Frédéric Benetti, Président du Tribunal de Commerce d'Ajaccio
« Si l’on transfère la crise sanitaire au niveau judiciaire avec les éléments dont nous disposons aujourd’hui, il n’y a pour l’heure aucune retombées négatives. »
Comment se présente la rentrée 2021 au niveau du Tribunal de Commerce ?
Je dirais moins pire que ce qui était prévu. Ceci étant, nous sommes face à une problématique à laquelle tout le monde a pris conscience y compris le pouvoir politique, elle concerne le tourisme de masse qui a inondé l’île durant les deux mois d’été et dont on ne connaît pas réellement les retombées économiques.
Quelles ont été les répercussions de la crise sanitaire depuis dix-huit mois pour ce qui est des entreprises insulaires ?
D’un point de vue purement économique, cette crise n’a pas fait beaucoup de dégâts grâce aux aides allouées. Le Gouvernement a su pallier, à travers le PGE, le fonds du solidarité ou encore le chômage partiel, les différentes problématiques rencontrées par les entreprises. Si l’on transfère la crise sanitaire au niveau judiciaire avec les éléments dont nous disposons aujourd’hui, il n’y a pour l’heure aucune retombées négatives. Est-ce réellement un point positif ou ne sommes-nous pas dans une mise sous cloche, qui, une fois diluée, provoquera un effet à retardement marqué par une crise de trésorerie des entreprises ou ou des difficultés structurelles ? On ne peut y répondre l’instant.
Dans quelles mesures, les entreprises insulaires ont-elles été marquées par la crise ?
Si les chiffres semblent plutôt optimistes, la crise a causé des problèmes des problèmes à toutes. Une entreprise est faite pour investir, créer de l’emploi et de la richesse. Or, la crise sanitaire a mis l’ensemble du tissu économique national ou régional sous cloche. Les entreprises ont basculé vers de l’assistanat afin de passer, au mieux ce cap difficile. Aujourd’hui, nous sommes peut-être entrain de le franchir avec sur tout le territoire national, 50 millions de primo-vaccinés et une immunité collective de l’ordre de 90 %. En Corse, les chiffres sont aussi en hausse. Nous allons pouvoir, progressivement refaire surface et redonner à l’entreprise son sens originel qui est de créer de la richesse.
Qu’en-est-il au niveau du Tribunal de Commerce ?
Au niveau judiciaire, les statistiques ont baissé de moitié en ce qui concerne les procédures collectives. Un exemple me paraît probant pour justifier cela. Nous avons, enregistré, au 31 mai 2021, 44 demandes d’ouverture de procédure contre 138 en 2019. et toujours dans les mêmes dates, 20 liquidations judiciaires contre 68 il y a deux ans. L’année 2020 n’étant pas prise en compte, nous sommes à l’année n-1 en 2019.
Pourrait-on envisager un retour à la normale ?
On espère pour le mois de janvier. Si l’on parler de « normalité » au vu du retard à rattraper au niveau économique. Il va falloir remettre les machines en marche et qu’elles puissent se satisfaire de ce qu’elles vont gagner plutôt que ce qu’elles vont avoir. Sachant, en outre, qu’à compter de janvier, le système des aides sera terminé.
Économie : le plus dur est-il derrière nous ?
On peut considérer, avec les mesures gouvernementales (pass sanitaire, vaccination…) que l’immunité collective gagne du terrain sur la pandémie et que la crise sanitaire pourrait s’estomper progressivement. Ouvrant, enfin grandes, les portes d’une relance économique que tout le monde appelle de ses vœux. En Corse, en tout cas, les voyants restent au vert avec une affluence touristique record cet été…
Quelles sont, dans le détail, les retombées économiques de la saison estivale 2021 en Corse ? Il faudra encore attendre les chiffres communiqués par les deux Chambres de Commerce et d’Industrie de la Corse-du-Sud et de Haute-Corse ainsi que de la Banque de France, premiers observatoires économiques en termes de statistiques pour le savoir.
Il n’empêche, en attendant les stats officielles, que les voyants semblent au vert. La Corse a été, avec près de 2,500 millions de voyageurs et un nombre d’habitants qui a quasiment quadruplé cet été (1,200 million de personnes) le réservoir d’un tourisme conséquent. Des chiffres qui témoignent d’une grande attractivité...En termes de fréquentation sur tout le territoire insulaire. Reste à savoir, et cela constitue le point crucial de cet afflux important de visiteurs, quelles ont été les réelles retombées économiques pour l’île. Là aussi, quelques semaines seront nécessaires avant d’en savoir plus dans le détail.
Une arrière-saison sous de bons auspices
Le bilan reste toutefois positif et en hausse par rapport à 2020 (baisse de la fréquentation de 48%) avec des mois de mai et juin mitigés mais pas vraiment catastrophiques, un pic considérable en juillet-août et une arrière-saison qui se présente sous de bons auspices. Dans ce tableau incitant plutôt à l’optimisme, un petit bémol et non des moindres, vient mettre son grain de sable : l’hôtellerie. Un secteur qui reste en suspens et qui n’a toujours rattrapé le retard accumulé durant l’été 2020. Quelles ont été les différentes orientations ? Hôtel, camping, villa, location saisonnière ? Sachant, par ailleurs, qu’une concurrence que l’on peut qualifier de déloyale est venue s’ajouter…
Autre point à soulever et parfois préjudiciable pour les entreprises corses comme celles d’ailleurs, le pass sanitaire, à l’origine d’une baisse du chiffre d’affaires. Si une organisation drastique est nécessaire pour aller s’asseoir dans un commerce, cela est inhérent à l’époque que l’on vit. Des aides devraient, néanmoins, être allouées selon le CA afin de combler le manque à gagner. La vaccination est ouverte, quant à elle depuis mars-avril et la prise de conscience qu’elle est indispensable pour un retour à la vie « normale » et pour que les commerces puissent revivre semble nécessaire. La crise sera-elle pour autant rapidement derrière nous ? L’avenir à court et moyen terme nous le dira. En attendant, le « Quoi qu’il en coûte » prôné par Emmanuel Macron a coûté la bagatelle de... 300 milliards d’euros à l’État, ceci permettant aux quelques 2 millions d’entreprises à l’échelle nationale, de rester pour la plupart, la tête hors de l’eau. En Corse où le tourisme constitue un peu plus de 30 % du PIB, le système a permis aux 40000 entreprises de faire face. Faudra-t-il, à terme mettre des considérations spécifiques par région où les données économiques varient ? La question mérite d’être posée.