amélioration de la connaissance du territoire corse et sur celui des îlots.
Propos recueillis par M.A-P
Une île aux trésors !
Il suffit de feuilleter « L’Atlas biogéographique de la flore de Corse » pour s’en convaincre : nous sommes sur une île aux trésors !... Le Conservatoire botanique national de Corse vient de publier cet ouvrage aussi beau que sérieux collationnant photographies de fleurs et textes les concernant. Des rivages aux cimes montagnardes c’est un émerveillement constant avec en prime du savoir.
A la coordination de ce livre Alain Delage et Laetitia Hugot, responsables du Conservatoire botanique national de Corse, qui ont chapeauté l’équipe de seize botanistes ayant assumé la rédaction et l’illustration des fiches concernant 545 espèces traitées en monographie. Pour chacune d’elles : les noms scientifiques, français, corses. Mais l’ouvrage n’est pas qu’une énumération de végétaux, il en fait la description, mentionne fleurs et fruits s’il y a lieu. Et encore et surtout il précise où pousse cette plante, ce végétal : fissures, éboulis, prairies, montagnes ou littoral. Il indique son aire de répartition en Corse et montre sur des cartes de l’île où se situe ses sites. Fréquence ou rareté, état de conservations ou menaces planant sur ces végétations autant de découvertes qui aiguisent la curiosité. Au fil des pages on apprend également où se rencontre cette flore en dehors de Corse. Parfois de l’Islande à l’Oura. Parfois uniquement en un point du territoire insulaire.
Lecture très enrichissante que celle offerte par cet atlas qui donne une idée du travail du Conservatoire botanique national de Corse qui est un service de l’Office de l’Environnement. Ce conservatoire est agréé par le ministère de l’Ecologie et travaille en collaboration avec l’Office français de la Biodiversité. En France on compte douze conservatoires de ce type dont un en Martinique et un autre à la Réunion tandis que sont en préparation ceux de Nouvelle Calédonie, de Guyane, de Guadeloupe. Ces structures ont des rôles d’inventaire des espèces et des végétations, de conservation de la flore et des habitas menacés, de ressources documentaires, de communication et de sensibilisation du public.
La flore de Corse c’est 2724 taxons dont 2411 espèces avec 2238 taxons indigènes favorisés par l’isolement de longue date du milieu insulaire, par l’éloignement du continent, par une histoire paléogéographique et paléoenvironnementale singulière. Tous ces éléments conjugués font de la Corse un réservoir exceptionnel de variétés floristique.
La topographie de l’île très diverses et contrastée transforme souvent le travail des botanistes en chasse aux trésors : accès problématiques fréquents, densité du maquis, bouleversements suite à des excès climatiques, il peut s’avérer difficile de retrouver des stations décrites il y a un demi-siècle ou plus. Ainsi la forêt a-t-elle multiplié par trois sa superficie en cent ans !
L’observation de la flore est donc… un perpétuel recommencement !
« Avoir un herbier reconnu est un enjeu pour l’île. Tant que nous en serons dépourvus, nous serons obligés de déposer ailleurs les fruits de nos trouvailles » …
Laetitia Hugot, Conservatoire botanique national de Corse.
Pourquoi la Corse ne possède-t-elle pas d’herbier officiel et pour quelles raisons le plus important concernant l’île est-il à Genève ?
Cet herbier très conséquent et complet est conservé dans l’abri antiatomique situé sous le Jardin botanique de la Ville de Genève. Il y a eu, en effet, beaucoup de botanistes suisses du XIX è et du XX è siècles qui se sont intéressés à la flore corse… Jusqu’à aujourd’hui il n’y a pas d’herbier corse reconnu internationalement ici et c’est un manque, car nous en avons besoin pour notre travail.
Mais un herbier digne de ce nom exige d’avoir des locaux adaptés. Quand se sera le cas, Genève nous donnera des doubles, entre autres ! Les herbiers historiques sont des témoins de la flore à une époque donnée et doivent être accessibles aux scientifiques. Ce sont des outils indispensables et dont nous devons pouvoir nous servir au quotidien. Avoir un herbier reconnu est un enjeu pour l’île. Tant que nous en serons dépourvus, nous serons obligés de déposer ailleurs les fruits de nos trouvailles, ce qui n’est guère heureux, même si nous nous adossons de plus en plus sur l’outil génétique.
