Franck Leandri , Directeur de la DRAC de Corse
L'archéologie du rêve à la réalité
Franck Leandri : « On a jamais eu autant de moyens pour travailler à la recherche archéologique »
Comment mesurez-vous l’évolution de l’archéologie depuis quelques années ?
Cela bouge beaucoup ! Des équipes sont déjà en place avec des travaux sur des sites emblématiques qui sont repris. Je pense, bien sûr à Aleria où un programme de recherches est en place depuis trois ou quatre ans et qui a aboutir sur la mise en œuvre d’une exposition organisée par la Collectivité de Corse. L’archéologie préventive reste présente sur ce site à travers notamment la découverte de niveau international de la tombe étrusque qui a défrayé les chroniques. Sur les autres secteurs de l’île, le travail se poursuit sur les sites de Mariana, Piantarellu à Bonifacio, Basi dans la vallée du Taravu, un gisement de référence qui nous livre une réelle stratigraphie des niveaux d’occupation du mésolithique à l’âge du fer ou encore le site de Sant’Appianu à Sagone...
Qu’en est-il des moyens mis en œuvre ?
On a jamais eu autant de moyens pour travailler et aider les autres à travailler. Toutes les régions de l’île sont investies par les chercheurs locaux ou continentaux. On a des moyen en termes d’analyses, d’opérationnalité. Et nous avons, par ailleurs, de gros projets qui vont permettre de valoriser les recherches. On évoque le site de Mariana où un musée est en phase d’aboutissement, celuide san Ghjuvanni à Ajaccio trè attendu, ou celui de Sant’Appianu avec la création future d’un musée et d’un centre d’interprétation. Sans parler de Cuccuruzzu. Enfin, nous venons d’obtenir les moyens nécessaires à la création d’un centre de recherche archéologique qui sera situé chemin de Biancarello à Ajaccio et devrait être achevé fin 2024.Les financements sont tous acquis. Ils sont le fruit d’une politique liée à la valorisation des recherches.
Une filière archéologique ne fait – elle pas défaut à l’Université de Corse ?
J’ai personnellement discuté avec le président Federicci qui entend soutenir l’archéologie. Je ne doute pas que les moyens dédiés à l’enseignement seront mis en œuvre à court terme. D’autant qu’il y une réelle demande, un engouement énorme, de la volonté et un potentiel considérable notamment par rapport à l’archéologie préventive puisque nous sommes contraints d’aller chercher des compétences ailleurs. Il y a des possibilités ici.
Le choix d’investir le milieu scolaire ?
À partir du moment où l’on fait de la pédagogie et de la valorisation, tout le monde est concerné. Lors des dernières journées de l’archéologie à la citadelle d’Ajaccio, nous avons accueilli 1500 personnes, soit autant de monde qu’au village archéologique de Toulouse. Il y a une réelle demande, les Corses sont particulièrement friands de ce domaine. Mais il y a aussi une volonté des institutions d’avancer.
Pour autant, le travail est encore long pour mettre à jour d’autres sites ?
Une démarche d’inventaire à travers une carte archéologique permanente est en cours. Le problème majeur auquel nous sommes confrontés concerne la sécurisation des sites qui sont bien souvent fouillés par des personnes qui viennent avec des détecteurs de métaux. Ils détériorent les sites. On reste vigilant mais c’est une réelle inquiétude.
Campu Stefanu abrite les vestiges humains les plus anciens retrouvés à ce jour. Pourra – t-on remonter plus loin encore ?
On espère. J’observe que les conditions opérationnelles pour pouvoir découvrir de nouveaux sites sont là. Les choses ne viendront pas pour autant d’un claquement de doigts. L’archéologie est un métier, certes passionnant mais ingrat. Avant d’arriver sur les niveaux les plus anciens et plus intéressants, il y a gros travail d’anticipation et d’approche. Et nous devons, en outre, achever le travail actuel, ce qui va nécessiter encore du temps. Campu Stefanu, par exemple, n’a pas livré tous ses secrets, tout comme les cercueil de Lanu. On travail avec des équipes pour faire parler ces vestiges. Il y a des rituels, des objets symboliques, le saupoudrage d’ocre ou la manipulation des ossements qui constituent de précieux renseignements. Tout cela fait écho à l’anthropologie sociale retrouvée ailleurs en Méditerranée.
