Corse : une histoire inachevée
À bien étudier l'histoire de la Corse et de son peuple, on finit par se demander si en définitive les Corses ont vraiment envie de conquérir leur émancipation.
Corse : une histoire inachevée
À bien étudier l’histoire de la Corse et de son peuple, on finit par se demander si en définitive les Corses ont vraiment envie de conquérir leur émancipation.
Depuis le Moyen-Âge (et peut-être antérieurement, mais les sources manquent) les Corses ont peiné à créer une véritable élite sociale. Peut-être était-ce parce que la faible accumulation de richesses faute de terres suffisamment rémunératrices rendait quasi impossible l’émergence d’une bourgeoisie dynamique.
C’est ainsi que paradoxalement, celle-ci se constitua de façon exogène tandis qu’à l’intérieur des frontières insulaires les classes sociales s’interpénètrent se rendant interdépendantes favorisant le système clanique.
Seigneurs de la Cinarca et capurali
On ne saurait dire si la féodalité insulaire répondit aux codes en cours sur le continent ou à des valeurs ancestrales et tribales. Roger Caratini, peu scrupuleux en matière d’histoire, a écrit une histoire du peuple corse sans jamais définir ce qu’il entendait par « peuple ». Ce concept comme ceux de nation ou de patrie d’ailleurs, peut être invoquer de façon neutre : forment un peuple tous ceux qui habitent sur un territoire défini. Forment nation ceux qui sont nés sur ledit territoire et forment patrie ceux dont les pères ont habité sur ces lieux. Dans leur conception dynamique et constructive, ces termes revêtent une connotation politique, un désir d’unité et de liberté, une nécessaire conscience sociale.
Mais il faut alors remonter au siècle des Lumières pour constater l’émergence de ces approches. Les Corses du Moyen Âge se définissaient vraisemblablement par leur appartenance à des tribus dirigés par un seigneur (littéralement solitaire) ou un chef (celui qui est à la tête) dans un entrelacs de services réciproques formant des fidélités complexes que ne rendaient dynamiques que les ruptures bien souvent provoquées par des trahisons. La lutte incessante des seigneurs ne revêtit jamais un caractère homogène même si, à partir de la fin du Moyen-Âge, perce l’amorce d’un sentiment corsiste. Mais fondamentalement, chaque parti(e) joue sa propre carte et les haines entre Corses semblent plus violentes que la détestation de la puissance tutélaire. L’apparition des capurali ressemble à l’émergence d’une bourgeoisie rurale qui entend prendre la place des seigneuries en déshérence. Dans le cismontu, les capurali calqueront leur modèle de société sur les communs génois tandis qu’au sud le système féodal perdurera peu ou prou.
Les raisons de cette différenciation tient autant au relief qu’à la proximité génoise au nord tandis qu’au sud la terre la plus proche est la Sardaigne féodale. Toutefois cet embryon de formation sociale ne déboucha jamais sur l’apparition d’une class sociale dominante et indépendante. Et cet inachèvement fut une constante de notre histoire.
Chercher l’homme providentiel à l’extérieur de la Corse
Les mythes historiques s’éloignent généralement à tire-d’aile quand ils sont confrontés à la réalité des faits historiques.
Non Sampiero Corso ne fut pas le héros d’un nationalisme français qui, à l’époque, n’existait pas. Il fut la créature des Medecis qui l’abandonnèrent à l’issue du traité de Cateau-Cambresis rendit la Corse à Gênes. Ça n’est qu’au XIXe siècle qu’il entra dans un panthéon profrançais afin de lutter contre les visées italiennes sur la Corse. Toutefois le cas de Sampiero est éclairant sur un point : les Corses, à cause de l’inexistence de cette élite locale, ont souvent cherché leur homme providentiel à l’extérieur de l’île.
Que ce soit le roi Théodore en 1736, Pasquale Paoli en 1755 ou plus tard Napoléon III (qui était un parfait étranger pour la Corse) voire Emmanuel Arène né à Ajaccio, mais vivant à Paris, le sentiment qui domine est que l’étrange étranger possède un charme qui séduit les Corses de l’intérieur.
Rendons-nous compte que la famille Bonaparte qui domina l’Europe pendant une décennie fut ignominieusement chassée de Corses par les Paolistes en 1793. Combien d’insulaires ont du quitter leur terre pour réussir formidablement qui dans l’Empire qui sous les ors de la République.
La Corse est un monde qui ne possède pas de centre et reste agité par une force centrifuge qui expulse plus qu’elle ne rassemble. C’est peut-être cela qu’il faudrait étudier pour être capable d’inverser cette fâcheuse tendance. C’est à cela que vont se heurter les nationalistes, ce vieux démon de la perpétuelle division, cet amour du sisyphisme. Et il faudra le dominer et lui tordre le cou.
GXC