Quel est le facteur prépondérant concernant la flore corse ?
Il n’y en a pas qu’un !... Par sa topographie très singulière la Corse est une zone refuge. Ile – entourée d’eau – elle n’est pas le seul espace de montagnes en Méditerranée, mais elle est l’unique à posséder un étage alpin.
Les particularités botaniques de l’île ?
Elle est un carrefour d’influences du nord et du sud, de l’est et de l’ouest. On trouve ici ce qu’on a ailleurs… mais pas tout ! Par ailleurs il y a des espèces endémiques et des combinaisons d’espèces entre elles très originales. On peut noter qu’en botanique la Corse et la Crète sont des îles sœurs avec un fort caractère montagnard. L’île a aussi un patrimoine commun important avec la Sardaigne et l’archipel toscan.
Les botanistes parlent souvent d’espèces ou de taxons. Quelles différences entre les deux ?
Taxon peut être employé pour désigner des espèces, des sous-espèces, des variétés… Prenons l’exemple du ciste de Crète dont il existe une sous-espèce corse, qu’on peut appeler taxon.
Une plante endémique est-elle forcément rare ?
Précisons qu’une plante est endémique quand elle existe en un lieu géographique qui peut être étroit ou large. Il n’y a pas de lien à faire entre endémie et rareté. Ici, l’hellébore est une plante endémique corso-sarde répandue sur toute l’île. Mais certaines endémiques ne poussent que dans une, deux ou trois stations insulaires !
Quelle découverte vous a-t-elle procuré la plus grande satisfaction ?
Lors d’un travail de terrain Alain Delage et moi avons eu une belle joie en découvrant un genêt de l’Etna. Cet arbre était resté inaperçu en Corse jusqu’à ce qu’une personne nous signale sa présence. Cette découverte spectaculaire nous l’avons faite à 600 mètres d’altitude sur une rive de la Solenzara, dans un endroit escarpé. C’était il y a 5 ans. L’arbre, une sous-espèce endémique corso-sardo-sicilienne, mesure 15 mètres de haut et porte de fleurs jaunes en juillet.
Pourquoi Bonifacio et ses alentours présentent-ils une si grande diversité floristique ?
C’est lié au substrat calcaire de Bonifacio, qui présente une indéniable rareté. Sur Saint Florent le calcaire n’a pas les mêmes particularités et l’évolution des végétaux a été différente… En l’occurrence Bonifacio détient la palme de la diversité de la flore en Corse. L’île compte aussi 115 îlots végétalisés où n’existent que certaines espèces.
D’où proviennent les menaces les plus réelles sur la flore insulaire ?
Essentiellement de l’urbanisation qui est de plus en plus pressante et qui doit susciter une totale vigilance… Les espèces exotiques importées font également planer un risque car leur dissémination par l’homme, l’animal, les pluies et le ruissellement peuvent être incontrôlée… Pour renforcer les précautions à observer nous allons reformuler des propositions auprès de la CDC.
Les plantes achetées en jardineries peuvent-elles avoir un impact négatif sur notre environnement naturel ?
Quand on introduit une plante en Corse c’est avec de la terre et donc avec des virus… Ce qui serait fantastique c’est de produire localement tout ce qui est local. On a dressé une liste en ce sens et on travaille avec « Corsica Grana » qui a un site sur internet qui aide à se repérer en la matière. Pour ne citer que des plantes très courantes comme les géraniums et le basilique, elles devraient être des productions locales.
Beaucoup de découvertes demeurent-elles à faire ?
Tous les 5 ou 10 ans il se peut qu’on fasse des découvertes tant la topographie est belle et diverse, tant la végétation peut évoluer… Il y a encore des coins à creuser. A interroger.
Dans l’atlas biogéographique de la flore en Corse on est frappé par les superbes teintes de bleu, de violine, de rose pâle ou de violet des fleurs photographiées…
Ces belles couleurs ne sont pas les plus fréquentes, les plus répandues. Peut-être les a-t-on privilégiées pour leur délicatesse ou leur somptuosité. Mais dans la nature c’est le jaune que l’on rencontre le plus !
Actuellement sur quoi travaille le Conservatoire botanique national de Corse ?
Sur l’inventaire permanent de la flore, sur des cartes au 1 : 25 000 è, sur l’amélioration de la connaissance du territoire corse et sur celui des îlots.
Propos recueillis par M.A-P