L’archéologie : du rêve à la réalité
L’actuel directeur de la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Corse (DRAC) est, à 55 ans, un homme accompli. Il réalise, en effet, un rêve de vieux de plus de trente ans lorsque déambulant des les rues de Sartène, où il a ses racines, il s’imaginait déjà entrain d’effectuer des fouilles. Destin, volonté ou passion ? Un peu des trois sans doute...
Il est des hommes qui rêvent leur vie, passant à côté de l’essentiel s’efforçant bien souvent de naviguer à contre-courant et d’autres qui vivent leur rêve. En toute simplicité. Franck Leandri, le directeur régional de la DRAC de Corse est de ceux-là. Et si beaucoup se perdent sur le chemin d’un destin qui ne se déroulent pas comme ils l’auraient souhaité, lui peut savourer le bonheur simple d’avoir eu la vie professionnelle qu’il voulait. Celle d’archéologue spécialisé dans la préhistoire. Une passion précoce pour ce domaine mais sans doute aussi un environnement propice à Sartène où il arrive avec ses parents, frères et sœurs, à l’âge de 15 ans. Natif de Vichy, Franck Leandri est un bon gardien de but – les Sartenais ont longtemps pensé qu’il sortait de l’INF, structure nationale qui a précédé Clairefontaine – doublé d’un excellent rugbyman (rugby à XIII). Logique de le voir porter les couleurs de l’UJOS et du Sartène Rugby Club Olympique Sartenais. Mais sa véritable passion est ailleurs. Du côté des sites de Cauria, Cuccuruzzu, Capula, Filitosa. « La région sartenaise me fascinait, explique – t-il,
j’ai toujours rêvé d’effectuer des fouilles sur la statuaire mégalithique... » Une passion ou plutôt une curiosité héritée de son père, ancien militaire ayant beaucoup voyagé. « Il était tout sauf autoritaire, rajoute l’intéressé, et m’a transmis le goût de l’aventure et une certaine rigueur nécessaire pour travailler en archéologie. »
Un héritage à transmettre
Son bac A3 en poche (art plastique et histoire de l’art), Franck Leandri fait ses gammes avec Jacques De Guilhem (le père de Stéphane), le premier à créer une option arts plastiques et histoire de l’art. Il poursuit son cursus à Montpellier où il décroche un DEA (équivalent du master 2). Auparavant il est, à l’occasion du service militaire (au service historique de l’Armée de l’Air), le premier appelé à participer aux fouilles du château de Vincennes, qui cache des secrets tels que le manoir de Saint-Louis.
Mais c’est en Corse qu’il pose définitivement ses valises. Comme chargé d’études à l’association pour les fouilles archéologiques nationales (ancêtre de l’INRAP). Une « carte de visite » enrichie du concours d’ingénieur en archéologie (2001) et du concours de conservateur à l’Institut National du Patrimoine (2011). On lui doit de nombreux ouvrages archéologiques, notamment « Le mégalithisme de la Corse » ou les deux tomes de « L’atlas archéologique de la Corse » ainsi que des missions en Egypte, Sardaigne, Baléares, Malte. Depuis trois ans, le Sartenais est Directeur Régional des Affaires Culturelles de Corse. Et pour clore son beau parcours, il est docteur en archéologie (thèse soutenue en 2020 à Toulouse) et conservateur général du patrimoine. Des connaissances et des compétences qu’il met, depuis, au service des autres. Une passion et un rêve qu’il continue de vivre en passant d’un site à l’autre. Souvent sur le terrain. Il lui reste à transmettre cet héritage à ses deux fils, ce qui pourrait être en bonne voie…
Comment mesurez-vous l’évolution de l’archéologie depuis quelques années ?
Cela bouge beaucoup ! Des équipes sont déjà en place avec des travaux sur des sites emblématiques qui sont repris. Je pense, bien sûr à Aleria où un programme de recherches est en place depuis trois ou quatre ans et qui a aboutir sur la mise en œuvre d’une exposition organisée par la Collectivité de Corse. L’archéologie préventive reste présente sur ce site à travers notamment la découverte de niveau international de la tombe étrusque qui a défrayé les chroniques. Sur les autres secteurs de l’île, le travail se poursuit sur les sites de Mariana, Piantarellu à Bonifacio, Basi dans la vallée du Taravu, un gisement de référence qui nous livre une réelle stratigraphie des niveaux d’occupation du mésolithique à l’âge du fer ou encore le site de Sant’Appianu à Sagone...
Qu’en est-il des moyens mis en œuvre ?
On a jamais eu autant de moyens pour travailler et aider les autres à travailler. Toutes les régions de l’île sont investies par les chercheurs locaux ou continentaux. On a des moyen en termes d’analyses, d’opérationnalité. Et nous avons, par ailleurs, de gros projets qui vont permettre de valoriser les recherches. On évoque le site de Mariana où un musée est en phase d’aboutissement, celuide san Ghjuvanni à Ajaccio trè attendu, ou celui de Sant’Appianu avec la création future d’un musée et d’un centre d’interprétation. Sans parler de Cuccuruzzu. Enfin, nous venons d’obtenir les moyens nécessaires à la création d’un centre de recherche archéologique qui sera situé chemin de Biancarello à Ajaccio et devrait être achevé fin 2024.Les financements sont tous acquis. Ils sont le fruit d’une politique liée à la valorisation des recherches.
Une filière archéologique ne fait – elle pas défaut à l’Université de Corse ?
J’ai personnellement discuté avec le président Federicci qui entend soutenir l’archéologie. Je ne doute pas que les moyens dédiés à l’enseignement seront mis en œuvre à court terme. D’autant qu’il y une réelle demande, un engouement énorme, de la volonté et un potentiel considérable notamment par rapport à l’archéologie préventive puisque nous sommes contraints d’aller chercher des compétences ailleurs. Il y a des possibilités ici.
Le choix d’investir le milieu scolaire ?
À partir du moment où l’on fait de la pédagogie et de la valorisation, tout le monde est concerné. Lors des dernières journées de l’archéologie à la citadelle d’Ajaccio, nous avons accueilli 1500 personnes, soit autant de monde qu’au village archéologique de Toulouse. Il y a une réelle demande, les Corses sont particulièrement friands de ce domaine. Mais il y a aussi une volonté des institutions d’avancer.
Pour autant, le travail est encore long pour mettre à jour d’autres sites ?
Une démarche d’inventaire à travers une carte archéologique permanente est en cours. Le problème majeur auquel nous sommes confrontés concerne la sécurisation des sites qui sont bien souvent fouillés par des personnes qui viennent avec des détecteurs de métaux. Ils détériorent les sites. On reste vigilant mais c’est une réelle inquiétude.
Campu Stefanu abrite les vestiges humains les plus anciens retrouvés à ce jour. Pourra – t-on remonter plus loin encore ?
On espère. J’observe que les conditions opérationnelles pour pouvoir découvrir de nouveaux sites sont là. Les choses ne viendront pas pour autant d’un claquement de doigts. L’archéologie est un métier, certes passionnant mais ingrat. Avant d’arriver sur les niveaux les plus anciens et plus intéressants, il y a gros travail d’anticipation et d’approche. Et nous devons, en outre, achever le travail actuel, ce qui va nécessiter encore du temps. Campu Stefanu, par exemple, n’a pas livré tous ses secrets, tout comme les cercueil de Lanu. On travail avec des équipes pour faire parler ces vestiges. Il y a des rituels, des objets symboliques, le saupoudrage d’ocre ou la manipulation des ossements qui constituent de précieux renseignements. Tout cela fait écho à l’anthropologie sociale retrouvée ailleurs en Méditerranée.
L’archéologie : du rêve à la réalité
L’actuel directeur de la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Corse (DRAC) est, à 55 ans, un homme accompli. Il réalise, en effet, un rêve de vieux de plus de trente ans lorsque déambulant des les rues de Sartène, où il a ses racines, il s’imaginait déjà entrain d’effectuer des fouilles. Destin, volonté ou passion ? Un peu des trois sans doute...
Il est des hommes qui rêvent leur vie, passant à côté de l’essentiel s’efforçant bien souvent de naviguer à contre-courant et d’autres qui vivent leur rêve. En toute simplicité. Franck Leandri, le directeur régional de la DRAC de Corse est de ceux-là. Et si beaucoup se perdent sur le chemin d’un destin qui ne se déroulent pas comme ils l’auraient souhaité, lui peut savourer le bonheur simple d’avoir eu la vie professionnelle qu’il voulait. Celle d’archéologue spécialisé dans la préhistoire. Une passion précoce pour ce domaine mais sans doute aussi un environnement propice à Sartène où il arrive avec ses parents, frères et sœurs, à l’âge de 15 ans. Natif de Vichy, Franck Leandri est un bon gardien de but – les Sartenais ont longtemps pensé qu’il sortait de l’INF, structure nationale qui a précédé Clairefontaine – doublé d’un excellent rugbyman (rugby à XIII). Logique de le voir porter les couleurs de l’UJOS et du Sartène Rugby Club Olympique Sartenais. Mais sa véritable passion est ailleurs. Du côté des sites de Cauria, Cuccuruzzu, Capula, Filitosa. « La région sartenaise me fascinait, explique – t-il,
j’ai toujours rêvé d’effectuer des fouilles sur la statuaire mégalithique... » Une passion ou plutôt une curiosité héritée de son père, ancien militaire ayant beaucoup voyagé. « Il était tout sauf autoritaire, rajoute l’intéressé, et m’a transmis le goût de l’aventure et une certaine rigueur nécessaire pour travailler en archéologie. »
Un héritage à transmettre
Son bac A3 en poche (art plastique et histoire de l’art), Franck Leandri fait ses gammes avec Jacques De Guilhem (le père de Stéphane), le premier à créer une option arts plastiques et histoire de l’art. Il poursuit son cursus à Montpellier où il décroche un DEA (équivalent du master 2). Auparavant il est, à l’occasion du service militaire (au service historique de l’Armée de l’Air), le premier appelé à participer aux fouilles du château de Vincennes, qui cache des secrets tels que le manoir de Saint-Louis.
Mais c’est en Corse qu’il pose définitivement ses valises. Comme chargé d’études à l’association pour les fouilles archéologiques nationales (ancêtre de l’INRAP). Une « carte de visite » enrichie du concours d’ingénieur en archéologie (2001) et du concours de conservateur à l’Institut National du Patrimoine (2011). On lui doit de nombreux ouvrages archéologiques, notamment « Le mégalithisme de la Corse » ou les deux tomes de « L’atlas archéologique de la Corse » ainsi que des missions en Egypte, Sardaigne, Baléares, Malte. Depuis trois ans, le Sartenais est Directeur Régional des Affaires Culturelles de Corse. Et pour clore son beau parcours, il est docteur en archéologie (thèse soutenue en 2020 à Toulouse) et conservateur général du patrimoine. Des connaissances et des compétences qu’il met, depuis, au service des autres. Une passion et un rêve qu’il continue de vivre en passant d’un site à l’autre. Souvent sur le terrain. Il lui reste à transmettre cet héritage à ses deux fils, ce qui pourrait être en bonne voie…
